Ex-président de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme (SFNCM), le Pr Éric Fontaine* préside désormais le Collectif de Lutte contre la Dénutrition qui organise, du 12 au 19 novembre, la première Semaine Nationale de la Dénutrition, avec le soutien de la Direction Générale de la Santé (DGS). Egora : Que sait-on aujourd’hui de la situation épidémiologie de la dénutrition en France ? Pr Éric Fontaine : D’après ce que l’on sait des patients hospitalisés, la dénutrition touche au moins deux millions de personnes en France : 10% des enfants hospitalisés sont concernés, entre 30 et 40% des personnes adultes, et plus de 50% des personnes âgées à des stades plus ou moins sévères selon l’importance de la fonte musculaire et l’ancienneté de la dénutrition. Mais comprenez que ce chiffre de 2 millions est un chiffre plancher, qui ne comptabilise pas les sujets dénutris ne séjournant pas à l’hôpital… Ainsi, on ne connait pas l’épidémiologie réelle de la dénutrition en France, d’autant qu’il s’agit d’une maladie largement sous-estimée et sous-diagnostiquée par les professionnels de santé. Indiscutablement, cela représente une perte de chance pour beaucoup de malades car l’amaigrissement est souvent réversible, à condition d’une prise en charge adaptée, et la plus précoce possible.
Dans des pays d’abondance alimentaire tels que la France, quelles sont les populations les plus à risque de dénutrition ? Il s’agit principalement des personnes souffrant de maladies chroniques sévères, depuis les cancers (40% des patients cancéreux sont touchés) jusqu’aux pathologies digestives, insuffisances rénales, respiratoires, hépatiques et cardiaques, en passant par les maladies neuro-psychiatriques : anorexie mentale, mais aussi Alzheimer, Parkinson… On sait également que les maladies infectieuses aiguës peuvent elles aussi conduire à un état de dénutrition… ce que l’on constate actuellement avec les personnes hospitalisées pour Covid-19. Quels sont aux moyens et tests diagnostiques à la disposition des médecins généralistes ? Je pense aux fameux « 3A » : asthénie, anorexie, amaigrissement… Il s’agit ainsi tout d’abord, au cours de votre interrogatoire, de poser des questions très simples à votre patient : « avez-vous bon appétit ? », « est-ce que vous mangez suffisamment ? »… C’est fondamental, parce que chez les personnes qui perdent du poids, dans 90% des cas si ce n'est plus, cela est dû à...
une diminution des apports alimentaires. Concernant les tests diagnostic, notez que les examens biologiques ont été sortis de la définition. Car, de fait, ce qui marche le mieux, c’est la pesée. Comme le recommande la Haute Autorité de Santé (HAS), il s’agit là d’un acte de santé qui devrait être systématiquement effectué, et ce d’autant plus que le patient avance en âge et en veillant à soigneusement reporter ces données dans son dossier médical. Ce qui doit alerter ? Une perte de poids de plus de 5 % en 1 mois ou de plus de 10 % en 6 mois ; et ce par référence au poids antérieurement mesuré. L’objectif est d’identifier les signes précurseurs de la dénutrition. Car rappelons-le, c’est au début de l’installation de cet état, lors des premiers kilos perdus, qu’il est le plus aisé d’inverser la tendance. Sur quoi est-ce que repose la prise en charge de premier recours ? Chez un patient qui a peu d’appétit, on veillera en premier recours à augmenter ses apports alimentaires protéino-énergétiques, principalement en lui apportant des conseils d’enrichissement. Très souvent, ces patients présentent une satiété précoce. Sans augmenter le volume de leur ration alimentaire, on peut en augmenter l'apport énergétique et protéique, également leur conseiller de débuter leurs repas par les ingesta riches, et de volontiers avoir recours à des collations en dehors des repas. Des séries de travaux ont montré les bénéfices d’un coaching diététique régulier et prolongé. Mais les diététiciens libéraux sont peu nombreux : 4 500 environ, incluant ceux qui exercent à temps partiel. En outre, peu d’entre eux sont formés à la dénutrition. Il s’agit là d’une des propositions pour lesquelles nous militons avec le Collectif de Lutte contre la Dénutrition à savoir : une meilleure formation des diététiciens, ainsi qu’une prise en charge de leurs consultations par la sécurité sociale. Et lorsque les conseils diététiques ne suffisent pas… Alors on conseille de recourir à des compléments nutritionnels oraux (CNO). Il s’agit généralement d’un traitement de seconde intention, mais auquel on peut recourir d’emblée si l’on pense que le patient aura des difficultés avec l’enrichissement nutritionnel. Sur ordonnance médicale, les CNO demeurent partiellement remboursés, mais leur prix de vente est libre. On constate ainsi que d’une officine à l’autre, les prix peuvent varier d’un coefficient de un à trois. Là encore, nous souhaiterions que les diététiciens spécifiquement formés soient autorisés à prescrire des CNO avec les mêmes conditions de remboursement que lorsqu’ils sont prescrits pas des médecins. L’objectif étant d’arriver en nutrition artificielle le moins souvent possible, ou en tout cas, le plus tardivement possible. Un autre point sur lequel votre collectif est mobilisé, est la promotion de l’activité physique … Oui, d’autant qu’il s’agit de quelque chose d’assez contre-intuitif pour les patients comme pour leur entourage… Il demeure donc essentiel de bien leur expliquer les bénéfices tant du point de vue de la stimulation de l’appétit que de la restauration de la masse musculaire. Là encore, de même que pour les soins diététiques, nous militons pour que l’activité physique adaptée (APA) puisse faire l’objet d’une prise en charge par la sécurité sociale. *Le Pr Eric Fontaine déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Baxter, Frésénius, Shire, B-Braun, Nutricia
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