Insuffisance cardiaque : enfin des nouvelles recommandations européennes
Les nouvelles recommandations de l’ESC sur le diagnostic et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë et chronique*, qui viennent d’être présentées, sont marquées par le renforcement de la recherche étiologique au moment du diagnostic, et l’élargissement de l’arsenal thérapeutique. Les précédentes recommandations dataient de 2016. Or depuis 5 ans, il y a eu plusieurs nouveautés thérapeutiques d’importance. Ces nouvelles guidelines européennes étaient donc particulièrement attendues. Selon ce texte, le diagnostic de l’insuffisance cardiaque (IC) reste fondé sur l’élévation des peptides natriurétiques, et confirmé par une échographie cardiaque avec détermination du volume d’éjection ventriculaire gauche (FEVG). Il peut nécessiter la réalisation d’une IRM cardiaque dans certains cas. Les nouvelles recommandations insistent sur l’importance de la recherche étiologique, comme l’amylose qui nécessite un traitement approprié. De plus, les comorbidités telles que la fibrillation atriale, les cardiopathies valvulaires, le diabète, les maladies rénales chroniques, la carence en fer, souvent associées aux IC, imposent un traitement spécifique. La classification de l’IC repose toujours sur le niveau de la FEVG, avec un changement de dénomination. Les termes de fraction d’éjection "altérée" (≤ 40 % ; HFrEF) et "préservée" (≥ 50 % ; HFpEF) restent. La dénomination FEVG anciennement "intermédiaire" ou "mid range" (HFmrEF), c’est-à-dire entre 41-49%, a été renommée “midly reduced” car plus proche physiologiquement des HFrEF. Elle pourrait bénéficier des mêmes molécules.
IC à FE réduite : 4 classes thérapeutiques d’emblée Sur le plan thérapeutique, le principal changement concerne la stratégie thérapeutique de l’IC à FEVG altérée (HFrEF ≤ 40 %), qui est simplifiée, avec en première ligne la possibilité d’utiliser d’emblée 4 familles thérapeutiques. Ainsi, aux classiques bêtabloquants, IEC/ARA2, et antialdostérone, s’ajoutent désormais les inhibiteurs des SGLT2 (dapagliflozine, emplagliflozine), associés au traitement diurétique, chez les patients symptomatiques NYHA II-IV. La dapagliflozine et l’empagliflozine ont, en effet, démontré un bénéfice sur les hospitalisations et la mortalité. Peut aussi être utilisé d’emblée l’association sacubitril/Valsartan, en alternative à l’IEC/ARA2. Ces traitements peuvent être prescrits en même temps, et le plus rapidement possible, soit avant la sortie de l’hôpital. En seconde intention, on retrouve les mesures de prévention primaire de la mort subite (défibrillateur automatique implantable). Dans ces recommandations, il n’y a pas de nouveauté concernant la thérapeutique de l’IC à FEVG préservée (HFpEF). La prise en charge est fondée sur le traitement à visée symptomatique (diurétiques), des comorbidités, et sur le traitement d’une étiologie sous-jacente si identifiée. À ce jour, aucun traitement n’a prouvé son efficacité sur la mortalité dans ce type d’IC. Cependant, en parallèle, l’étude Emperor-Preserved, présentée au congrès, a montré les bénéfices de l’utilisation de l’empagliflozine dans les HFpEF. Cette étude sera vraisemblablement intégrée dans les futures recommandations (voir encadré). L’IC à FEVG moyennement altérée (HFmrEF) devient une entité à part entière, avec une prise en charge thérapeutique codifiée. Plus proche physiologiquement de l’HFrEF que de l’HFpEF, le seul traitement recommandé...
de manière formelle est le traitement diurétique à visée symptomatique. Cependant, les mêmes traitements que ceux utilisés dans l’HFrEF peuvent être envisagés, même si le niveau de recommandation est plus faible. Enfin, autre nouveauté, le vericiguat, a désormais une place en cas d’échec d’un traitement de fond classique bien conduit, chez les patients ayant une "insuffisance cardiaque aggravée" (classe NYHA II-IV, en situation d’aggravation), notion citée pour la première fois dans des recommandations. Ce nouveau stimulateur oral de la guanylate cyclase soluble est indiqué dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique symptomatique chez les patients adultes à fraction d’éjection réduite, en association aux traitements fondamentaux de l’insuffisance cardiaque. Globalement, le texte insiste sur la prise en charge multidisciplinaire, ainsi que sur la nécessité d’impliquer le patient dans le traitement de sa maladie, via le suivi des traitements et une bonne hygiène de vie.
L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF), avec ou sans diabète, souffrait jusqu’à présent d’un déficit de traitements. L’empagliflozine, un inhibiteur des SGLT2, vient changer la donne.
Une étude récente (Emperor-Reduced) a montré que l’empagliflozine, un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2), initialement indiqué dans le diabète, réduisait le risque de décès cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC) chez les patients souffrant d’IC et présentant une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) réduite (< 40% ; HFrEF).
Une deuxième étude (Emperor-Preserved) a donc été initiée pour évaluer les effets de l’empagliflozine dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée (³ 50 % ; HFpEF). L’essai Emperor-Preserved a ainsi recruté 5 988 patients ayant une HFpEF symptomatique avec et sans diabète de type 2, dans 622 centres de 23 pays. L’âge moyen des participants était de 72 ans et 45 % étaient des femmes. La fraction d’éjection moyenne était de 54 %. Les patients étaient diabétiques dans 49 % des cas et le taux moyen de filtration glomérulaire était de 61.
Les participants ont été randomisés pour recevoir 10 mg d’empagliflozine par jour (n = 2 997) ou un placebo (n = 2 991) en plus des autres traitements appropriés pour l’HFpEF et pour les comorbidités.
Les résultats ont montré une réduction de 21 % du critère primaire (décès cardiovasculaires ou d’hospitalisation pour IC) dans le groupe empagliflozine. Ainsi, au cours d’un suivi médian de 26 mois, un événement primaire est survenu chez 415 patients (13,8 %) du groupe empagliflozine et chez 511 (17,1 %) du groupe placebo (6,9 vs 8,7 événements pour 100 patients-années ; hazard ratio [HR] 0,79 ; p = 0,0003). Cet effet était surtout lié à une réduction des hospitalisations : 8,6 % dans le groupe empagliflozine, contre 11,8 %, correspondant à une diminution de 27%. Et il n’y avait pas de différences entre les deux groupes concernant les décès cardiovasculaires (7,3 % vs 8,2 % ; HR 0,91). Ces effets sur le résultat primaire étaient observés dans tous les sous-groupes avec ou sans diabète ainsi que pour tous les niveaux de fraction d’éjection.
Sur le plan de la tolérance, l’étude a mis en évidence la présence d’infections génitales et urinaires non compliquées et une hypotension légèrement plus fréquente chez les patients traités par l’empagliflozine.
Les deux études Emperor-Reduced et Emperor-Preserved, ont été synthétisées sous la dénomination d’Emperor-Pooled, qui a concerné au total 9 718 patients. Cette étude a confirmé le bénéfice de l’utilisation de l’empaglifozine dans les IC, que la FEVG soit ou non conservée.
L'analyse a également montré que l'empagliflozine réduisait le risque d'insuffisance rénale majeure dans l'essai Emperor -Reduced, mais pas dans l'essai Emperor -Preserved.
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