
Tabac et grossesse : l’Académie propose une mesure systématique du CO chez les femmes enceintes
L’Académie nationale de médecine recommande l’utilisation et le remboursement de la mesure du CO expiré pendant la grossesse dans le but d’aider les femmes fumeuses à arrêter.

L’Académie nationale de médecine a décidé de s’engager contre le tabagisme pendant la grossesse, un problème qui persiste malgré les campagnes d’informations réalisées, voire s’aggrave. En effet, une femme française sur quatre est fumeuse lorsqu’elle apprend sa grossesse. Or, selon des données de 2024 de Santé publique France (SPF), si la moitié d’entre elles cessent de fumer, "la quasi-totalité de l’autre moitié se contentent de réduire leur consommation, croyant, à tort, réduire ainsi les risques", souligne l’Académie. Cette proportion a même tendance à s’aggraver puisqu’elle est passée de 44 à 51% entre 2017 et 2021, au dépend des femmes qui arrêtent au moment de l’annonce, ou au cours de la grossesse, qui a diminué de 50 à 45%. Et en 2021, encore 4% des femmes fumeuses ont continué à fumer sans diminution de la quantité pendant leur grossesse.
Or, les conséquences du tabagisme chez la femme sont bien connues, que ce soit sur le plan gynécologique (dysménorrhées, mastodynies, cancers du col de l'utérus, …) ou obstétrical (hypofertilité, avortement, grossesse extra-utérine, placenta praevia, accouchement prématuré…). Auxquelles s’ajoutent les risques, majeurs, pour le nouveau-né (petit poids de naissance, prématurité, hypoxie, mort subite...). Et ce, même pour des "petites" consommations.
Redoutez-vous le rétablissement de l'obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires?

Nathalie Hanseler Corréard
Oui
Retraitée depuis la Covid. Mon vécu : ayant fait des semaines de 70H (5,5 J/sem) près de BX avec 4 gardes par an, puis déménagé à ... Lire plus
Ainsi, une étude de 2024 (Yang L, et al. J Epidemiol Community Health, Published Online First: 20 August 2024) a mis en évidence que le risque d'admission en soins intensifs néonatals était augmenté de 16% quand les mères fumaient 1 à 2 cigarettes par jour pendant la grossesse, et de 29% quand elles fument 20 cigarettes ou plus par jour. Et une division par 10 de la consommation journalière ne réduit que de moitié les risques pour l'enfant. Il existe une explication physiologique à cela : pour compenser la baisse du nombre de cigarettes prises, il y a une meilleure exploitation des cigarettes fumées (multiplication du nombre de bouffées, inhalation plus profonde, …). On ne peut donc se fier au seul nombre de cigarettes fumées.
Une mesure simple et efficace
Pour tenter d’améliorer cette situation, l’Académie de médecine a réuni un groupe de travail dans le cadre de son Comité Économie de la Santé Assurance Maladie (CESAM). Il s’agissait de faire des recommandations pour promouvoir une mesure qui n’a jamais été réellement mise en place, mais qui est pourtant recommandée de longue date par les experts : la mesure du monoxyde de carbone (CO) expiré. Il s’agit pourtant d’une mesure facile, qui peut être effectuée en cabinet par un médecin ou une sage-femme "avec une appareil simple et peu coûteux". Autre avantage, la mesure du CO est aussi le reflet d’autres consommations (cannabis, chicha…).
Elle donne à la mère une bonne idée de l’hypoxie chez son bébé, en sachant que "l’imprégnation du fœtus par le CO est environ deux fois plus élevée que celle de sa mère et l’hypoxie foetale est donc plus sévère que celle de la mère", détaille l’Académie. Pour le soignant, il s’agit donc de déclencher une prise de conscience chez la future maman et de renforcer sa motivation à l’arrêt du tabac.
Cette mesure est, en outre, bien corrélée aux risques chez le fœtus, sur le poids en particulier. Ainsi, l’étude T-Cafe, réalisée dans le cadre d’une thèse de 2022 (Michel-Henri Delcroix. Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2022) montre que le poids de naissance est en moyenne supérieur de près de 300g chez les nouveau-nés de mères fumeuses qui ont bénéficié de la mesure du CO expiré, par rapport à ceux de celles qui n’ont pas eu cette mesure. "La mesure du CO expiré aide les fumeuses à évaluer le niveau réel des risques avec des conséquences bénéfiques sur le poids de naissance. Elle devrait être aussi systématique que la mesure de la tension artérielle", insistent les académiciens.
Ils souhaitent que cette mesure chez les femmes enceintes et allaitantes s’accompagne de la création d’une cotation ou d’un forfait pour les professionnels de santé afin de valoriser cette pratique, ainsi que d’une évaluation régulière de son développement. Ils rappellent, enfin, que dans le cadre du sevrage tabagique chez la femme enceinte, la substitution nicotinique se révèle moins efficace mais est moins nocive que de continuer à fumer ; et la cigarette électronique n’est pas recommandée.
Références :
D’après un avis de l’Académie nationale de médecine (11 mars)
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