La refonte du métier d'infirmière, une "urgence"
[DOSSIER ENJEUX 2025] Michel Barnier avait promis, en arrivant à Matignon, une loi "infirmières-infirmiers". Projet annulé pour cause de censure? Non, car le député et ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux a déposé une proposition de loi sur le sujet le 18 novembre dernier. Reste à savoir ce qu’en pensent les médecins.
Par les temps troublés que connaît la vie politique française, les propositions de loi, portées par les parlementaires, ont peut-être davantage de chances d’aboutir que les projets de loi mis sur la table par des gouvernements à l’espérance de vie toujours plus courte. C’est en tout cas le pari fait par le député (Horizons) et ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux. Celui-ci a, en effet, déposé cet automne une "proposition de loi sur la profession d’infirmier". L’objectif énoncé dans l’exposé des motifs est clair: "reconnaître les missions des infirmières et infirmiers et l’évolution de leurs compétences".
Il faut dire que la refondation du métier d’infirmier est un chantier qui a beaucoup fait parler de lui depuis deux ans: entamé sous la houlette de François Braun, il a suscité de fortes attentes dans une profession en manque de reconnaissance, et beaucoup de discussions en coulisses pour réviser le fameux "décret d’actes", qui définit ce que les infirmières peuvent faire. On aurait pu croire que ce travail avait été enterré par la dissolution de juin, mais Michel Barnier l’a repris à bras-le-corps, annonçant une loi pour les infirmières dans sa déclaration de politique générale en octobre dernier: "Mon gouvernement vous proposera d’accélérer l’accès aux soins grâce à une loi infirmières-infirmiers qui ira plus loin dans la reconnaissance de leur expertise et de leurs compétences et leur donnera un rôle élargi dans la prise en charge des patients."
Deux articles et beaucoup de bruit
Pour répondre aux besoins exprimés par la profession, ce texte devra cependant être enrichi de manière substantielle, car il ne comporte actuellement que deux articles : le premier redéfinit la profession infirmière en mettant en avant la consultation et la prescription infirmières, et le second entend élargir la pratique avancée à des domaines d’activité où elle n’est pour l’instant pas possible : protection maternelle et infantile (PMI), aide à l’enfance…
"Cette loi devra prendre en compte plusieurs aspects: les soins relationnels, la coordination des parcours de soins, la prévention, et la formation des futures générations d’infirmiers", souligne la présidente de l’Ordre national des infirmiers, Sylvaine Mazière-Tauran dans un communiqué. "Dans un système de santé en tension, les infirmier(e)s jouent un rôle essentiel pour assurer la continuité des soins", rappelle-t-elle. Une loi qui est aussi "essentielle pour redonner de l’attractivité au métier et lui apporter la reconnaissance qu’il mérite, à l’heure où de plus en plus d’infirmiers libéraux envisagent l’abandon de leur métier face à la fatigue et à la pression subie", ajoute la Fédération nationale des infirmiers (FNI) dans un communiqué. Il y a "urgence à valoriser cette profession, qui rencontre de trop nombreuses difficultés et qui est en perte de sens", abonde un communiqué du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).
"Il n’y a pas d’opposition des médecins en général, mais de certains médecins qui, malheureusement, tiennent le haut du pavé", déplore Frédéric Valletoux
"Ce texte est globalement positif, même s’il y a des points qui demandent à être améliorés, réagit Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Il manque notamment la notion d’orientation vers d’autres professionnels ou encore la mission relationnelle du soin." Mais c’est justement la force d’une proposition de loi que de pouvoir être enrichie au fur et à mesure des débats parlementaires. Frédéric Valletoux espère utiliser une niche transpartisane et estime qu’une inscription à l’agenda est possible pour le printemps.
Reste une inconnue: la réaction des médecins, dont certains représentants ont souvent exprimé leur opposition à l’élargissement des compétences des infirmières. "Il n’y a pas d’opposition des médecins en général, mais de certains médecins qui, malheureusement, tiennent le haut du pavé, réagit Frédéric Valletoux. Je m’attends donc à des réactions, et c’est dommage, mais je vois surtout sur le terrain que les médecins travaillent beaucoup avec les infirmières. Ce ne serait pas la première fois qu’on observerait un décalage entre certaines voix un peu médiatiques du monde médical et ce qui se passe sur le terrain."
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