Cette question est au cœur des réflexions sur la stratégie à adopter pour arriver à bout de l’épidémie de Covid-19. Outre un diagnostic de certitude apporté aux patients, cette stratégie repose sur le fait de pouvoir mieux identifier les foyers, - et donc d’éviter encore plus la contamination en renforçant les mesures de confinement des cas positifs - , mais aussi, par la suite, de pouvoir évaluer des futurs traitements, et accompagner la sortie du confinement, incluant celle des convalescents. Or actuellement, le test de détection ne doit être effectué que sur prescription médicale pour les patients symptomatiques présentant des signes de gravité, pour ceux qui sont à risque (immunodéprimés, diabétiques, insuffisants rénaux, hypertendus, etc.), pour les professionnels de santé et pour les personnes fragiles vivant en structure collective (Ephad, handicap),
Mais pour l’Académie nationale de médecine, ces indications doivent évoluer. Dans un communiqué publié le 25 mars, les académiciens prônent un élargissement de l’utilisation de ces tests dès que leur disponibilité le permettra, « afin d’assurer leur confinement le plus tôt possible ». Cependant cette évolution n’est pas encore possible du fait de la technicité des tests, qui ne sont pas des examens de routine : prélèvements dans des conditions de rigueur importantes ; tests par biologie moléculaire qui nécessitent d’être réalisés uniquement dans les laboratoires de sécurité biologique de niveau 2... « En raison de ces exigences, les capacités de détection du Sars-CoV-2 chez les patients suspects sont actuellement dépassées par l’ampleur de la demande et les réactifs viennent à manquer, même si les fournisseurs sont en train d’augmenter les capacités de production » détaille l’Académie. Dans ce contexte, elle demande donc d’élargir la liste des laboratoires agréés pour le diagnostic du Covid-19 « au-delà des laboratoires de biologie médicale vers des établissements ayant la capacité de réaliser les tests dans les mêmes conditions de biosécurité ». Cela peut être des laboratoires de génétique, de recherche, etc. Et cela doit s’accompagner de la mise en place de procédures de bonne pratique et contrôles sur l’ensemble du territoire. Et pour la suite, elle recommande de développer des tests sérologiques indirects pour la détection d’anticorps spécifiques du Sars-CoV-2. Il s’agit de pouvoir bénéficier de données épidémiologiques qui permettront, au terme de cette vague épidémique, d’évaluer la proportion de la population infectée. Cela pourrait passer par le développement de tests rapides (Trods) qui détectent les IgG et des IGM spécifiques.
Une stratégie « agressive » non applicable par tous les pays A l’échelle internationale, les stratégies de dépistage diffèrent. L’organisation mondiale de la santé (OMS) s’est récemment montrée en faveur d’une stratégie « agressive » comprenant un dépistage massif. Dans une allocution, le 16 mars, le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus martelait déjà « Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez ». « Pour gagner, nous devons attaquer le virus avec des stratégies agressives et ciblées: tester chaque cas suspect, isoler chaque cas confirmé et retrouver puis placer en quarantaine chacune des personnes avec qui ils ont été en contact proche », a – t- il répété le lundi 23 mars. La Corée du Sud est souvent érigée en exemple. Elle a en effet mis en place une stratégie massive de dépistage (environ 300 000 tests réalisés), associée à un isolement des personnes infectées et un traçage technologique (via la vidéosurveillance, l'utilisation de leur carte bancaire ou de leur smartphone) pour retrouver puis tester les gens avec qui elles ont été en contact. Et les résultats semblent positifs. De même, à Singapour, l'épidémie a été freinée. Cela a permis à ces pays d'éviter les mesures extrêmes de confinement aujourd'hui adoptées par de nombreux autres, avec de lourdes conséquences sociales et économiques.
Cependant les pays sont loin d’être comparables face à cette question. « Tout dépend du niveau de développement des pays », explique ainsi à l'AFP le spécialiste en santé publique et en épidémiologie Antoine Flahault. « La meilleure stratégie dépend étroitement du stade de l'épidémie auquel on se trouve et de la disponibilité des tests », estime de son côté l'épidémiologiste américain Marc Lipsitch, dans une analyse publiée par le Washington Post. Ainsi la Corée et Singapour ne sont pas face à la problématique d’un manque de matériel (réactifs, écouvillons…) car ils ont été confrontés au cours de leur histoire à plusieurs grandes épidémies (Sras, Mers…), qui leur ont permis d’être mieux préparés sur le plan logistique.
En Europe, l’Allemagne fait figure de modèle, prévoyant d’augmenter sa capacité de tests à 500 000 par semaine. La France n’a pas pu tester massivement la population au début de l'épidémie. Elle prévoit désormais de le faire à la fin du confinement, grâce notamment au développement des tests sérologiques. Plusieurs équipes dans le monde travaillent à leur élaboration. « Nous espérons (qu'ils seront disponibles) dans les prochaines semaines », selon le ministre français de la Santé Olivier Véran. Ces tests pourraient notamment être appliqués « aux personnes qui ne peuvent pas télétravailler, qui sont en chômage partiel » à cause du confinement, assure à l'AFP la chercheuse française Isabelle Imbert. « S'ils sont immunisés, ils peuvent reprendre le travail et l'économie peut repartir progressivement ». En attendant, « il est encore un peu tôt pour porter un avis définitif" sur la stratégie de la Corée du Sud et de Singapour, souligne Antoine Flahault. Selon lui, « il faudra évaluer cette approche sur toute la durée de la pandémie et pas seulement sur cette phase initiale », depuis le début de l'année 2020.
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