Questions

Baisse du nombre d'internes à la rentrée : 6 questions pour tout comprendre

Alors que les hôpitaux manquent cruellement de bras cet été, la polémique enfle autour de la baisse de plus de 1 500 postes d'internat à la rentrée. D'où vient ce chiffre ? Pourquoi une telle réduction ? Cette baisse va-t-elle perdurer les prochaines années ? Quelles conséquences peut-elle avoir sur le système de santé ? Décryptage. 

23/08/2024 Par Chloé Subileau
Décryptage Internat R2C
Questions

Début avril, le Premier ministre Gabriel Attal annonçait vouloir "quasi" doubler le nombre d'étudiants en médecine d'ici 2027, avec "jusqu'à 16 000" carabins formés par an. Cet objectif semble pourtant loin d'être atteint. En novembre, les hôpitaux compteront 1 500 postes d'internat en moins que l'année passée. D'où vient ce chiffre ? Quelles sont ses conséquences sur le système de santé ? En quoi cette baisse affecte-t-elle les futurs internes ? Peut-elle être compensée ?... Egora fait le point.

 

Combien d'internes y aura-t-il en moins exactement ?

Chaque année, le nombre de postes d'internat ouverts est fixé au début de l'été. Le 9 juillet, un arrêté paru au Journal officiel est venu ouvrir 7 974 postes pour la rentrée 2024. Parmi ces places, 285 sont réservées aux carabins signataires d'un contrat d'engagement de service public (CESP). L'an dernier, 9 484 postes avaient été ouverts, dont 252 pour les signataires d'un CESP. Une différence de près de 1 510 postes (-16%) par rapport à cette année, qui est aujourd'hui largement décriée par les étudiants et les professionnels de santé.

Mais cette baisse n'est pas la même selon les spécialités. "Pour certaines, on a eu une diminution [du nombre de postes ouverts, NDLR] plus importante que pour d'autres", avançait Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), dans un précédent article d'Egora. C'est notamment le cas de la chirurgie plastique – très prisée par les carabins -, qui a perdu la moitié de ses places (de 28 à 14). A contrario, la chirurgie pédiatrique a vu son nombre de postes inchangé (33 postes). Cela s'explique par un besoin d'internes "plus important" dans certaines spécialités, souvent délaissées par les étudiants, notait Lucas Poittevin.

 

Pourquoi une telle baisse ?

Comme expliqué par Frédéric Valletoux à Ouest-France, cette baisse ne provient pas d'un choix du Gouvernement de "diminuer d'autant le nombre de postes d'intern[at]". Celle-ci est, en réalité, proportionnelle au nombre d'étudiants inscrits en sixième année de médecine cette année. "S'il y a moins d'internes, c'est que 7 800 étudiants ont passé et validé leur examen [pour devenir interne, NDLR] cette année. S'il y avait eu 9 500 admis, on aurait créé autant de postes", détaillait ainsi mardi 20 août le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention.

Cette baisse du nombre de carabins en sixième année s'explique par l'entrée en vigueur, en septembre dernier, de la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C). Craignant d'être lésés par cette réforme – qui a modifié les modalités du concours de l'internat -, de nombreux externes ont préféré redoubler par anticipation leur cinquième année. Courant 2023, le taux de redoublement en cinquième année s'est élevé à 7%, contre 3% d'habitude, indiquait au printemps la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine.

De plus, 276 étudiants – dont 35 ne s'étant pas présentés aux rattrapages – ont échoué aux EDN et 68 aux Ecos – dont 6 qui ne s'y sont pas présentés -, les deux nouveaux examens ayant remplacé les ECN. Au total, ce sont donc entre "7 300 et 7 400 étudiants [qui] devraient" devenir internes dans les prochaines semaines, contre plus de 9 000 les années précédentes, selon Lucas Poittevin.

Dans ce contexte, la baisse de 1 500 postes fixée par arrêté doit permettre à "l'ensemble des spécialités d'être pourvues sur l'ensemble du territoire", complète Guillaume Bailly, président de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) : "L'idée est de préserver les spécialités les plus en tension, comme la psychiatrie et la chirurgie pédiatrique, et ainsi faire en sorte que tous les postes soient pourvus, le plus possible."

 

Pourquoi les étudiants s'opposent à cette baisse ?

Cette réduction de postes est venue briser les rêves de nombreux apprentis médecins. Certains s'aperçoivent qu'ils ne pourront pas atteindre la spécialité et la subdivision "qu'ils auraient pu avoir l'année dernière" avec un classement similaire, indique Guillaume Bailly. "Ils se sont projetés dans une spécialité depuis un certain nombre d'années, mais avec cette baisse qui répond à des conditions exceptionnelles, ils ne pourront plus l'atteindre."

Désespérée, Hélène, une étudiante en sixième année de médecine, a lancé le 8 août une pétition pour demander la réouverture de postes. "Trop d’étudiants devront choisir une spécialité par dépit dans laquelle ils seront moins investis et la qualité de leurs soins en pâtira. Après six ou sept ans d’études acharnées, on ne nous permet pas de choisir notre métier", écrit la carabine dans ce document, qui regroupe plus de 51 800 signatures à l'heure où nous écrivons ces lignes. "Laissez-nous choisir notre avenir !", tonne la jeune femme, espérant pouvoir engager de nouvelles "négociations" avec le Gouvernement.

 

Quelles vont être les conséquences de cette baisse sur l'hôpital ?

Vendredi 16 août, le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France, assurait sur Franceinfo que cette baisse "aura[it] un impact" sur l'hôpital, et en particulier sur les CHU. Pour cause : les internes sont plus de 30 000 en France et représentent 40% du personnel médical hospitalier.

Ces 1 500 postes d'internat en moins vont "demander une capacité d'adaptation, acquiesce Guillaume Bailly, mais tout va être fait pour qu'il y ait le moins de conséquences", en particulier sur la charge de travail supportée par les internes qui entreront en poste ou qui le sont déjà. "Pour rappel, leur temps de travail hebdomadaire est de 59 heures par semaine. On va être vigilant à ce que chaque interne ait une qualité de formation optimale, sans qu'il sacrifie sa santé", poursuit le représentant syndical.

Pour éviter une telle situation - et pallier le manque de bras toujours plus grand dans les hôpitaux -, le recours à "d'autres ressources, probablement des médecins étrangers" ou à des modifications des "organisations" devra certainement être envisagé, d'après le Dr Noizet.

 

Cette baisse va-t-elle continuer les prochaines années ?

Ce "problème" ne doit durer "qu'un an", assure Guillaume Bailly. "L'année prochaine, il y aura un surplus d'internes, même si on est toujours en manque d'internes en France", glisse le président de l'Isni. Les étudiants ayant repiqué leur cinquième année en 2023 passeront, en effet, les épreuves du concours de l'internat à l'automne et au printemps prochains. Ils devraient donc entrer – pour la grande majorité – en internat à la rentrée 2025 et ainsi "compenser" la diminution de postes de 2024.

Une hypothèse confirmée par Frédéric Valletoux, mardi 20 août. "Le trou d'air" observé cette année "sera rattrapé l'an prochain", a indiqué le ministre démissionnaire, précisant par ailleurs que le taux d'échec des examens introduits par la R2C reste similaire aux anciens (environ 2%).

 

Est-il encore possible d'empêcher cette réduction ?

Malgré les demandes de nombreux étudiants, la réouverture de postes cette année semble difficilement possible. Le Gouvernement actuel est, en effet, démissionnaire et censé gérer uniquement les affaires courantes. De plus, la procédure d'affectation des étudiants aux différents postes d'internat a déjà débuté. Depuis le 23 août, les futures blouses blanches (hors CESP) doivent indiquer et ajuster leurs vœux sur une plateforme dédiée ; ils doivent recevoir de premières affectations définitives le 10 septembre. Celles des étudiants en CESP ont, elles, eu lieu le 22 août 2024.

Faut-il réglementer la naturopathie ?

Anne Saint-Marc Fuhrer

Anne Saint-Marc Fuhrer

Oui

Il fait aussi informer et arrêter que les médecins et infirmières par exemple s’installent dans les mêmes locaux ce qui donne à to... Lire plus

2 commentaires
1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Axel Miralles
8 points
Médecine générale
il y a 14 heures
Dans tout ça vous ne parlez pas des redoublants ECN de l'an dernier. Il y a environ 400 étudiants (chiffre à vérifier) qui ont passé cette année les ECN (ancienne modalité) parce que l'ayant redoublé ...Lire plus
Photo de profil de Romain L
13,1 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 9 heures
Donc en fait tout ce tintouin semble lié au fait que certains étudiants ne comprennent pas qu'un classement de 10 sur 100 n'a pas la même valeur qu'un classement de 10/1000 ?...Lire plus
 
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