Rien de tel que le fichage des patients pour unir le monde de la psychiatrie. Le 7 mai dernier, un décret a été publié au Journal officiel afin de donner à l'État les moyens d'identifier les personnes fichées pour "radicalisation terroriste" hospitalisées sans consentement en psychiatrie. Aujourd'hui, les réactions s'amoncèlent pour dénoncer la mesure et réclamer son annulation. Dans un communiqué signé par 23 représentants d'associations d'usagers et de syndicats de psychiatres et médecins hospitaliers, le champ de la psychiatrie dénonce "une étape supplémentaire inacceptable et scandaleuse au fichage des personnes les plus vulnérables (…) dans un amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de la prévention de la radicalisation". Les signataires demandent "l'abrogation pure et simple du décret". La Fédération française de psychiatrie (FFP) – qui regroupe 34 syndicats et sociétés savantes, dont le Collège national de psychiatrie – s'est jointe au concert de réprobations, en interpelant le nouveau délégué ministériel à la Santé mentale, Franck Bellivier, "afin de connaître son positionnement sur ce sujet et s’il trouve que la méthode est bonne pour « déstigmatiser » la psychiatrie et surtout les personnes qui y ont recours". La Cnil inquiète du risque de dérive Le décret du 6 mai 2019 autorise le croisement de deux bases de données : le Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et Hopsyweb, qui recense les personnes hospitalisées sans consentement en psychiatrie. Il prévoit ainsi le signalement des personnes "radicalisées" hospitalisées en psychiatrie aux représentants de l'État – préfets de département et préfet de police à Paris – via les ARS. Le texte s'accompagne d'un avis très mitigé de la Commission nationale informatique et liberté (Cnil), qui "souligne la différence profonde d'objet entre les deux fichiers en présence, l'un faisant état d'antécédents psychiatriques d'une certaine gravité, l'autre ayant la nature d'un fichier de renseignement". La commission appelle à une "vigilance particulière" et demandent la mise en œuvre de "garanties suffisantes" pour préserver le secret médical. Nombreux recours en prévision L'Ordre des médecins a déjà annoncé examiner les voies de recours possibles au vu du risque de violation du secret professionnel et décidera le 17 mai s'il saisit ou non le Conseil d'État. Plusieurs syndicats de psychiatres, dont la FFP, ont annoncé leur volonté de faire de même. Le texte complète un premier décret en date du 23 mai 2018, qui consacrait l'extension d'Hopsyweb et sa possible consultation par les autorités. Le Monde rappelle que le projet a été porté par Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, qui disait dès 2017 vouloir "identifier les profils qui peuvent passer à l'acte" et estimait à "à peu près un tiers" les personnes signalées pour radicalisation présentant "des troubles psychologiques". Autant d'épisodes qui avaient déjà suscité une levée de boucliers au sein de la profession.
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