C’est la fin d’une époque. Le numerus clausus disparaîtra dès la rentrée 2020, et avec lui la PACES tant redoutée. Sélection inhumaine, pressions, bachotage, compétition… ce mode de sélection d’accès aux études de médecine est révolu. Médecins, vous êtes passés par là et témoignez, avec nostalgie ou rancoeur, de ces premiers mois de votre vie de carabin.
Il avait promis, pendant sa campagne, d’ouvrir le numerus clausus. Emmanuel Macron l’aura finalement supprimé. En vigueur depuis 1971, ce mode de sélection des carabins sera abandonné dès la rentrée 2020.
Si le nombre de médecins formés ne devrait pas bondir, c’est surtout la formation et la sélection des étudiants qui doivent être repensées. Offrir des passerelles et une reconnaissance aux étudiants qui n’entreront pas en médecine, en finir avec des promotions faites à 99% de bac S, varier les parcours, enseigner les sciences sociales sont quelques unes des grands pistes de la réforme qui se dessine, et qui doit être bouclée avant la fin de l’année.
Beaucoup d’entre vous sont passés par cette sélection bientôt révolue. Tout en reconnaissant les difficultés liées au numerus clausus, vous êtes prudents voire carrément critiques à l’égard de la nouvelle réforme. Morceaux choisis parmi vos réactions. Vos réactions :
Par anatole64 "Il ne faut pas que les étudiants s'imaginent que c'est atroce aujourd'hui, et que demain ce sera très simple et que tout le monde pourra rentrer dans ces filières. C'est un système qui sera différent, qui demandera quand même beaucoup de travail et d'investissement mais de façon plus humaine et plus intelligente pour éviter le gâchis actuel."
En fait le gâchis continue, puisqu'on n'augmente pas sensiblement le nombre de reçus, mais on laisse entendre qu'on va moins sélectionner les forts en math et les mémoires d'éléphant au profit d'autres profils plus en phase avec la pratique médicale.
Mais ça ne résout toujours pas l'irrigation des déserts.
Je serai assez favorable à un cursus ouvert à tous avec 12 de moyenne pour passer à l'année supérieure, mais nos profs veulent garder la main sur la formation en nous expliquant qu'ils sont limités pour le nombre d'étudiants qu'ils peuvent former.
Pourtant dès la deuxième, troisième année on pourrait envoyer un étudiant chez chaque médecin libéral ou hospitalier (compagnonnage), en fait les capacités de formation sont immenses, quoiqu'ils disent.
Par b2c On résume :
- Avant, on se faisait jeter au bout d'un an ou deux. La sanction était sévère, le suppo enfoncé sans précaution. Et on faisait IDE, laborantin, ou on changeait totalement de discipline.
- Demain : on mettra 3 ans pour vous faire comprendre que vous ne serez jamais docteur / kiné / SF / Pharmacien. Mais après 3 ans, difficile de vous orienter vers autre chose qu'une filière de soins.
A part le suppo enfoncé avec douceur et lubrifiant, quel bénéfice pour nos enfants ?
Par supraepineux Lors de ma première année, j'habitais dans les Hauts-de-Seine et j'ai été affecté au CHU Bicêtre. Les TD avaient lieu à 7h30, il nous fallait être présent; nous étions déjà sélectionnés par le trajet, il n'y avait pas de numerus clausus déclaré mais il en existait un sous forme de places de formation dans le CHU -165 places chaque année. Malgré tous les inconvénients, nous avons fait médecine car nous étions impliqués par le choix de ces études en sachant que nous avions "la vocation". Nombre de nos confrères que nous avons connus sur les bancs de la fac se sont installés en libéral, quelques uns ont suivi la filière publique mais nous voulions presque tous être libéraux, ce qui n'est plus le cas actuellement. Peut-être la motivation actuelle de nos jeunes confrères n'est plus la même et peut être expliquée par la dégradation de nos conditions de vie, et surtout de notre considération par les pouvoirs publics. N'oublions pas que nous sommes critiques de toutes les décisions prises et que le politique veut nous détruire de ce fait.
Par mcdd D'Ecole de médecine elle devint Faculté mais elle reste à une filière sélective grâce à un concours dont on peut discuter du contrôle des connaissances mais dont on ne peut pas nier la première qualité anonyme. Chacun avait sa chance le tout était de bosser. Mais la sélection piège à cons faisait plus de gens en échec quand réussite et donc, avait pour vocation à être vilipendée pour de bonnes mais également de très mauvaises raisons. Demain ce sera comme en STAPS soi-disant peu ou pas de sélection et au final à partir de la 3e année grâce à la note de gueule c'est-à-dire la génétique revisitée, le carnet d'adresses complété et qui sait si c'est à nouveau tendance une promotion canapé des trajectoires de réussite biaisées. Cela ne sera pas de regrets pour le fils du Doyen, du député ou des autres membres de la nomenklatura ils placent déjà leurs enfants dans les meilleurs lycées public de France. Et ce manque de sélection est un gage de réussite pour ces gens du beau monde. Quant à l'ascenseur social s'il ne fonctionnait plus c'était parce que les conditions d'enseignement des lycées publics par manque de sélection préparait l'échec de tous. J'étais personnellement de conditions plus que modestes j'ai réussi mon concours du premier coup extrêmement bien placé je ne pense pas que j'eusse fait aussi bien si j'avais été dans une sélection non anonymisées. Il en fut de même pour mon internat.
Par Marie-Josée Enfin ! Que de vocations sacrifiées! Il faudra que nous, les anciens qui sommes passés par cette épreuve, ne fassions jamais le reproche aux jeunes générations d'avoir été épargnées. Il y a assez d'hommes et de femmes passionnés en France sans avoir besoin de démédicaliser les pays européens et le continent africain.
Par E.libre Alors donc les médecins de demain seront sélectionnés sur leur dossier scolaire, sur 12 ans de leur vie pendant lesquelles ils devront, du fait du nombre forcément limité des heureux élus, n’avoir connu aucun accident de vie. Nous aurons des médecins au parcours lisse et sans faute, que la vie aura épargné sur tous les plans jusqu’au baccalauréat, à l’image des "happy fews" qui ont imaginé ce système. L’ascenseur social sera alors définitivement en panne et les heureux promus seront bien nés, "avec une cuillère d’argent dans la bouche", comme on dit. En cherchant un système plus juste, l’état va mettre en place le strict inverse, la sélection dès l’origine, avec du fait des lois les plus élémentaires de l’arithmétique, aucune place pour ceux qui seront sortis des clous pendant leur scolarité.
Par Petitbobo Au-delà de l'annonce de la suppression du numerus clausus, un autre point me paraît essentiel : "Le Gouvernement entend encourager les passerelles et favoriser la diversification des parcours". J'espère que sous la formulation des "passerelles", il y a aussi la ré-instauration des CES. Ces CES qui permettaient de faire une spécialité après quelques années d'exercice (de généraliste le plus souvent). Pas simplement par lassitude, mais parce qu'on s'est rendu compte que l'on aimait la gyneco, la dermato, la pédiatrie, etc. Je suis convaincu qu'à court terme, cette possibilité de se spécialiser contribuerait à lutter contre les déserts médicaux. L'exercice de la médecine générale est passionnant, et certains d'entre eux vont en faire toute une vie. Pour autant on ne peut pas reprocher à un jeune médecin d'hésiter à s'installer loin d'une grande ville et à y entraîner sa famille pour toute une vie. La possibilité de faire secondairement une spécialité via un CES rassurerait ce couple en lui offrant la perspective d'un exercice différent et la possibilité de bouger. Les jeunes médecins hésitent à s'installer dans les déserts de peur d'y être coincés, eux et leurs enfants, que le cabinet marche ou pas.
Par mflorent La sélection dans un "grand pays" comme la France… Jadis, l’école n’était pas obligatoire jusqu’à seize ans. J’ai connu le concours d’entrée en sixième. Dans ma ville, les mieux classés au concours allaient au lycée et les autres à ce qu’on appelait le collège technique… Les recalés préparaient le Certificat d’études primaires, qu’on ne donnait pas à tout le monde… L’école n’étant pas obligatoire jusqu’à 16 ans, les élèves perturbateurs ou les moins bien classés n’entraient pas en cinquième… Même au lycée, tous ne rentraient pas en seconde… Les élèves qui n’avaient pas des notes suffisantes étaient réorientés… Lorsque j’ai passé le bac mathématiques, la moitié de l’effectif de ma classe était constitué de redoublants, dont le fils de notre professeur de mathématiques… L’épreuve de mathématique était un peu difficile l’année précédente et la moitié de la classe avait été recalée… (On ne modifiait pas les barèmes de notation pour avoir 80% de reçus). Alors forcément, à l’entrée dans l’enseignement supérieur la sélection était faite en partie. On pouvait se permettre, à l’université, de former les étudiants en contrôlant les connaissances avec un véritable examen ou tous ceux qui avaient bien travaillé étaient reçus (50% environ). Sur une sélection inappropriée par QCM, avec le numerus clausus, on est amené à éliminer 85% des candidats en “Première année”, dont certains auraient pu faire d’excellents médecins… Toute sélection est inhumaine… Plus on la fait tard, plus elle devient injuste et plus elle entraîne de la souffrance. Vraiment, contrairement à ce que disent nos présidents, la France ce n’est pas un grand pays.
Par lolahc La formation pluriprofessionnelle sélective dans la même fac est une grave erreur. Elle n'améliore pas la coopération interprofessionnelle mais "classe" les professions les unes par rapport aux autres comme l'ont fait depuis des années la Paces (en dévalorisant pharma par rapport à médecine ou sage-femme par rapport à kiné) et les ECN (en dévalorisant la médecine générale par rapport aux spécialités ou santé publique par rapport à dermato). Tout cela fait le lit de la concurrence entre les professions, du mépris des uns et du combat des autres pour plus de rôle et de responsabilités et, au final, du mécontentement de tous. Cette transformation pluriprofessionnelle des facs ne contente que quelques doyens qui y trouvent la possibilité de dépasser le nombre de mandats successifs autiorisés car en universitarisant la formation des infirmières ou des sages-femmes on fonde une nouvelle fac et qui dit "nouvelle fac dit nouveau doyen" avec la remise des compteurs à zero. C'est le cas à Marseille ! On comprend bien que les doyens sont pour, ils sont comme tout le monde, attachés à leur (petit) pouvoir !
Par Aristippe Favorable à la délégation des tâches médicales à des professionnels de santé à la formation plus courte ("infirmiers de pratique avancée") pour dégager aux médecins du vrai temps médical, je le suis dans la mesure où les effectifs de médecins n’augmenteraient pas. Mais suis-je le seul à voir dans cette suppression du numerus clausus combinée : - à la venue toujours plus importante de médecins à diplôme étranger (UE mais aussi extra-européen) aux compétences parfois douteuses (acceptons de voir les choses en face!) - à l’explosion du nombre de postes de médecins salariés cantonnés à des missions dont on peut sérieusement se poser la question de savoir si un diplôme de médecin est vraiment requis (médecin DIM, médecin d’HAD, médecin coordonnateur d’Ehpad, médecin dans l’industrie manipulateur de statistiques cachant derrière son visage de médecin rien de moins qu’un pur marketeur...) alors que ces mêmes nouvelles missions détournent les médecins de leur activité première qui est de soigner... - à l’explosion d’actes et de missions bidons (certificats pour tout et n’importe quoi, folie de la médecine "défensive", codage des actes, activités administratives en tout genre...) - au discours/matraquage permanent et hypocrite sur le présumé manque de vocation des jeunes médecins (comme si ce mot pouvait encore signifier quelque chose dans notre société individualiste et ultralibérale) qui trouve son écho dans l’idée du fameux "gâchis de la première année" (comme si prétendre avoir la "vocation" était une démonstration suffisante de sa capacité à devenir un bon médecin) - à l’idéologie des O. Véran & Co qui soutiennent de façon très démagogique "qu’Aristote et la physique quantique" n’ont plus leur place en première année de médecine, remettant en cause le socle intellectuel et scientifique qui fait justement qu’un médecin est plus qu’un simple technicien de la santé... La tentative d’ubérisation, de banalisation, de déqualification du métier de médecin, le tout se soldant par une perte d’indépendance du médecin qui ne sera plus que le petit maillon d’un vaste système rigide et contrôlé (les fameux "experts qualité" ont un avenir, eux!) et la mise en concurrence des médecins entre eux avec ses corollaires : la perte de tout pouvoir médical et... une coupe drastique dans les revenus des médecins (quand les effectifs auront augmenté de 50%, on aura tôt fait de démontrer qu’une baisse de 50% des revenus s’impose...)? Mais rassurez-vous : pendant que l’oligarchie au pouvoir s’attaque au concours de P1, elle se garde bien au chaud l’exclusivité de l’ENA, d’HEC et de l’école Polytechnique (il est vrai que ces diplômés ne sont plus depuis longtemps reconnus d’intérêt public...)
Par Tilain C'est un faux débat. J'ai eu la "chance" de passer l'examen l'année d'instauration du numerus clausus. Eh bien, c'est incroyable ! Mais il y a eu autant de reçus cette année-là que la dernière année sans numerus ... Vous verrez autant de reçus sans le numerus, les différences se feront à la marge et les facultés joueront sur la notation pour faire coïncider leurs capacités d'accueil avec le nombre de reçus.
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