
La recherche sur le VIH avance, malgré les inquiétudes
Nouvelles stratégies de PrEP, anticorps neutralisants pour mieux contrôler le VIH… La 32ème Conférence scientifique sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), qui vient d’avoir lieu à San Francisco, a été riche en nouveautés. Et ce malgré les inquiétudes, liées au contexte politique peu propice à la science et à la lutte contre le VIH.

Au-delà de la prise orale, d’autres formes de prophylaxie pré-exposition (PrEP) devraient apparaître au cours des prochaines années. Parmi elles, la PrEP injectable tous les deux mois, par l’inhibiteur d’intégrase cabotégravir, pourrait être disponible en France d’ici la fin de l’année. L’an dernier, les résultats de deux essais internationaux ont révélé la haute efficacité préventive d’une PrEP injectable semestrielle, à base de lénacapavir (un inhibiteur de capside) - le dossier est en cours d’évaluation auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA).
Des stratégies plus espacées sont à l’étude. Lors de la 32ème Conférence scientifique sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), qui s’est déroulée du 9 au 13 mars à San Francisco (Californie), de premiers résultats d’une nouvelle formulation de lénacapavir, d’administration annuelle, ont mis en évidence des concentrations sanguines supérieures à celles atteintes avec la forme semestrielle. "Nous nous rapprochons, avec la PrEP, de ce que pourrait représenter un vaccin contre le VIH : avec une injection par an, il sera bientôt possible d’être protégé du VIH", commente le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Saint-Louis (Paris). De premiers essais d’efficacité devraient être prochainement lancés chez l’homme.
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Jérôme Bidau
Non
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Une autre PrEP, reposant sur la prise mensuelle de comprimés de MK-8527 (un inhibiteur du transfert de la transcriptase inverse), a présenté des résultats prometteurs chez le macaque. Là aussi, de premières études vont être lancées courant 2025 chez l’homme. "Si les financements suivent, il sera possible de proposer un grand nombre d’options de PrEP, adaptées à tous les publics. Le futur semble prometteur" », estime Jean-Michel Molina. La situation est moins favorable sur le front des vaccins, dont la recherche, récemment marquée par des résultats négatifs en phase 3, est une fois de plus au creux de la vague.
L’espoir des bNABs
En matière de traitement, la prise en charge du VIH s’apprête à s’ouvrir à de nouveaux agents. Parmi eux, les anticorps neutralisants à large spectre (bNAbs) : identifiés chez des patients ‘contrôleurs’, qui présentent une charge virale indétectable en absence de traitement, ces anticorps dirigés contre le VIH suscitent l’espoir d’une rémission sans traitement.
Présentés lors de la Croi, des résultats de RIO, étude de phase 2 menée par l’université Rockefeller (New York) et l’Imperial College de Londres, suggèrent que les bNAbs, lorsqu’ils sont administrés chez des patients mis sous antirétroviraux rapidement après la contamination, permettent chez certains une interruption prolongée du traitement. Vingt semaines après arrêt de la trithérapie, 22 des 34 patients traités par bNAbs n’avaient pas connu de rebond viral, contre 3 des 34 sous placebo, soit un risque diminué de 91%.
A 48 et 72 semaines, ils étaient encore, respectivement, 13 et 7 dans le groupe traité, contre 2 et 2 dans le groupe placebo. Selon le Pr Yves Lévy, chef du service d'immunologie clinique à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne) "il s’agit d’un effet ‘vaccine-like’ : même sans vaccin, le fait d’avoir administré ces anticorps simule une réponse immunitaire. On peut imaginer que l’administration d’un vaccin thérapeutique, stimulant les réponses contre le virus, suivie d’un arrêt de traitement accompagné d’anticorps neutralisants, améliorerait encore plus le contrôle virologique sur le long terme". En France, une étude similaire, dénommée Rhiviera 2, est en cours, sous l’égide de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales - Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) et de l’Inserm.
La lutte contre le VIH menacée
Au-delà des avancées scientifiques, cette 32ème édition de la Croi a été obscurcie par le contexte politique américain, peu propice à la lutte contre le VIH/sida. "Nos collègues américains sont déterminés à lutter pour la science, à s’opposer aux nouvelles directives de l’administration. Mais ils sont aussi très désabusés, car les moyens à leur disposition sont maigres", constate la Pre Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine (Paris). Faute de financement, certains n’ont pu se déplacer à la Croi, tandis que d’autres ont dû modifier les résumés de leurs communications, gommant les termes ayant trait aux questions de genre et d’orientation sexuelle.
Au-delà de la recherche, l’accès aux traitements, en particulier à la PrEP, pourrait pâtir de cette politique de fermeture. "A travers le monde, 90% des traitements utilisés pour la PrEP sont financés par les Etats-Unis, notamment via le PEPFARi", rappelle Jean-Michel Molina. "Selon les annonces du Gouvernement américain, la PrEP ne sera plus financée que pour les femmes enceintes. Tous les autres programmes vont être arrêtés, ce qui fait craindre un rebond de l’incidence du VIH très rapide dans un certain nombre de pays."
Références :
D’après un point presse de l’ANRS-MIE (20 mars). Selon les propos du Pr Jean-Michel Molina (hôpital Saint-Louis, Paris), du Pr Yves Lévy (hôpital Henri-Mondor, Créteil) et de la Pre Karine Lacombe (hôpital Saint-Antoine, Paris).
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