Covid-19 : à quoi ressemblera la vaccination de demain ?

28/04/2022 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Infectiologie
Les vaccins contre le Covid-19 ont été développés très rapidement. Actuellement, dans certains cas et certains pays, jusqu’à 4 doses sont nécessaires. Ces ajustements continuels vont-ils se poursuivre ? Panorama de la vaccination de demain par le Pr Matthieu Revest*, infectiologue au CHU de Rennes. 

 

 

 

 

Egora : De plus en plus d’études démontrent que la protection apportée par les vaccins et l'infection est la plus durable contre le Sars-CoV-2. L’Immunité hybride est-elle la solution ?  

Pr Matthieu Revest : Il est très difficile de répondre avec certitude. Mais on voit effectivement que les patients qui ont été à la fois contaminés et vaccinés, sont ceux qui ont la protection la plus importante. Aujourd’hui, on est assez certains que cela protège bien contre les formes graves. Dans nos services, il n’y en a quasiment plus en dehors de très rares personnes non vaccinées et les grands immunodéprimés. En revanche, la protection contre la maladie elle-même reste malheureusement relative. Ce qu'il faut bien comprendre dans l'histoire d'une pandémie avec un nouveau virus, c'est que l'évolution tend vers un virus persistant mais de moins en moins dangereux et ce pour plusieurs raisons. D'une part du fait de l’immunité partielle qui se crée, et d’autre part parce qu’on sait que pour qu'un virus continue à se diffuser, les gens ne doivent pas être trop malades sinon la transmission est moindre. La population s'immunise donc au fur et à mesure soit naturellement, soit par la vaccination. Le virus devient ainsi beaucoup moins impactant sur la vie humaine et sur son organisation. C'est probablement ce qui va se passer avec le SARS-CoV-2. La question est maintenant de savoir quand. 

 

Se pourrait-il qu’il soit préférable d’avoir des doses de rappel par voie nasale à l’avenir ?  

On sait effectivement que l'une des clés contre ces virus respiratoires, c'est l'immunité muqueuse. Les vaccins à ARN et les autres développés jusqu'ici n'ont pas conféré d’immunité muqueuse spectaculaire, ce qui n’était finalement pas si important avec les anciens variants qui étaient plutôt des virus pulmonaires. Une immunité muqueuse reste, dans ce cas beaucoup moins prégnante, que pour des virus des voies respiratoires hautes. Mais Omicron est un virus ORL. Et c'est vrai que réussir à conférer une immunité muqueuse, soit par un vaccin soit par immunité naturelle, reste primordial pour éviter la maladie en elle-même et sa transmission. Pour autant, on ne peut pas dire que le vaccin actuel n'empêche pas du tout la contagiosité. Il la diminue mais ne l'endigue pas complètement.  

 

L’autre approche en vue est un vaccin qui protégerait contre plusieurs coronavirus, le "pancoronavirus". Dans l’hypothèse de voir arriver ce type de vaccin dans les prochains mois, une seule dose suffirait-elle ?  

D'autres questions doivent se poser avant celle-ci. Finalement au bout d'un moment, faudra-t-il continuer à se vacciner ? A l’instar de l'épidémie de l’OC43 (ce qu’on appelle la grippe russe de 1890), si le virus devient "banal", sans dangerosité ni impact sur la vie sociétale, y aura-t-il un véritable enjeu à vacciner ? C’est une vraie question. D'autant plus que la vaccination contre ce type de virus qui a une capacité de mutation majeure ne va pas forcément être efficace de façon très prolongée. Mais nous n’en sommes pas là. Aujourd’hui, il y a un véritable intérêt à se vacciner pour se protéger notamment des formes graves. En ce sens, une récente publication israélienne démontre que la 4ème dose continue à protéger des formes graves relativement longtemps mais pas contre la maladie en elle-même. L’immunité collective arrivera peut être avant le pancoronavirus… 

 

Le développement d’un nouveau variant avec une meilleure capacité de transmission et d’infection reste-t -il possible ? Je pense notamment à une recombinaison génétique entre le SARS-CoV-2 et un beta-coronavirus humain (comme OC43) ou à une rétro-zoonose à partir d’animaux d’élevages.  

Comme on dit, "le pire n'est jamais certain". Cette épidémie l’a montré et c'est important d'être conscient qu’il y a toujours la possibilité dans la nature que des virus à très forte capacité de transmissibilité soient très dangereux. On ne peut pas dire que ce risque n’existe pas, mais ce n’est pas le plus probable. Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme ! Les mesures que nous mettons en place influent sur les mutations qui vont émerger. Mais ce coronavirus est contagieux 24h avant l'apparition des symptômes donc les gestes barrières restent parfois insuffisants. Ce qui est sûr, c'est qu'il est encore beaucoup trop tôt pour baisser la garde et pour enlever les masques à l'intérieur. Les autorités continuent d’ailleurs à le recommander fortement. De manière générale, je pense qu'il faut accepter l'incertitude. Et au lieu de mettre toute cette énergie dans les prévisions, il faudrait plutôt se concentrer sur l'adaptabilité.  

*le Pr Revest déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

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