Grippe : vers de nouveaux vaccins

24/12/2019 Par Didier Rodde
Infectiologie
Nouveau type et quantité d’antigènes, nouveau mode de production, nouvelle stratégie vaccinale…, pourrait améliorer l’efficacité de la vaccination antigrippale

Egora-Panorama du Médecin : Quels sont les vaccins antigrippaux actuellement disponibles ? Pr Bruno Lina : Alors que dans notre pays ne sont disponibles que des vaccins trivalents et surtout quadrivalents à germes inactivés et produits sur œuf embryonné de poule, d’autres pays connaissent une offre beaucoup plus diversifiées, comme les Etats-Unis, par exemple, où pas moins de 9 types de vaccins sont commercialisés, parmi lesquels, à côté des vaccins standards,  des vaccins haute dose, adjuvés, recombinants, produits sur culture cellulaire et vivants atténués administrés par voie intranasale. Ce qui a permis de développer dans ce pays des stratégies vaccinales différenciées pour les groupes à risque et d’autres types de population.   L’efficacité des vaccins actuels est-elle similaire sur tous les types de virus de la grippe ? Non. L’efficacité vaccinale est meilleure pour les virus A/H1N1, puis B ; les virus A/H3N2, posant le plus de problèmes, alors que ce sont ces derniers qui sont à l’origine des plus importantes épidémies.   Que peut-on faire pour améliorer l’efficacité vaccinale ? Plusieurs axes d’amélioration sont à considérer, comme la quantité d’antigène – qui est à la base du vaccin haute dose, la problématique de l’adaptation à l’œuf, la nature de l’hémagglutinine et la neuraminidase. L’augmentation de la dose d’antigène par vaccin laisse espérer une meilleure réponse immunitaire, notamment chez les personnes âgées. Et c’est bien effectivement ce qui est observé, ce qui explique que ce type de vaccin soit largement utilisé aux Etats-Unis chez les plus de 65 ans. Celui-ci pourrait être commercialisé en France d’ici 1 ou 2 ans. D’autre part, on sait que l’immense majorité des vaccins contre la grippe est actuellement produite avec un très haut rendement sur des œufs embryonnés de poule. Mais je rappelle que l’on ne cultive pas directement les virus humains sélectionnés parmi ceux qui circulent, mais un virus vaccinal, un réassortant, qui se multiplie bien sur œuf. Or, il arrive que des changements, souvent marginaux mais parfois plus significatifs, surviennent dans l’antigénicité à cette occasion – notamment en termes de glycosylation - susceptibles de réduire l’efficacité vaccinale. Cela a d’ailleurs conduit les producteurs à demander à travailler sur des virus produits sur culture cellulaire afin d’écarter ce risque, mais cela pose d’autres types de problèmes. Une autre difficulté de taille concerne le choix de la souche A/H3N2 qui sera utilisée pour la prochaine campagne de vaccination parmi celles qui cocirculent à un moment donné, car leurs profils antigéniques peuvent être très différents. Une autre source d’amélioration serait sans doute de s’intéresser à la neuraminidase qui est un antigène situé également à la surface des virus et qui induit des anticorps protecteurs. Avec l’objectif d’augmenter la quantité de neuraminidase dans les vaccins, en complément de l’hémagglutinine. Enfin, sans épuiser le sujet, on peut aussi réfléchir à de nouvelles stratégies innovantes d’emploi de vaccins classiques, exploitant par exemple les différences d’efficacité vaccinale en fonction de l’âge. C’est ainsi qu’on a constaté que l’âge de la première vaccination, notamment antigrippale, impacte très durablement la réponse du système immunitaire, réalisant une sorte d’empreinte très marquée. Une des approches pourrait ainsi consister à vacciner très tôt dans la vie avec un vaccin combinant A/H1N1 et A/H3N2.   Qu’en est-il du concept de vaccination universelle ? On peut l’entendre de deux manières différentes, qui d’ailleurs ne s’excluent pas. Soit vacciner toute la population, soit vacciner à un haut niveau avec un vaccin, capable d’assurer une protection très élevée vis-à-vis de tous les virus de type A. Un projet américain développe actuellement cette seconde hypothèse en ayant rendu immunogène les épitopes conservés de toutes les hémagglutinines, en espérant que les anticorps obtenus conféreront une protection croisée d’au moins 75 %. Peut-être qu’un tel vaccin n’aura pas besoin d’être administré chaque année. Nous sommes dans l’attente des résultats des essais cliniques en cours. *Le Pr Bruno Lina déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Sanofi-Pasteur   Le Pr Bruno Lina*, virologue à Lyon, est président du conseil scientifique du Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe (Geig)  

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