L'examen du projet de loi relatif à la bioéthique s'est achevé mercredi 9 octobre. Mesures acceptées, recalées ou même véritable marche arrière, Egora fait le point sur les décisions de l'Assemblée.
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Rétropédalage sur la filiation des enfants nés de GPA
Marche arrière toute. L'Assemblée nationale a finalement rejeté, mercredi, toute reconnaissance automatique de la filiation d'enfants conçus par GPA à l'étranger. Cet amendement du Gouvernement ainsi adopté par 139 voix contre 23 (7 abstentions) revient sur la décision votée la semaine passée suite à un "couac", d'après l'expression utilisée par le patron des députés LREM Gilles Le Gendre.
Allant contre l'avis du Gouvernement, les députés avaient voté le 3 octobre en faveur de la reconnaissance de la filiation d'enfants conçus par GPA à l'étranger. L'exécutif avait aussitôt réclamé une seconde délibération et motive aujourd'hui son amendement par le refus d'"ouvrir une brèche dans la prohibition de la GPA, prohibition qu'(il) souhaite absolument maintenir".
La plupart des élus LREM et LR, les MoDem, UDI-Agir et PCF ont soutenu cet amendement du Gouvernement. Les élus socialistes et Libertés et territoires ont quant à eux voté contre, tandis que les Insoumis se sont partagés.
Quinze "marcheurs" se sont prononcés contre ce rétropédalage. Parmi eux, Jean-Louis Touraine et Raphaël Gérard, qui déplorent un retour en arrière sur un vote qui avait été "clair", restant ainsi dans "l'hypocrisie" sur cette filiation.
La semaine passée, la garde des Sceaux avait plaidé, sans succès, pour le maintien du droit actuel, soit "une retranscription partielle de l'acte d'état civil au regard du père biologique et un processus d'adoption pour l'autre parent".
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Meilleure prise en charge des enfants intersexués
Après de vifs débats, l'Assemblée nationale s'est positionnée mardi en faveur d'une amélioration de la prise en charge des enfants intersexués. Sans interdire les opérations chirurgicales de conformation à un sexe, les députés ont voté pour une prise en charge de ces enfants par les quatre centres français de référence sur les maladies rares du développement génital (Lille, Lyon, Montpellier et Paris).
Les associations LGBTQI dénoncent régulièrement les mutilations génitales subies par les personnes intersexes, c'est-à-dire dotées de caractéristiques sexuelles féminines et masculines à la naissance et opérées enfant.
Ce sujet ne figurait pas dans le projet de loi bioéthique. Il a été ajouté à la demande de certains députés. Ce n'est qu'après deux heures de débat que cet amendement porté par le Gouvernement et la majorité a été voté à 91 voix contre 3.
Aussi, pour tout traitement ou absence de traitement, "le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision", précise l'amendement. Pour Agnès Buzyn, ministre de la Santé, c'est "la voie la plus appropriée" pour informer les familles et les adresser à des équipes spécialisées. Interdire toute opération chirurgicale, hors nécessité vitale immédiate, n'était pas adéquat selon la ministre.
Il est également demandé, sous douze mois, un rapport avec des "éléments chiffrés sur le nombre de personnes concernées". En France, aucune donnée n'est disponible sur la prévalence des opérations mais des recherches en Allemagne citées dans un rapport du Conseil de l'Europe font état de gonadectomies chez 64% des personnes intersexes. Elles estiment à 96% celles qui suivent un traitement hormonal.
Selon des experts cités par l'ONU, 1,7% de la population serait concernée par des variations du développement sexuel qui peuvent toucher tant les chromosomes, les gonades, que l'anatomie.
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Arrêt de la technique du "bébé médicament"
Les députés ont voté lundi un amendement mettant un terme à la technique dite du "bébé médicament".
La technique repose sur la conception d'un enfant avec un double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA), pour qu'il soit indemne de la maladie génétique dont souffre un frère ou une sœur et immuno-compatible avec lui ou elle. Cela en vue de permettre la guérison de l'enfant atteint grâce à un prélèvement de sang de cordon.
Cette technique est autorisée à titre expérimental par la loi du 6 août 2004. "Mais, au regard de la transgression qu'elle représente, une telle possibilité ne saurait être maintenue dans le Code de la santé publique sans nécessité impérieuse", a plaidé la député LR Anne Genevard dans son amendement. Une majorité de députés se sont rangés de son côté et ont voté l'abrogation de l'article incriminé.
"Le bébé médicament nous interpelle. On est face à un dilemme éthique. Entre l'enfant à soigner et l'enfant à naitre, il faut faire prévaloir le principe de la dignité de la personne qui doit exister pour elle-même pas pour une autre", a plaidé Thibault Bazin (LR).
Agnès Buzyn a quant à elle estimé ne pas avoir assez de recul pour s'exprimer sur le sujet. Elle a néanmoins tenu à préciser que les familles qui ont recours à cette technique ont "un projet parental", souhaitent "faire un autre enfant et, dans le cadre, se voient proposer de chercher en plus, la compatibilité pour que ce nouvel enfant puisse éventuellement sauver son frère ou sa sœur. Mais ce ne sont pas des enfants fabriqués pour sauver un autre bébé".
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Simplification de la recherche sur les cellules souches embryonnaires
"Par rapport à la communauté scientifique, se retrouver comme ça un vendredi soir à une poignée de députés pour parler de choses aussi importantes, ce n'est pas une belle image que nous donnons", a lancé le co-rapporteur et généticien Philippe Berta, député MoDem. C'est une Assemblée très clairsemée vendredi 4 octobre au soir qui a voté une mesure facilitant la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
Cet article, le numéro 14 du projet de loi, fait le distinguo entre les embryons et les cellules souches embryonnaires. Pour ces dernières, les chercheurs pourront démarrer leurs travaux après avoir fait parvenir une déclaration à l'Agence de la biomédecine. En somme, la demande d'autorisation n'est plus nécessaire.
Par contre pour des recherches sur les embryons, la demande d'autorisation reste obligatoire. Les députés ont aussi validé la limitation à 14 jours de la culture d'embryons in vitro, contre sept jours de facto jusqu'ici.
Pour Philippe Berta, "Il faut aligner la France sur ce qui se fait dans d'autres pays pour rester dans la course".
La ministre de la Santé a quant à elle souligné les "espoirs de ces recherches pour la science et les malades", en évoquant 25 essais cliniques à travers le monde à partir de travaux sur les cellules souches embryonnaires.
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Rejet de l'extension du DPI à la trisomie 21
Les députés ont refusé lundi que soit légalisée la détection de la trisomie 21, avant toute fécondation in vitro. Cette mesure finalement rejetée n'était pas initialement prévue dans les articles du projet de loi, mais provenait d'un amendement déposé par Philippe Berta, député Modem.
Actuellement, le diagnostic pré-implantatoire (DPI) est réservé aux couples ayant déjà eu un enfant gravement malade ou décédé en raison d'une maladie génétique (mucoviscidose, myopathie, cancer lié à un facteur génétique...).
Certains députés, comme le généticien Philippe Berta, voudraient que soit autorisé un décompte des chromosomes de l'embryon pour repérer des trisomies et éviter une "épreuve" aux femmes concernées. Le dépistage de la trisomie est en effet autorisé au cours de la grossesse. "Quel est l'intérêt de faire supporter à des femmes un parcours de fécondation in vitro, puis un diagnostic pré-natal et une IVG ?", a demandé ce député.
"Passer d'un diagnostic pré-natal à un diagnostic pré-implantatoire change complètement la philosophie", estime Agnès Buzyn, réticente par peur d'ouvrir la voie à davantage d'extension de recherche d'anomalies au cours d'une FIV.
Après 50 heures de débat et plus de 4500 amendements examinés à l'Assemblée nationale, le parcours législatif ne fait que commencer. Le vote solennel de l'Assemblée nationale est prévu mardi 15 octobre, avant d'être envoyé au Sénat. Vraisemblablement, la promulgation de la nouvelle loi de bioéthique n'est pas attendue avant l'été 2020. Le processus de révision des lois pourrait recommencer dans cinq ans… au lieu de sept initialement : autre décision des députés.
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