Au procès Mediator, le Docteur Irène Frachon raconte comment elle a "tiqué"

17/10/2019 Par Aveline Marques
Faits divers / Justice
Témoin très attendue de ce procès-fleuve, la pneumologue est revenue mercredi au tribunal de Paris sur son rôle de lanceuse d'alerte, de sa première malade "sous Mediator" à ses recherches scientifiques.

Comment une pneumologue du CHU de Brest, mère de quatre enfants, a-t-elle été à l'origine d'une des affaires sanitaires les plus retentissantes de ces dernières années ? "Cela tient à un fil, à quelques indices", relate Irène Frachon, devant une salle d'audience comble. Le médecin, aujourd'hui âgée de 56 ans, dit avoir attendu "ce procès pénal depuis des années". Tout commence en février 2007, lorsqu'elle examine "une patiente obèse, qui souffre d'une HTAP gravissime" et qui est "sous Mediator". Le Dr Frachon, spécialiste de cette pathologie très rare, "tique" : près de vingt ans plus tôt, quand elle était externe au centre de référence des HTAP, en région parisienne, de nombreuses "femmes jeunes" arrivaient avec "les symptômes de cette maladie". Un coupe-faim des laboratoires Servier, l'Isoméride, est soupçonné ; il sera retiré du marché en 1997 comme d'autres fenfluramines, des produits dérivés de l'amphétamine. Elle se souvient aussi des articles de Prescrire, alertant sur les risques du Mediator. Commercialisé depuis trente ans comme un adjuvant au traitement du diabète, il est "régulièrement dénoncé comme étant un dérivé de l'amphétamine" par la revue médicale.   Au début de son "enquête" de trois ans, Irène Frachon doute, "bute", se dit qu'elle s'est "probablement monté le ciboulot", elle n'est après tout "ni pharmacologue ni cardiologue", insiste-t-elle. Mais de nouvelles patientes se présentent après avoir développé des HTAP ou des valvulopathies cardiaques. Début 2009, alors qu'elle a compilé "onze cas extrêmement graves" et s'est entourée d'une équipe "d'experts", Irène Frachon arrive à la conclusion que le benfluorex, molécule active du Mediator, et les fenfluramines sont "équivalents". Ils libèreraient tous deux un "poison puissant et mortel", la norfenfluramine, qui a atteint "le coeur de Marie-Claude", les poumons de "Joëlle", deux de ses patientes décédées. La pneumologue porte alors ces cas devant l'Agence du médicament, l'Afssaps, puis écrit un livre qui fera grand bruit : "Mediator 150 mg, combien de morts?". Un sous-titre dont Servier obtiendra le retrait devant la justice. Les laboratoires sont aujourd'hui poursuivis pour "tromperie aggravée" et "homicides blessures involontaires". L'ANSM est quant à elle mise en cause pour n'avoir retiré le médicament que le 30 novembre 2009, malgré de précédentes alertes. [avec AFP]

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