"Mieux on était classés, plus on était propulsés vers le bas" : recalés de médecine à cause d'un oral, des étudiants se révoltent

23/09/2021
PASS/LAS
42 étudiants en Pass de l’Université de Paris viennent d’entamer une grève de la faim et un sit-in devant le ministère de l’Enseignement supérieur après leur exclusion des études de médecine, alors qu’ils étaient pourtant dans le numerus apertus après le concours écrit de la fin d’année. Ils dénoncent un système de notation obscur des oraux complémentaires servant à départager les candidats et exigent d’être ré-intégrés aux effectifs de deuxième année. Devant faire une croix sur leur rêve à cause de 20 minutes d’épreuve, ils racontent leur colère à Egora.  
 

lls ont 19 ans et l’estomac vide depuis trois jours. A Paris, 42 étudiants de l’Université de Paris ont décidé d’entamer une grève de la faim, en plus de lancer un sit-in devant le ministère de l’Enseignement supérieur. La cause de leur colère ? Tous faisaient partie du quota pour faire médecine lors de leur année de Pass (qui remplace la Paces dans le cadre de la réforme du premier cycle des études de médecine, NDLR), l’an dernier. Mais, à Paris, le processus d’affectation des places ne s’est pas passé comme prévu…  

Le numerus clausus ayant été supprimé au profit d’un numerus apertus, 520 places ont été ouvertes aux 1.800 étudiants de la filière Pass pour intégrer médecine au sein de cette université. A l’issue du traditionnel concours écrit destiné à classer les candidats, seuls 260 “grands admis” ont toutefois pu directement accéder à la deuxième année. Les étudiants restants ont, eux, dû se soumettre à deux oraux de 10 minutes, destinés à les re-départager.  

Grande nouveauté de la réforme, beaucoup se sont inquiétés du programme à réviser. Le premier était un oral de mise en situation, pendant lequel les étudiants devaient répondre à une question ouverte, puis échanger cinq minutes avec le jury. Le second était une analyse d’articles pas forcément en rapport avec la santé, puis un échange de cinq minutes avec le jury. Au mois de juin, les règles de la faculté étaient claires : la note finale du classement des étudiants restants serait composée à 50% des écrits et à 50% des oraux. 

 

Incompréhension du classement final 

Mais, douze jours avant les oraux, les règles ont changé. “C’était avant le début des problèmes pourtant”, ironise Juliette, étudiante en Pass l’an dernier et actuellement en deuxième année de LAS Sciences interdisciplinaire appliquées à la santé. “On a reçu un mail de l’université de Paris nous disant que l'analyse d’article se changeait en analyse de graphique, sans texte. Sans nous laisser le temps de nous organiser pour réviser”, détaille la jeune femme.  

Habitués aux dysfonctionnements de la réforme de la Paces, les étudiants s’adaptent malgré tout et passent leurs oraux. Et quelques semaines plus tard, le 8 juillet, le couperet des résultats tombe. “J’étais 300 ème à l’issue des écrits, j’étais à 40 places du dernier grand admis. Je n’étais donc pas très inquiète, poursuit Juliette. Pourtant, en étant la 40ème meilleure personne à passer l’oral, je me suis retrouvée...

 

450 places derrière. J’avais 11 de moyenne à l’oral. Aux écrits, 16,5.” Avec ce classement, impossible donc d’accéder à médecine.   Le cas de Juliette n’est pas isolé. Dès le lendemain des résultats, des étudiants échangent sur un forum de la faculté à propos de leur classement qu’ils ne comprennent pas. Au total, 42 finissent par créer un groupe WhatsApp pour se regrouper et créent le collectif “Collectif Étudiants Pass Université de Paris". Antoine, lui, qui va entrer en deuxième année de LAS Sciences pour la santé, était classé 296ème après les oraux. “J’ai un cas extrême : j’étais 296e et avec les oraux, j’ai perdu 400 places. Pourtant, j’ai eu quasiment 15 au premier oral, et 9,5 à l’autre”, lâche-t-il, amer.  En travaillant avec un informaticien, les étudiants du collectif réalisent que l’oral a compté pour au moins 70% de leur classement final au lieu des 50% annoncés. “Mais en fait, plus on était bien classés, plus on était propulsés vers le bas. Par exemple, moi j’étais 36ème en arrivant aux oraux et dans mon cas, l’oral a compté pour 90% de ma note finale”, explique Antoine. A l’inverse, certains qui étaient bien moins classés, ont réussi à passer dans le numerus. “Certains étaient dans les 1000 et préparaient même le concours de Belgique, c’est dire…”  

Ce “dysfonctionnement”, les étudiants concernés l’attribuent au principe de note de rang, décidé par la faculté. “C’est propre à notre université. La note de rang, c’est une formule de mathématicien, selon laquelle on divise tout par un dénominateur N, qui est  le nombre d’inscrits à la filière. Chez nous, c’était 1 800. Cette note qu’on obtient correspond à un rang. Si vous êtes 1er, vous avez 20, si vous êtes 2ème, vous avez 19,9 et si vous êtes dernier, vous avez 0”, précise l’étudiant avant de poursuivre : “Ils ont inventé ça, sauf qu'ils n'ont pas respecté les règles qu’ils ont inscrites dans le règlement. Ils étaient censés garder le même N, le fameux dénominateur, entre l’écrit et l’oral, et ils ont changé. Pourtant, tout le monde sait depuis le CP qu’on ne peut pas comparer deux groupes différents. Là, ils ont comparé un groupe de 675 à un groupe de 1800…”

 

Bataille juridique 

Constantin aussi en a fait les frais. Dans son cas, la note de l’oral a compté pour 70%. “Quand j’ai eu mes résultats, j’étais complètement abasourdi. Je me suis dit que ce n’était pas possible”, témoigne-t-il. A tel point que le jeune homme s’est renfermé sur lui-même cet été, ne voulant plus entendre parler des études de médecine. Et puis, la colère le gagnant, il rejoint le collectif. “Notre oral c’est 70% alors qu’on a passé neuf mois à bosser les écrits. Je suis passé à côté de médecine à cause de vingt minutes d’oral. Avec la Paces je serais passé, c’est incompréhensible.”  

“On est en colère, certes, mais nous avons de vrais arguments”, tient de son côté à préciser Juliette. Car les étudiants, aidés par leurs parents, ont décidé de se lancer dans un combat juridique. Grâce à l’assistance de deux avocats, deux référés ont été déposés devant le tribunal administratif de Paris. Le premier est un référé de suspension, qui, pour être validé, doit respecter une motion d’urgence. Mais il est... indissociable du second, un recours au fond. “En août, on a reçu pour le référé de suspension, les ordonnances du juge qui disait que l'urgence n'était pas respectée parce qu’on a une deuxième chance avec la LAS”, dévoile Antoine.  

Tout le problème est donc là pour les étudiants : la réforme prévoyant deux nouvelles voies d’accès à médecine plutôt qu’une Paces unique (la Pass et les Licence avec accès santé (LAS)), ils n’ont pas “perdu” leur année. De plus, dans le cadre de cette nouvelle réforme, les étudiants disposent de deux chances au total pour rejoindre les études de médecine. Si tous sont passés en LAS cette année, cette nouvelle voie (qui correspond à une licence de leur choix avec une option santé) leur permet de candidater à deux reprises aux études de médecine via une passerelle. Ils ont donc, en théorie, encore une chance de pouvoir réintégrer leur formation de cœur. “Il est vrai qu’on a une chance supplémentaire. Mais on ne devrait pas avoir cette chance supplémentaire à partir du moment où on n’a pas raté la première. On n’a pas raté la Pass. On se retrouve en LAS et les chances sont plus minimes de pouvoir faire la passerelle car il y a moins de places prévues pour les LAS. C’est une deuxième chance certes, mais elle est où ? En quoi consiste-t-elle ? On n’en sait rien !”, explose Juliette. Les étudiants membres du collectif ont cependant encore un espoir sur le plan juridique, car le recours au fond, lui, doit être étudié à la fin de l’année scolaire. “C’est seulement la notion d’urgence qui n’a pas été retenue”, appuie Antoine. Enfin, un pourvoi devant le Conseil d’État sera étudié d’ici le mois de décembre.  

 

Manque de transparence  

Comme ça a été de nombreuses fois le cas dans le cadre de la mise en place de la réforme du premier cycle des études de médecine, les étudiants dénoncent enfin le manque de transparence dans la notation. “On n’a pas eu les grilles d’évaluation. Et les notes de rang, on ne sait pas quelle manipulation ils ont fait avec”, témoigne Constantin. “Quand je suis sorti de mon oral, je n’étais pas totalement satisfait à cause du stress mais je ne m'attendais pas à ce qu’ils me cassent autant avec un 8. J’ai perdu une certaine confiance en l’université. Plus tard, on a appris que certains jurés ne savaient pas du tout ce qu’étaient ces oraux et ont noté n’importe comment. D’autant qu’il n’y a pas eu d’harmonisation : certains ont mis des 8 à tout le monde quand d’autres ont mis des 16”, regrette le jeune homme. Même discours du côté d’Antoine : “Je suis sorti des oraux, pour moi j’avais mieux réussi que l’oral du bac de Français auquel j’ai eu 18. Qu'autant de personnes me passent devant… C’est illogique. Surtout que, je parle français, je n'ai pas fait de crise de panique… On se pose une question : est-ce qu'il manque un 1 devant la note ?” 

“J’ai tendance à dire qu’on joue un jeu à partir du moment où on passe un concours. On joue à un jeu où on a des règles et pour ceux qui sont déclassés, tant pis. Je suis totalement d’accord avec ce système. Mais cette année on a joué à un jeu où les règles ont changé. On a joué à l’aveugle”, regrette Juliette. Antoine lui, y voit aussi un autre problème : “C’est dommage, parce qu’on va à nouveau avoir un oral cette année et si on ne peut pas tirer les enseignements de ce qui s’est mal passé, ça ne nous avance en rien.”   

 

Sit-in devant le ministère et grève de la faim 

Incapables de rester sans rien faire, les étudiants ont tout fait pour alerter sur leur situation. S’ils ont rencontré la présidente de l’université et le doyen cet été, ces derniers ont renvoyé la balle au ministère. “Ils ne sont pas contre nous réintégrer, mais ils veulent un aval du ministère, une décision politique”, raconte Antoine qui considère que 42 étudiants, c’est une goutte d’eau et qu’une quarantaine de médecins supplémentaires serait la bienvenue dans le système de santé. C’est ainsi qu’ils ont décidé d’entamer un sit-in... et une grève de la faim devant les locaux du ministère de l’Enseignement supérieur. Résultat : ce mardi, quatre d’entre eux ont été reçus. “On a eu 3 interlocuteurs qui connaissaient le problème, preuve qu’ils sont au courant de notre situation. On a réexposé nos demandes et la demande est simple : on demande la réintégration”, martèle Antoine. Malheureusement, après une prise de contact, aucune solution concrète n’a émergé de ce rendez-vous. “Le ministère dit que ce n’est pas lui qui a le pouvoir. Ils vont reprendre contact avec le doyen. Ils ont pris nos coordonnées mais concrètement on n’a rien…”  

 

 

Épuisés, tous dénoncent la partie de ping-pong entre les institutions. “Je n’ai pas réussi à partir en vacances, je suis restée chez moi, j’ai écrit des lettres, des recours tout l’été, souffle Juliette. Et là on se rend compte que personne n’a envie de se mouiller. C’est injuste.” “On a 19 ans, on est désespérés de courir entre deux lieux. C’est dégueulasse de nous renvoyer d’un interlocuteur à un autre”, proteste Antoine.  

“Nous les écrits, on les a réussis. On a réussi notre année. On l'a validée. On estime qu'on avait tout le mérite pour aller en deuxième année de filière de santé. Moi personnellement ma colère, c’est de faire compter autant un oral de 20 minutes que neuf mois de travail. La première année, ce n’est pas une année où le bonheur est resplendissant. Là, on a tout donné, on est dans le numerus… Et on est pénalisés au dernier moment. On ne pouvait même pas trop préparer cet oral parce que c’était un oral sur des compétences transverses.”, résume Constantin. “Le ministère doit avoir un contrôle plus strict de ce que fait la fac. On est la seule fac en France qui fait compter à ce point un oral, c’est illogique. Le ministère doit aussi prendre ses responsabilités. La fac joue de ça et c'est une erreur d'appréciation de la réforme. Il faut que la réforme soit plus précise”, renchérit Antoine.  

Les étudiants membres du collectif espèrent que leur entretien avec des conseillers du ministère permettra à leur situation d’évoluer. A moins de trois semaines de la rentrée, ils croisent les doigts pour rejoindre les bancs des amphithéâtres de médecine à l’Université de Paris. Ils entendent poursuivre leur mobilisation et leur grève de la faim jusqu’à ce que la situation se débloque.  

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Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus

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