En 2019, la loi de santé promulguée au Journal officiel dans le cadre du plan Ma Santé 2022 enterrait la Paces et le numerus clausus pour une réforme du premier cycle des études de santé ambitieuse, ayant pour objectif notamment de diversifier le profil des étudiants en santé, de mieux les insérer à la fin de leurs études et préserver leur bien-être.
Terminée donc, depuis la rentrée 2020, la sélection drastique du numerus clausus à l’unité près. Créé dans les années 70, ce dernier avait été instauré pour réguler le nombre de médecins formés en prenant en compte les capacités de formation des universités. Ce sont les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri) qui étaient chargés depuis lors de le déterminer. Il avait ensuite été appliqué aux trois autres professions médicales : maïeutique, odontologie et pharmacie. Mais très vite, le numerus clausus a montré ses limites et n’a pas permis de réellement prendre en compte les besoins en santé des territoires, voire a été contourné car de nombreux étudiants partent chaque année se former dans d’autres pays européens.
Forte de ce constat, la réforme du premier cycle prévoit désormais des “objectifs nationaux pluriannuels”. Il s’agit d’une fourchette de professionnels à former dans toutes les filières qui sera déterminée pour cinq ans. “La loi nous indique que ces objectifs doivent répondre à trois points”, explique Emmanuel Touzé, doyen de la faculté de santé de Caen et président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). Premier objectif : les besoins du système de santé; deuxième objectif : la réduction des inégalités aux soins ; et enfin, troisième objectif : la facilitation de l’insertion professionnelle des étudiants.
Pour ce faire, l’ONDPS est chargé de mener des travaux préparatoires qui s'articulent autour de plusieurs déterminants : la projection démographique des professionnels de santé, en prenant en compte le chiffre actuel, celui estimé sur 10 ans, les départs à la retraite par exemple ; mais aussi les besoins en santé, comme le vieillissement de la population. Et puis, les évolutions organisationnelles du système de soins, les professionnels actuels ne travaillant aujourd’hui pas comme ceux de demain. “Les médecins travaillent en regroupement, certaines professions évoluent, des compétences bougent cela peut être le cas pour les infirmières en pratique avancée et tout cela modifie...
les besoins en professionnels de santé”, précise Emmanuel Touzé. Enfin, dernier élément à prendre en compte, la capacité des universités et des instituts de sages-femmes à former le nombre de professionnels dont les territoires auront besoin.
Ce travail sera réalisé en deux temps, en commençant par une phase de concertation à l’échelle régionale. Les agences régionales de santé (ARS) seront chargées de consulter les acteurs professionnels, les institutionnels, les usagers de leurs territoires pour “définir au mieux les besoins en professionnels de santé” pour les années à venir. Lorsque cela sera effectué, une phase de consultation nationale sera ouverte avec les acteurs nationaux. A l’issue de celle-ci, une fourchette par territoire sera proposée aux ministres, qui auront à leur charge de la valider et la publier via un arrêté.
Si rien n’est encore figé, la conférence nationale se tiendra normalement une fois tous les cinq ans, avec possibilité d’en organiser une nouvelle entre-temps pour rectifier ou ajuster le tir. “L’idée, c’est qu’on ait obtenu le nombre de professionnels de santé qui ont été estimés avec une marge à +5% ou -5% à la fin des cinq ans”, ajoute le président de l’ONDPS. “Les objectifs nationaux pluriannuels sont plus souples que le numerus clausus. Tous les ans, chaque université aura la liberté de déterminer le nombre d’étudiants admis dans les filières médicales et pourra donc en prendre un peu plus ou un peu moins”, dit-il encore. Mais le texte réglementaire reste à préciser, rappelle-t-il, les choses étant encore en travail.
Comité de suivi
Pour vérifier que les objectifs de formation ont bien été respectés tous les quinquennats, les textes prévoient la création d’un comité de suivi ad hoc. “A l’ONDPS, nous aimerions que les travaux que nous allons faire cette année puissent être approfondis pour affiner les objectifs. Nous voudrions faire un travail plus précis, la charge est énorme car ce n’est pas juste une équation dans laquelle nous allons mettre plein de variables, qui, à la fin, nous donnera un nombre. Ce sera plus macroscopique. Aujourd’hui, c’est un exercice qui n’a jamais vraiment été fait”, appuie Emmanuel Touzé.
Les objectifs nationaux pluriannuels étant décidés pour cinq ans, le chiffre...
sera donc réparti sur les cinq années puis entre les différentes filières concernées : Pass, Las et les passerelles. En respectant toutefois une règle : que l’une de ces voies ne fournisse pas plus de 50% des étudiants. Afin de pouvoir guider les lycéens souhaitant intégrer les études de santé, à terme, une capacité d’accueil minimale sera indiquée dans chacune des filières directement via la plateforme de vœux Parcoursup. Potentiellement, en fonction de la marge de liberté de +5% ou -5% des universités, ce chiffre pourra être revu à la hausse pendant l’année. Mais ne pourra, en tous les cas, pas être diminué.
2020-2021 : une année spéciale
A cause de la crise sanitaire, la consultation nationale qui devait se tenir avant la fin de l’année a été décalée au mois de mars 2021. De plus, les universités ont encore à gérer cette année des Paces doublants, qui ont été autorisés à refaire leur année sous l’ancien régime et non sous celui de la réforme, en Pass ou en Las. Eux auront encore un numerus clausus spécifique… Qui n’a toujours pas été communiqué par les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.
Cette année étant spéciale, avec la réforme à mettre en place, les universités ont donc déterminé par avance une capacité de formation pour intégrer les différentes filières médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie. L’amortissement de la réforme devrait prendre probablement deux années universitaires. “On gère le flux d’étudiants avec comme contrainte, qui est plutôt positive, d’augmenter le taux de réussite des étudiants à l’issue de la première année. Mécaniquement, le fait d’avoir un numerus clausus pour les Paces conjugué au fait d'augmenter le taux de réussite à l’issue d’une première année, aura pour conséquence une augmentation du nombre d’étudiants en deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP)", analyse Emmanuel Touzé.
Cette augmentation soudaine pourrait-elle néanmoins avoir pour conséquence une baisse plus importante des objectifs nationaux pluriannuels dans les cinq années suivantes ? “Non”, explique le doyen de la faculté de santé de Caen. Car les besoins précis dans les territoires peuvent augmenter dans les années qui viennent ou alors, se stabiliser.
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