La Société française de rhumatologie vient d’élaborer des recommandations sur le traitement de la goutte à destination des rhumatologues, « mais aussi des médecins généralistes qui sont les premiers à la prendre en charge », précise le Pr Thomas Bardin (Hôpital Lariboisière, Paris). Le groupe de travail à l’origine de ces recommandations comportait d’ailleurs à côté de 9 rhumatologues, 3 médecins généralistes (et 1 cardiologue, 1 néphrologue et 1 patient). Pour être plus efficace, le traitement de la crise de goutte sera mis en place dès les premiers signes cliniques. « Ce qui n’est possible que si le médecin remet au patient une ordonnance afin qu’il puisse s’automédiquer », souligne le Pr Bardin. L’éducation thérapeutique, qui a démontré son efficacité dans la goutte, est essentielle, pour que le patient comprenne l’importance du traitement hypouricémiant. « Il faut lui expliquer qu’il ne s’agit pas d’une maladie aiguë mais chronique, les crises de goutte étant l’expression de dépôts de cristaux d’urate, et que le but du traitement est d’abaisser l’uricémie afin d’obtenir la dissolution de ces dépôts, la disparition des signes cliniques et, si possible, la prévention des complications ». Les patients devront être informés de la valeur cible à atteindre pour l’uricémie, ainsi que du risque d’apparition d’une crise de goutte à l’instauration du traitement hypouricémiant, « car sinon ils risquent d’arrêter le traitement ». « La mauvaise information sur ce point explique probablement pourquoi l’adhésion thérapeutique est, dans la goutte, la plus mauvaise des maladies chroniques », estime le Pr Bardin. Il faudra aussi alerter le malade des risques cardiovasculaire, métabolique et rénal associés à la goutte. « La maladie n’est pas suffisamment prise au sérieux. Les patients et les médecins doivent avoir conscience qu’elle réduit l’espérance de vie », appuie le Pr Bardin. Les adaptations nécessaires du mode de vie seront précisées sans être trop strict « chez ces bons vivants », « le plus important étant d’éviter les alcools et les sodas, de pratiquer une activité physique, et de perdre, si nécessaire du poids, ce qui agit un peu sur l’uricémie mais, surtout, sur le syndrome métabolique associé ». La colchicine a, en France, une place centrale dans le traitement de la goutte. « Elle doit être administrée idéalement dans les 12 premières heures, à la dose initiale de 1 mg en début de crise, de 0,5 mg une heure après puis de 0,5 mg 2 à 3 fois/j les jours suivants. L’apparition d’une diarrhée, qui est le principal effet secondaire, devra conduire à réduire ou arrêter le traitement. « La posologie de la colchicine sera diminuée en cas d’insuffisance rénale ou de coprescription de médicaments interférant avec son métabolisme (érythromycine, ciclosporine...) ». Pour être efficaces, les corticoïdes oraux doivent être utilisés à dose assez forte : 30 à 35 mg/j d’équivalent prednisone pendant les 3 à 5 jours de la crise (sauf bien sûr en présence d’un diabète de type 2, d’une hypertension artérielle déséquilibrés). Mais, une corticothérapie intra-articulaire sera privilégiée en cas d’arthrite accessible à un geste local. « Les recommandations appuient un peu sur le frein concernant les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), qui seront prescrits per os sur une courte période, soit le temps de la crise ». Un état de fait qui s’explique « par la fréquence des comorbidités chez ces patients », indique le Pr Bardin. Ces médicaments sont, bien sûr, déconseillés en cas d’insuffisance rénale évoluée ou de maladie cardiovasculaire sévère.
« Les inhibiteurs de l’IL 1 (anakinra), dont la prescription ne peut être initiée qu’en milieu hospitalier, sont réservés aux échecs ou aux contre-indications de la colchicine, des corticoïdes, et des AINS. « On ne doit pas proposer ces anticorps en cas d’infection ». Traitement hypouricémiant dès la 1ère crise « Petit scoop », le traitement hypouricémiant sera proposé, à la différence de ce que l’on faisait habituellement jusqu’ici, dès la première crise lorsque le diagnostic de goutte est certain. « Les motifs ayant conduit à faire ce choix sont qu’il est plus facile de réduire le stock d’urate lorsque celui-ci n’est pas trop important, et qu’on espère pouvoir réduire la mortalité précoce associée à la goutte en intervenant précocement. Enfin, si l’on tarde, des comorbidités comme une insuffisance rénale risquent d’apparaître et de compliquer le traitement », explique le Pr Bardin. La cible visée pour l’uricémie sera de moins de 360 µmol/l, ou mieux de moins de 300 µmol/l (60 mg/l). Une fois cette cible atteinte, le traitement sera maintenu avec contrôle de l’uricémie 1 ou 2 fois par an. En l’absence d’atteinte rénale, on utilisera en 1e intention l’allopurinol, que l’on débutera à petite dose : 50 à 100 mg/j et que l’on augmentera ensuite par paliers de 50 à 100 mg toutes les 2 à 4 semaines (jusque en général 400 à 600 mg/j, parfois 900 mg/j). Lorsque le débit de filtration glomérulaire (DFG) se situe entre 30 à 60 ml/min/1,73m2, cette prescription doit être prudente. En cas de DFG inférieur à 30 ml/min/1,73m2, on préférera le fébuxostat (dont les doses seront également augmentées progressivement). Mais, on sera très attentif avec cet hypouricémiant en cas de maladie cardiovasculaire sévère, une étude ayant décrit une mortalité globale et cardiovasculaire majorée chez ces patients en comparaison de l’allopurinol*. Pour éviter la survenue de crises de goutte, favorisées par le traitement hypouricémiant, celui-ci sera associé à la prescription de colchicine à raison de 0,5 à 1 mg/j pendant au moins 6 mois, en l’absence de contre-indication. Les comorbidités : syndrome métabolique, affections cardiovasculaires, insuffisance rénale, devront être dépistées et prises en charge. « En revanche, les hyperuricémies asymptomatiques ne nécessitent pas de traitement, notamment parce que les dernières études réfutent la possibilité d’un risque cardiovasculaire augmenté ». *White WB, et coll. N Engl J Med, 2018 ; 378 : 1200-1210.
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