Arrêt maladie : un site propose de zapper la case cabinet médical avec une formule "à la carte"
Une nouvelle plateforme en ligne propose aux patients un arrêt maladie "rapide et fiable" sans avoir besoin de se déplacer en cabinet pour consulter un médecin. Coût de l’opération : 25 euros.
“Ne perdez plus votre temps et votre énergie à aller chez le médecin pour un simple arrêt maladie !”. Tel est le slogan du site arrêtmaladie.fr, nouvelle plateforme en ligne, dont la version française a été lancée début janvier 2020. Ce qu’il propose : payer 25 euros contre l’envoi d’un arrêt maladie “rapide et fiable” sans avoir besoin de se déplacer jusqu’à un cabinet médical et de consulter un médecin.
“Je ne peux travailler aujourd’hui à cause d’un coup de froid... mais pour obtenir un arrêt maladie je ne veux pas perdre mon temps à aller dans le cabinet d’un médecin”, débute encore la vidéo promotionnelle de la plateforme “arrêtmaladie.fr” qui insiste sur la simplicité de la démarche. “C’est mon droit, 100% rapide et sécurisé”, affirme-t-elle.
Le principe se veut simple : il suffit de sélectionner le motif pour lequel le patient souhaite se faire arrêter. Sept choix sont proposés : coup de froid, stress, douleurs menstruelles, gastro-entérite, douleurs de dos, migraine ou cystite. Le patient doit ensuite répondre à un questionnaire d’une vingtaine de questions et indiquer notamment ses symptômes, combien de jours il pense être incapable de travailler, la durée de l’arrêt souhaité et s’il y a un risque de contamination des collègues.
Alors attention c’est extraordinaire , c’est le patient qui défini de combien de jour d’arrêt celui ci a besoin ...
Regardez le questionnaire c’est hallucinant pic.twitter.com/nZzUN7FdWI— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) January 2, 2020
Avant de terminer le questionnaire, il faut remplir les coordonnées de “l’assuré(e)” : numéro de sécurité sociale, nom, prénom, email, adresse et activité professionnelle. Passé cette étape, un rendez-vous de téléconsultation est proposé au patient qui doit s'acquitter de 25 euros pour 15 minutes – ou de 30 euros pour la téléconsultation enfant. Une fois la consultation effectuée, la plateforme promet d’envoyer rapidement un arrêt maladie au format PDF.
À la fin du questionnaire, la plateforme propose d’ailleurs aussi d’envoyer directement l’arrêt à l’employeur, sous réserve d’avoir transmis la bonne adresse et les bonnes coordonnées. Il est enfin également possible de discuter en ligne avec un médecin - ici le Dr Lucio.
“Ce sont des escrocs !”
Nous avons fait le test pour Egora en prétextant une gastro-entérite. Après une description des symptômes, le Dr Lucio nous demande notre numéro de sécurité sociale avant de donner un lien permettant de prendre un rendez-vous en ligne.
Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Il faut fouiller un peu - beaucoup - dans les conditions générales du site pour trouver plus de modalités. En réalité, les arrêts distribués par cette plateforme ne peuvent être que de trois jours maximum, à un intervalle d’au moins trois semaines et le patient ne peut demander qu’un nombre d’arrêts limité - quatre - par an. Fait surprenant... lorsqu’on veut cliquer pour remplir le questionnaire en ligne, le site bascule vers une autre plateforme appelée “Docteursecu.fr”, une plateforme d’assistants médicaux en France.
“Ce sont des escrocs !”, enrage le Dr Jérôme Marty, président du syndicat UFML, interviewé par Egora. “Ils utilisent les mots ‘sécu’, ‘docteur’, ‘arrêt maladie’... Cela trompe les patients qui pensent avoir à faire à l’Assurance maladie. On se sert de termes qui sont extrêmement génériques, pour vendre des choses à 25 euros.” Le médecin annonce aussi avoir alerté les avocats du syndicat sur le dossier.
Une origine allemande
Le siège social de la plateforme arrêtmaladie.fr est en réalité basé en Allemagne, à Hambourg. “Le site est financé exclusivement par fonds privés sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique”, précise les mentions légales du site. “Je pense qu’ils appliquent au régime français ce qui se fait en Allemagne, où il est autorisé de dispenser des arrêts de travail par voie de télémédecine”, estime Jérôme Marty.
Cette pratique est-elle pour autant illégale ? D’après le site de la sécurité sociale, “le médecin ‘téléconsultant’ doit connaître le patient. Afin de garantir une prise en charge de qualité, il est nécessaire que le médecin dit ‘médecin téléconsultant’ vous connaisse, ce qui implique que vous ayez eu au moins une consultation physique avec lui (cabinet, domicile patient ou établissement de santé) au cours des 12 derniers mois précédant la téléconsultation”. Mais la téléconsultation étant aujourd’hui admise, “rien ne semble s’opposer à ce qu’un médecin téléconsultant puisse délivrer un arrêt de travail après avoir respecté les conditions de la téléconsultation : examen du dossier ou questionnaire du malade et entretien direct en vidéo avec ce dernier. Le médecin doit également pouvoir être identifié et habilité à prescrire un arrêt de travail”, précise Nicolas Loubry, juriste.
Inquiétude de l'Assurance-maladie
Pour autant, l'Assurance-maladie ne cache pas son inquiétude. "L’Assurance Maladie a été alertée sur l’existence de ce site dont la communication promotionnelle semble à la fois mensongère dans son contenu et critiquable dans son principe. Il n’est pas exact que les téléconsultations proposées aux patients puissent être prises en charge par l’Assurance maladie ; il est inacceptable de faire la promotion d’un site de prise de rendez-vous médicaux en ligne à partir d’une promesse d’obtention d’un arrêt de travail. La Caisse nationale examine les voies de droit permettant d’y remédier dans les meilleurs délais", nous affirment-ils.
Mais quelle confidentialité pour les données personnelles transmises sur la plateforme ? Quel traitement des données par la suite ? "Arrêtmaladie.fr ne collecte et ne stocke aucune donnée patient", assure ses reponsables, contactés par Egora. Le même site avait déjà fait parler de lui début 2019. Pour 9 euros, la startup Schein.de proposait de fournir des certificats médicaux aux patients allemands et suisses - pays dans lesquels la plateforme existe depuis décembre 2018 - directement sur WhatsApp.
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