Bithérapie, bêtabloquants, objectifs tensionnels... Quelles évolutions dans la prise en charge de l'HTA?
Egora.fr : Que disent les nouvelles recommandations concernant les traitements ?
Pr Philippe van de Borne* : Avant tout, le niveau de preuve a été simplifié. Le grade 2 remplace désormais les grades 2A et 2B qui représentaient une zone d’incertitude. Les recommandations insistent sur la prise en charge des patients avec une bithérapie combinée comportant un inhibiteur du système rénine-angiotensine (ISRA), un inhibiteur calcique ou un diurétique. Les patients sont ensuite revus dans l’intervalle d’un mois pour effectuer une graduation de leurs traitements. Le traitement passe alors à la trithérapie combinée (un ISRA, un inhibiteur calcique et un diurétique) avec augmentation de la dose jusqu’au contrôle optimal de l’HTA. Il doit être atteint dans les trois mois du diagnostic. Il s’agit de lutter contre l’inertie thérapeutique. L’objectif est de contrôler plus de 90% des patients hypertendus dès lors qu’ils reçoivent une trithérapie à la dose maximale tolérée. L'HTA réellement résistante n’affecte que 5% des patients. Avec la bithérapie à dose maximale, l’HTA ne sera contrôlée que chez environ 60% des patients. Attention aux « fausses HTA résistantes » dues à l’effet blouse blanche, à la mauvaise observance des patients ou à un traitement perfectible tel que, par exemple, la prescription de deux classes d’hypotenseurs qui ne sont pas recommandés en première ligne à des doses insuffisantes. Il est donc primordial de bien se remémorer que le véritable patient résistant ne présente pas d’HTA de la blouse blanche, il est observant au traitement et reçoit les 3 classes thérapeutiques précitées à dose maximale. Parmi ces trois classes doit figurer un diurétique à la dose maximale recommandée.
Les patients vraiment résistants sont surtout ceux ayant un hyperaldostéronisme primaire passé inaperçu. Dans ce cas, la spironolactone 25 à 50 mg/jour est prescrite préférentiellement et additionnellement au traitement de base. De nombreux patients supplémentaires sont alors contrôlés.
Qu’en est-il des bêtabloquants ?
Dans les précédentes recommandations, les bêtabloquants avaient été mis un peu à l’écart. Dans les nouvelles, ils apparaissent dans 50 indications préférentielles correspondant à des situations spécifiques (p.ex. cardiopathie ischémique, fibrillation auriculaire rapide, insuffisance cardiaque, migraines, tremblement essentiel, hyperthyroïdie, …).
Et du côté des objectifs tensionnels ?
Ils ont été clarifiés. Pour la majorité des patients, la PA systolique doit être comprise entre 140 et 120 mmHg, avec un objectif qui pourrait être de 130mmHg. Il existe une graduation. Un patient fragile, âgé, avec de nombreuses comorbidités doit être stabilisé entre 135 et 140 mmHg. Un patient jeune et en bonne santé, plutôt entre 120 et 115 mmHg. Dans l’insuffisance rénale chronique, les valeurs ont été modifiées pour se situer entre 135 et 120 mmHg. Pour la pression diastolique, tous les patients doivent être entre 80 et 70 mmHg.
Les conditions de l’automesure tensionnelle (AMT) sont-elles actualisées ?
Les recommandations insistent sur la nécessité de réaliser des AMT pour confirmer le caractère soutenu de l'HTA avec des appareils validés et dans des conditions standardisées. Des méthodes alternatives peuvent augmenter l'adhérence du patient à l’AMT.
*Le Pr van de Borne déclare avoir des relations d’intérêt avec Amarin, Amgen, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Daiichi Sankyo, GlaxoSmithKline, Menarini, Novartis, Novo Nordisk, Pfizer, Sanofi.
Jusqu’à récemment, certaines études indiquaient qu’une consommation de faibles quantités d'alcool, notamment de vin rouge, pouvait avoir un effet bénéfique sur le système endothélial et potentiellement prévenir les maladies cardiovasculaires. « L'effet protecteur de l'alcool sur le système cardiovasculaire a été retiré des recommandations qui indiquent désormais qu’il ne faut plus en boire du tout. Les études qui suggéraient un effet favorable ont été affectées par des variables confondantes. Voici donc une illusion perdue ! », indique le Pr van de Borne.
La pollution altère la fonction endothéliale en augmentant le stress oxydatif. Selon le Pr van de Borne : « Les pics de pollution atmosphérique accroissent les admissions pour des urgences hypertensives. Les patients hypertendus, angoreux, bronchiteux chroniques, … doivent éviter de s’exposer à l’air pollué en cas de pic car cela risque de déstabiliser leur pathologie. L’étude Rudy Sinharay et coll. (Lancet 2018) comparant des individus (soit en bonne santé, soit avec pathologies artérielles, coronariennes et pulmonaires) selon qu’elles se promenaient dans Hyde Park ou dans Oxford Street, a été rappelée. Celles ayant marché dans cette rue embouteillée avaient développé une dysfonction artérielle ! ».
La spironolactone est un traitement antagoniste non spécifique de l’aldostérone, ce qui génère des effets secondaires. Une nouvelle molécule, le baxdrostat, bloque spécifiquement la synthèse de l'aldosterone sans affecter celle du cortisol. L’étude BrigHTN a ainsi montré une diminution de la PA chez des patients ayant une HTA résistante. Pour le Pr van de Borne : « le baxdrostat est une molécule qui paraît très intéressante mais elle doit bien évidemment encore être davantage évaluée ».
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus