A l'occasion des 70 ans de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), le président Thierry Lardenois évoque la situation de la retraite du médecin libéral. Et affiche son pessimisme sur l'impact du futur régime universel de retraite, promis par le président Macron. Car malgré ses zones de floue, la configuration annoncée signerait la mort de la Carmf.
Egora.fr : A la lumière des statistiques de la Carmf, diffusées à l'occasion de son 70ème anniversaire, peut-on dire que c'est une "bonne affaire" d'être un médecin libéral, par rapport à un cadre supérieur vis-à-vis de la retraite, par exemple ? Dr Thierry Lardenois : Trois fois oui. La Carmf a 70 ans, et il y a des maisons de cet âge qui ont coulé, y compris dans d'autres caisses. Ce n'est pas notre cas et bien au contraire, nous nous sommes élargis, améliorés et nous avons sur-performé. La Carmf est aussi une caisse de prévoyance et d'action sociale. Le médecin doit se rendre compte qu'il aurait une prestation bien plus couteuse, s'il cotisait la même somme à une autre caisse. Vous allez vous dire qu'il est normal qu'un président tienne ce genre de discours… Mais j'insiste : tout a bien marché depuis le début et tout continue à bien marcher. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'autosatisfaction. La reconnaissance vient de l'extérieur : la Cour des comptes a écrit que nous versons la meilleure retraite moyenne de toutes les professions libérales ; le magazine Capital a dit que nous avons les meilleurs rendements de nos placements avec, en plus, 0% d'erreurs de liquidation. J'ai donc l'honneur et l'immense plaisir de présider la caisse au moment où elle présente ce bilan positif. Tellement positif, je pense, que le gouvernement a copié notre exemple pour créer le régime universel de retraite. La Carmf est basée sur un système par points, avec un âge de départ à 62 ans, un taux de rendement de 5 % et une cotisation acceptable. Ce sont exactement les critères du régime universel. Donc, nous remercions le gouvernement d'avoir copié la Carmf. Nous pourrions d'ailleurs, lui donner encore quelques conseils pour réussir sa réforme, mais on n'est pas sollicités…
Que pouvez-vous dire à ces confrères qui s'inquiètent de l'évolution démographique des médecins libéraux, mise en évidence par l'inversion de la courbe cotisants-retraités ? Nous n'avons pas d'inquiétudes. Les résultats que nous enregistrons actuellement sont dans les clous de nos projections. Nous sommes même légèrement meilleurs que nos projections. Le Haut commissaire à la réforme de la retraite (Jean-Paul Delevoye. Ndlr) avait cru pouvoir déclarer sur France Inter que les médecins libéraux allaient disparaître et qu'ils n'avaient pas d'intérêt pour la Carmf. C'est faux et plus que faux ! Les réinscriptions à la Carmf sont passées de 3 000 à plus de 5 000, soit un bilan supérieur aux statistiques que nos actuaires avaient produit il y a quelques années. Nous serons moins en déficit technique que nous l'envisagions. "On travaille comme des fous, on paye énormément et on n'est même pas certain de toucher notre retraite"… Quelle est votre réponse à ce discours que l'on entend fréquemment parmi les médecins libéraux ? C'est une bêtise absolue. Je leur réponds : "venez me voir". Je suis médecin de campagne, issu d'une famille de quatre garçons dont trois médecins. Mes frères sont retraités et très heureux de voir leur petit frère gérer la caisse car ils se rendent bien compte que leur retraite est tout à fait correcte et décente, qu'elle est bien protégée et qu'elle est bien placée. Je montrerai aux inquiets combien leur coûteraient les prestations que leur sert la Carmf si jamais ils devaient les assurer individuellement. La mise en place de la future retraite universelle sur laquelle travaille actuellement le Haut Commissaire à la retraite, Jean-Paul Delevoye, inquiète des responsables syndicaux qui redoutent de perdre la spécificité de leur régime, notamment dans ses liens conventionnels. Que savez-vous à ce sujet ? Les seules choses que je sais, je les tiens des annonces du Haut commissaire, qui a dit que la retraite serait à trois plafonds de la sécurité sociale, soit 120 000 euros, ce qui signe la fin de la Carmf*. Et donc ? Donc, nous sommes des démocrates. Si la représentation nationale décide de la fin de la Carmf, ce sera la fin de la Carmf. Nous essayons de lister d'autres pistes et de donner notre expertise dans une démarche constructive… Que faire si on ne l'entend pas ? On s'est battus. On n'est pas silencieux. Ce qui m'a valu d'ailleurs quelques retours de bâton. Nous avons expliqué pourquoi nous estimions que ces seuils ne sont pas les bons, les problèmes que cela posait. Mais quelles seraient les conséquences pour le cotisant et pour le retraité, de la fin de la Carmf ? J'espère que Jean-Paul Delevoye va lever le voile et les incertitudes que nous regrettons. Une réforme d'une telle ampleur et d'une telle complexité prendra presque un demi-siècle, les difficultés sont colossales, et elle nous parait d'un danger extrême. Nous serions partisans d'une réforme menée avec des étapes raisonnables permettant une construction petit à petit. Maintenant, c'est la représentation nationale qui décidera et même si elle a raison, la toute petite Carmf dans son coin, avec ses 200 000 cotisants sur 16 millions de retraités et 70 millions de Français ne sera pas écoutée. Ce n'est qu'après que l'on reconnaitra que nous avions raison. Votre prédécesseur Gérard Maudrux, a réussi à faire bouger les lignes, s'agissant de l'ASV. Il a levé une armée ! Mais qui vous dit que nous ne le ferons pas ? Je ne suis pas homme à renoncer.
Si tout le régime complémentaire est englobé dans la retraite universelle, explique-t-on à la Carmf, seule la gestion des très hauts revenus, cotisants au-delà de trois plafonds de la sécurité sociale, (+ de 120 000 euros) resterait dans l'escarcelle de la CARMF. Les médecins concernés étant très peu nombreux, la caisse n'aura plus de travail et devra donc disparaître.
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