Rapports non consentis, pratiques, contraception… Ce que révèle cette vaste étude sur la sexualité des Français
Une grande étude nationale, publiée ce mercredi 13 novembre par l'Inserm, révèle des "changements majeurs" dans la sexualité des Français depuis le début du 21e siècle, en particulier chez les femmes. Panorama.
A quoi ressemble la sexualité des Français aujourd'hui ? Une vaste étude conduite par l'Inserm, l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Santé publique France à l'initiative de l'ANRS-MIE*, dont les résultats ont été publiés ce mercredi, en dévoile les dessous. Menée auprès de plus de 31 000 personnes, elle témoigne de "changements majeurs" depuis le début du 21e siècle. Voici les principaux enseignements :
- Le premier rapport toujours plus tardif
Premier enseignement de cette étude – la quatrième sur le sujet, la dernière datant de 2006 : l'âge auquel les Français ont leur premier rapport sexuel a nettement reculé. Ainsi, l'âge médian au premier rapport est passé de 20,1 ans dans les années 1960 pour les femmes à 17,3 ans au milieu des années 2000. Chez les hommes, il est passé de 18,8 ans à 17,3 ans sur cette même période. Mais depuis les années 2010, "les tendances se sont inversées". En 2019-2023, l'âge médian a atteint 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes. Une propension qui s'observe dans d'autres pays européens ainsi qu'aux Etats-Unis, souligne l'étude.
- Plus de partenaires sexuels au cours de la vie
En revanche, le nombre moyen de partenaires sexuels a augmenté, en particulier chez les femmes âgées de 18 à 69 ans. En 2023, il s'établissait à 7,9 partenaires. A titre de comparaison, chez les femmes, il était de 3,4 partenaires en moyenne en 1992, et 4,5 en 2006. Chez les hommes, il s'élève à 16,4 partenaires au cours de la vie en 2023 (contre 11,2 en 1992 et 11,9 en 2006).
L'étude souligne, en outre, que le "multipartenariat dans les 12 derniers mois" – c’est-à-dire le fait d'avoir eu plusieurs partenaires sexuels dans une même année – augmente également, en particulier chez les jeunes de 18 à 29 ans, passant de 9,6% en 1992 à 19,3% en 2006 et 23,9% en 2023 pour les femmes, et de 22,9% en 1992 à 29% en 2006 et 32,3% en 2023 pour les hommes.
- Des rapports moins fréquents
L'étude soulève toutefois un paradoxe : si les Français ont plus de partenaires, les rapports sexuels sont moins fréquents. Ainsi, en 2023, 77,2% des femmes et 81,6% des hommes de 18-69 ans déclaraient avoir eu une activité sexuelle avec un partenaire au cours de l'année, contre 82,9% pour les femmes et 89,1% pour les hommes en 2006.
Parmi les femmes n'ayant pas eu de rapport au cours de l'année, une majorité déclare que cette situation "leur convient", "notamment les plus jeunes et les plus âgés". En revanche, "les hommes déclarent moins fréquemment se satisfaire d'une telle situation, notamment les 40-59 ans".
L'étude souligne toutefois que la vie sexuelle des Français "se prolonge aux âges avancés". Ainsi, en 2023, 56,6% des femmes et 73,8% des hommes restaient actifs sexuellement entre 50 et 89 ans".
S'agissant de la satisfaction sexuelle, celle-ci augmente légèrement : en 2023, 45,3% des femmes et 39% des hommes se déclaraient "très satisfaits" de leur vie sexuelle actuelle.
- La masturbation, une pratique de plus en plus répandue
Parmi les autres changements majeurs qui ont pu être identifiés, l'étude note par exemple une diversification des pratiques sexuelles. Ainsi, de plus en plus d'hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté d'autres pratiques que les rapports vaginaux : masturbation, sexe oral, rapports anaux…
A tous les âges, "les personnes déclarent plus souvent avoir déjà pratiqué la masturbation", précise-t-on. Une hausse plus prononcée chez les femmes. En 1992, 42,4% des femmes de 18 à 69 ans déclaraient s'être déjà masturbées, contre 56,5% en 2006 et 72,9% en 2023. Chez les hommes du même âge, "cette pratique est intégrée aux répertoires sexuels de longue date et l’augmentation est moins marquée, passant de 82,8% en 1992 à 89,9% en 2006 et 92,6% en 2023".
La pratique de la pénétration anale (réalisée ou reçue) a également augmenté au fil du temps chez les femmes, passant de 23,4% en 1992 à 35,2% en 2006 et 38,9% en 2023. L’augmentation est "plus marquée" chez les hommes passant de 29,6% à 46,3% et 57,4%. La pratique est, en outre, intégrée "plus tardivement" dans le répertoire sexuel, surtout chez les femmes. Elle est plus fréquente chez les 30-39 ans que chez les 18-29 ans.
La fellation (réalisée ou reçue) demeure très répandue : en 2023, 84,4% des femmes déclaraient l'avoir pratiqué (contre 63,2% en 1992 et 78,3% en 2006). Elle est passée, chez les hommes, de 75,3% en 1992 à 85,5% en 2006 et 90,5% chez les hommes.
- Une "acceptation sociale" de l'homosexualité
En outre, la proportion de personnes qui s’engagent dans une sexualité non exclusivement hétérosexuelle augmente très nettement. "Les femmes rapportent pour la première fois en 2023 plus d’expériences avec des personnes de même sexe que les hommes", indique-t-on. 8,4% des femmes et 7,5% des hommes de 18-89 ans ont déclaré l'an dernier avoir eu au moins un partenaire de même sexe et 0,4% des femmes et 1,4% des hommes uniquement des partenaires du même sexe. Des proportions plus importantes chez les jeunes : 14,8% des jeunes femmes déclarent avoir eu au moins un partenaire du même sexe (dont 1,3% uniquement des partenaires du même sexe), contre 9,3% (dont 2,7% uniquement des partenaires du même sexe) pour les hommes du même âge.
"En considérant les recoupements entre pratiques, attirance et identification, on observe que plus d’une femme sur cinq (22,6%) et un homme sur sept (14,5%) n’est pas strictement hétérosexuel, dans le sens où elles et ils rapportent soit une attirance, soit des pratiques, soit une identité qui n’est pas hétérosexuelle", précise l'étude.
Cela va de pair avec "l'acceptation sociale" de l'homosexualité qui progresse. En 2023, 69,6% des femmes de plus de 18 ans et 56,2% des hommes du même âge estimaient que l'homosexualité est une "sexualité comme les autres". En revanche, seuls 41,9% des femmes et 31,6% des hommes de 18-89 ans considèrent que la transidentité est une identité comme les autres.
- De plus en plus de déclarations de violences sexuelles
Enseignement alarmant de cette étude : les déclarations de violences sexuelles ont globalement augmenté au fil du temps. "L’augmentation est nette entre l’enquête de 2006 et celle de 2023", précise-t-on. Alors que 15,9% des femmes de 18-69 ans déclaraient avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé en 2006, elles étaient 29,8% en 2023. Chez les hommes, ce chiffre passe de 4,6% en 2006 à 8,7% en 2023.
Une hausse particulièrement marquée chez les jeunes, "passant de 16,5 % à 36,8 % pour les femmes et de 4,7 % à 12,4 % pour les hommes". "Nombre de ces violences sont survenues alors que la personne était mineure au moment des faits", signalent les auteurs de l'étude.
Cette étude montre également que les déclarations de violences sexuelles sont très élevées parmi les personnes ayant déclaré des partenaires de même sexe : 53,1% des femmes et 29,5% des hommes. Et les personnes ayant pensé à changer de genre ont également été victimes de violences sexuelles dans des proportions "beaucoup plus importantes" que les celles qui n’y ont jamais pensé (43,1% contre 17,2%).
"Ces évolutions peuvent traduire à la fois une augmentation de la capacité à qualifier les faits de violence et une augmentation de la fréquence de tels événements, mais aussi une plus grande facilité à les évoquer dans le cadre d’une recherche", avance-t-on, rappelant, par exemple, que le viol conjugal n'est reconnu dans la loi que depuis 1992. "Des actes autrefois considérés comme 'normaux' peuvent ainsi désormais être qualifiés, à juste titre, de rapports forcés."
- Une baisse de la prévention en début de vie sexuelle
Autre alerte : les auteurs de l'étude ont constaté une "baisse de prévention en début de vie sexuelle". Ainsi, si l'enquête montre "une forte augmentation de l'utilisation d'un moyen de contraception lors du premier rapport sexuel entre le début des années 1960 et le milieu des années 2000", celle-ci a diminué, atteignant 87,2% chez les femmes et 92,3 % chez les hommes qui ont commencé à avoir des rapports sexuels entre 2019 et 2023. De même concernant l'utilisation du préservatif : si elle a augmenté de manière "plus frappante" dans les années 1980 et 1990, "lorsque des campagnes de prévention ont été déployées pour lutter contre la propagation de l’infection à VIH", le pourcentage d'usage lors du premier rapport a ensuite diminué (75,2% chez les femmes, 84,5% chez les hommes).
Cela pourrait "contribuer à l'augmentation des taux d'IST signalée depuis le début des années 2000", écrivent les autres, qui interrogent "les politiques de prévention actuelles".
En parallèle, "la couverture vaccinale envers les infections sexuellement transmissibles reste insuffisante, bien qu’elle progresse significativement chez les jeunes générations". La couverture vaccinale contre l’hépatite B atteint 63,5% pour les femmes de 15-29 ans contre 52,9% des hommes du même âge. Concernant les papillomavirus, qui font l'objet d'une campagne de vaccination dans les collèges, "la couverture progresse également chez les jeunes", atteignant 61,3% chez les jeunes femmes de 15-19 ans et 32,9% des jeunes hommes du même âge, est-il précisé.
En 2023, la prévalence de l’infection à Chlamydia est de 2,2% chez les femmes de 18 à 29 ans et 1,9% chez les hommes du même âge.
- Une paysage contraceptif "en mutation"
L'étude propose également un panorama de la contraception en France. Elle montre que la couverture contraceptive reste globalement "stable depuis 2016" parmi les femmes de 18 à 49 ans concernées. Toutefois, 9% des femmes déclarent encore n'utiliser aucune méthode de contraception. Les résultats de cette enquête confirment la poursuite de la "désaffection" envers la pilule, observée "depuis 2005". Si plus de la moitié des femmes (55,8%) recouraient à la pilule contraceptive en 2005, cette proportion a chuté à 36,4% en 2016, puis à 26,8% en 2023.
En 2023, la méthode la plus utilisée était le dispositif intra utérin (27,7% en 2023). "Les autres méthodes barrières et naturelles (retrait, calcul des dates, ogino, diaphragme) représentent 7,5% des pratiques en 2023" et "le recours à l’implant reste marginal en 2023, avec 4,4% d’utilisatrices", précise-t-on.
En parallèle, l'étude révèle une hausse des grossesses non souhaitées. En 2023, 34,7% des dernières grossesses survenues dans les cinq ans étaient non souhaitées, contre 28,9% en 2016. En 2023, 51,8% des dernières grossesses survenues dans les cinq ans sont non souhaitées chez les jeunes femmes de 18 à 29 ans contre 27,8% chez les 30-49 ans."
- Changement de genre
L'étude révèle qu'une personne sur 1000 a entrepris des démarches pour changer de sexe. Par ailleurs, 2,3% des femmes et 2,4% des hommes de 18-89 ans déclarent avoir déjà pensé à changer de genre, "ce qui peut inclure des expériences de non-binarité et/ou des interrogations sur sa féminité/masculinité".
- La sexualité et le numérique : un "révolution en marche"
Autre enseignement de cette étude : Les activités sexuelles en ligne se sont considérablement développées avec les avancées technologiques depuis une vingtaine d’années. En 2023, 33% des femmes et 46,6 % des hommes ont eu une expérience sexuelle en ligne avec une autre personne : connexion à un site dédié, rencontre d’un partenaire sexuel en ligne, échange d’images intimes… Des pratiques nettement "plus fréquentes" chez les jeunes Français.
*ANRS Maladies infectieuses émergentes
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Références :
3e édition de l’étude nationale « Santé, vie affective et sexuelle »
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