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Lupus systémique : vers de nouveaux horizons thérapeutiques

Nouvelles biothérapies, thérapie cellulaire… la prise en charge du lupus systémique connaît depuis 15 ans d’importants progrès. Pourtant, cette maladie complexe pose encore de nombreuses questions, notamment sur la marche à tenir en termes de corticothérapie.

31/07/2024 Par Romain Loury
Eular 2024 Rhumatologie
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Au début des années 1950, le taux de survie à cinq ans d’un patient lupique s’élevait à 53%. De nos jours, il dépasse 90% à 10 ans, rappelle le Pr Laurent Arnaud, du service de rhumatologie du CHU de Strasbourg. A l’origine de ces progrès, une lente progression thérapeutique, des glucocorticoïdes en 1948 et de l’hydroxychloroquine en 1956, jusqu’à l’arrivée des biothérapies à partir de 2011.

« Si la mortalité s’est améliorée, ce n’est plus le cas, il semble que nous ayons atteint un plateau », constate le rhumatologue. Le lupus demeure associé à un risque de mortalité multiplié par 2,2 lorsqu’il survient chez l’adulte, par 7,2 lorsqu’il apparaît durant l’enfance (1). Parmi les raisons de ce plateau, le diagnostic qui demeure tardif, au risque d’une errance médicale pendant laquelle la maladie s’attaque à divers organes, dont le rein.

Longtemps maladie négligée, le lupus systémique constitue un domaine de recherche très actif, avec de nouvelles biothérapies qui viendront enrichir l’arsenal thérapeutique au cours des prochaines années. Comme d’autres maladies (cardiovasculaire, diabète), sa prise en charge semble s’acheminer vers l’ère du ‘Treat to target’. En l’occurrence, l’objectif fixé serait celui de la rémission, définie par un score Sledai de 0, un score PGA (Physician Global Assessment) inférieur à 0,5 sur une échelle de 0 à 3, un traitement immunosuppresseur stable et une dose de prednisone ne dépassant pas 5 mg par jour (2). Toutefois, l’intérêt du ‘Treat to target’, par rapport au standard de soins demeure à démontrer - une étude allemande, dénommée Lupus Best, est en cours à ce sujet (3).

Vigilance accrue sur la corticothérapie

En 2023, de nouvelles recommandations de l’Eular sur le lupus ont précisé la place des biothérapies (4). Jusqu’alors réservées aux patients présentant une réponse insuffisante sous immunosuppresseur conventionnel, elles peuvent désormais être administrées en deuxième ligne, après échec sous monothérapie d’hydroxychloroquine.

Autre nouveauté, l’accent mis sur la réduction de la corticothérapie. En traitement de maintenance, l’Eular conseille de ne pas dépasser la dose quotidienne de 5 mg (contre 7,5 mg auparavant), et si possible d’arrêter le traitement.

Si cet objectif fait désormais consensus, des doutes demeurent quant au risque de poussées chez les patients hors corticothérapie après avoir atteint la rémission. Des résultats présentés au congrès viennois semblent rassurants : lors d’une étude rétrospective menée à l’hôpital de Padoue (Italie), portant sur 484 patients en rémission, le risque de poussée était inférieur chez ceux ayant interrompu leur corticothérapie, par rapport à ceux l’ayant poursuivie. D’autres travaux ont révélé des résultats moins encourageants. En 2020, l’étude française Corticolup, menée sur 124 patients en rémission depuis au moins un an, a montré que ceux conservant leur traitement de prednisone (5 mg/jour) avaient 90% moins de risque de subir des poussées modérées à sévères que ceux interrompant leur corticothérapie (5).

Selon le Pr Murray Urowitz, du service de rhumatologie du Toronto Western Hospital (Canada), l’arrêt de la corticothérapie doit probablement s’opérer de manière très progressive. Lors d’une étude publiée en 2021, le rhumatologue américain a expérimenté un protocole d’arrêt graduel de la corticothérapie sur 204 patients en rémission, en 35 semaines pour passer de 5 mg à 0 mg par jour (6). A 24 mois, le taux de poussées modérées à sévères était de seulement 14,7% chez les patients ayant interrompu leur corticothérapie, contre 27,5% chez ceux l’ayant maintenu. De même, les effets indésirables liés aux corticoïdes étaient moins fréquents dans la premier groupe (6,9% contre 17,6%).

 

  1. Moe SR et al, Rheumatology, 28 septembre 2023
  2. van Vollenhoven RF et al, Lupus Science & Medicine, 1er novembre 2021
  3. Mucke J et al, Lupus Science & Medicine, 1er juillet 2021
  4. Fanouriakis A et al, Annals of the Rheumatic Diseases, 2 janvier 2024
  5. Mathian A et al, Annals of the Rheumatic Diseases, 18 décembre 2019
  6. Tselios K et al, ACR Open Rheumatology, 20 juillet 2021

 

L’espoir des CAR-T cells

Déjà autorisée dans le traitement des lymphomes, la stratégie des CAR T-cells consiste à prélever des lymphocytes T du patient, puis à les modifier génétiquement pour leur faire exprimer un récepteur artificiel, le CAR (Chimeric Receptor Antigen). Réinfusés aux patients, ils s’attaquent aux lymphocytes B, dont ceux à l’origine des auto-anticorps responsables du lupus. Présentés au congrès de l’Eular, des résultats d’un suivi à trois ans sur huit patients lupiques allemands démontrent l’efficacité de cette approche. Tous étaient en rémission, sans reprendre leur traitement immunosuppresseur, et en l’absence de corticothérapie. Idem dans la néphrite lupique : lors d’une étude américaine menée sur 10 patients, tous étaient en rémission à près d’un an et demi, avec une normalisation de leur fonction rénale chez la plupart. A trois mois, les lymphocytes B, ‘réinitialisés’, avaient retrouvé leur niveau départ, sans signe d’auto-immunité.

 

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Références :

Congrès annuel de l’European Alliance of Associations for Rheumatology (Eular, 12-15 juin 2024, Vienne, Autriche). D’après les présentations du Pr Laurent Arnaud (CHU de Strasbourg), du Dr Filippo Vesentini (Padoue, Italie), du Pr Murray Urowitz (Toronto, Canada), du Pr Georg Schett (Erlangen, Allemagne) lors des sessions « Lupus : what’s on the horizon ? », « Tapering and withdrawal of treatment in RMDs », « Systemic lupus and MCTD – diagnosing and managing complex diseases », et « Novel treatment avenues in SLE ». 

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