Covid : à quoi s’attendre à l’automne ? Le Conseil scientifique donne ses dernières préconisations

26/07/2022 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Le Conseil Scientifique (CS) Covid-19 a présenté le 21 juillet son dernier avis qui porte sur sa vision actuelle et à plus long terme de la pandémie. L’avenir est marqué par de nombreuses incertitudes. Mais l’on peut être optimiste du fait de l’immunité populationnelle liée aux vaccins et aux infections. Le CS s’apprête à passer la main à une nouvelle instance, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires. Mais le CS préconise aussi la création d’un organisme d‘experts scientifiques de toutes disciplines, et "hors crise", pour éclairer les gouvernants.  

 

Après plus de deux ans et quatre mois de service, et près de 300 réunions et 90 avis ou notes, le Conseil scientifique, qui avait été créé dans un contexte sanitaire d’urgence le 10 mars 2020 et inscrit dans la loi portant sur la crise sanitaire du 23 mars 2020, prendra fin officiellement le 31 juillet 2022. "On est un groupe très uni. La force vient du groupe. On a partagé beaucoup de défaites mais aussi de succès. On a appris à avoir de l’humilité : arriver à dire à certains moments qu’on ne savait pas", se souvient le Pr Jean-François Delfraissy, président du CS. Le Conseil scientifique a-t-il pu être instrumentalisé ? "Sûrement, répond le Pr Delfraissy. Par nous-mêmes, par vous les journalistes. Par les politiques aussi. […] Mais quand l’un de nous avait tendance à fléchir, les autres le remettaient dans le droit chemin. Nous avons eu un dialogue avec les autorités politiques et sanitaires normal."  

Le CS sera remplacé par un "Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires institué auprès du ministre chargé de la Santé et du ministre chargé de la Recherche". Ce nouveau comité formulera des recommandations, transmises aux autorités. Le CS insiste sur "l’importance de la multidisciplinarité qui doit demeurer au sein de ce nouveau comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, et sur le nécessaire dialogue entre les deux comités durant l’été 2022". 

En outre, le Conseil scientifique appelle aussi de ses vœux la création d’un Conseil de la science. L’objectif est de réunir les plus grands scientifiques du pays au sein de cette nouvelle entité, mais pas uniquement en santé, "pour éclairer et donner des signaux d’alerte aux autorités". Ce conseil existerait même en dehors d’une crise sanitaire. 

En attendant, le CS Covid-19 a présenté, lors d’une conférence de presse le 21 juillet, ce qui est donc son dernier avis, qui n’est "ni un retour d’expérience ni un testament. On est toujours dans l’opérationnel", a déclaré le Jean-François Delfraissy. Le texte précise ainsi la situation actuelle et donne sa vision sur les différents scénarios possibles à l’automne. 

 

La pandémie n’est pas terminée 

"En France, le pic de l’épidémie actuel est passé", confirme tout d’abord le virologue Bruno Lina. La décroissance des nouveaux cas se confirme, même si les hospitalisations sont encore en hausse, du fait du décalage temporel entre infections et complications nécessitant une hospitalisation. La vague actuelle est complètement liée au variant Omicron BA.5, qui représente 98% des virus détectés. Cette situation est constatée dans l’ensemble de l’Europe. Cependant, il faut rester vigilant pour les semaines à venir. Même si la vague épidémique actuelle semble en bonne voie, les vacances sont à l’origine de mouvements de population et d’une augmentation des contacts intergénérationnels, qui pourraient entraîner des difficultés, notamment dans les zones touristiques qui ne sont pas forcément bien équipées. 

A plus long terme, trois évolutions sont possibles selon le CS : 

  • Scénario 1 : Une succession de vagues épidémiques liées à l’émergence de sous-variants d’Omicron, avec un retentissement hospitalier moins important. "C’est le scénario que nous observons actuellement avec la vague BA.4/BA.5. On ne peut pas cependant écarter que le processus 'd’optimisation' d’Omicron ne s’accompagne d’une sévérité accrue d’un des prochains sous-variants", affirme le CS. "Le virus a un potentiel évolutif qui reste important", ajoute le Pr Bruno Lina. En revanche, le sous-variant BA.2.75 apparu en Inde, et qui a récemment fait l’objet d’inquiétudes, semble "marquer le pas".  
  • Scénario 2 : Une reprise saisonnière avec un variant existant ou proche, principalement à l'automne ou à l'hiver du fait de la baisse de l'immunité populationnelle avec le temps et de la plus grande transmissibilité des coronavirus en saison froide.  
  • Scénario 3 : L’émergence d'un nouveau variant plus contagieux avec échappement immunitaire. "La sévérité des manifestations cliniques associées à ce nouveau variant est imprévisible" et "ce scénario a un niveau de probabilité relativement élevé", précise le CS.  

Quoiqu’il en soit, "on est en face d’un virus qui ne va pas se stabiliser et qui ne va pas disparaître", affirme Bruno Lina qui, comme l’ensemble des membres du Conseil scientifique, souligne que "la pandémie n’est pas terminée". 

Face à ces possibilités, plusieurs réponses sont possibles, dépendant principalement du niveau de contraintes et de morbimortalité que la population serait prête à accepter. 

  • Option 1 : Le risque de saturation des hôpitaux dicte la conduite à tenir. Peu de mesures sont mises en place ; on axe sur les vaccins et les antiviraux pour les plus fragiles. On tolère un niveau élevé de circulation du virus, de morbidité, de mortalité, et de Covid long. C’est le cas actuellement : "les morts liés à Omicron sont passés dans l’ombre. Donc il y a une forme d’acceptation", souligne le Pr Delfraissy.  
  • Option 2 : Un impact sanitaire plus global est pris en compte, ainsi qu’un impact économique (absentéisme). Des mesures plus larges telles que l’obligation du port du masque dans certains lieux sont préconisées.  
  • Option 3 : Les mesures sont dictées par une volonté de contrôler au maximum l’épidémie : port du masque généralisé, traçage renforcé, isolement, dépistage… 

"L’option 1 a été adopté dans la plupart des pays ces derniers temps. L’option 2 est...

celle préconisée par le CS", précise l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, "si les scénarios dans la vie réelle le permettent", est-il ajouté dans l’avis.  

 

Investir dans la qualité de l’air intérieur 

Le spécialiste a tenu, en outre, a souligné l’utilité de mettre en place des mesures supplémentaires sur l’aération des lieux pour améliorer la qualité de l’air intérieur, telles que l’ouverture des fenêtres à intervalle régulier, les capteurs de CO2, les ventilateurs, et même les filtres mobiles. Ces derniers, plus coûteux, pourraient être ciblés pour les Ehpad ou les endroits où la ventilation n’est pas possible. "Ces investissements permettent de diminuer non seulement le risque d’infections respiratoires virales ou bactériennes, mais également les affections allergiques type asthme, les affections cardiovasculaires ou respiratoires associées à l’inhalation de particules et l’inhalation de composants volatiles organiques potentiellement toxiques", précise le CS. "Ce sont des mesures pérennes dont on bénéficiera sur le long terme", ajoute A. Fontanet.  

 

De nouveaux vaccins à l’automne 

Côté prévention, "tout repose sur la vaccination", a déclaré le Pr Delfraissy, qui insiste sur l’urgence à vacciner "dès maintenant" les personnes de plus de 60 ans et les plus fragiles avec une 4ème dose (2ème rappel). Les dernières données vont toutes dans ce sens. Ainsi, des études récentes israéliennes et suédoises montrent une diminution importante (60%- 80%) du risque de formes graves ou de décès chez les plus de 60 ans et les plus de 80 ans ayant reçu une 4ème dose de vaccin par rapport à ceux ayant reçu 3 doses. En outre, l’accumulation des doses ne semblent pas poser de problème. En particulier, "elle n’entraîne pas de modification majeure au niveau du répertoire des lymphocytes B (ex vivo) et donc ne semble pas entraîner un épuisement immunitaire", explique le Pr Lina. Les dernières données suggèrent que plus on a été infecté et vacciné, plus on est protégé. 

En revanche, il n’y a pas de justification à vacciner avant l’été les moins de 60 ans, sauf en cas de facteurs de risque, ou pour ceux qui le souhaiteraient. De même, pour les soignants, "nous recommandons qu’ils puissent avoir la 4ème dose de vaccin pour se protéger eux et les patients", ajoute le Pr Delfraissy. 

En outre, les perspectives sont optimistes pour l’automne : plusieurs nouveaux vaccins devraient arriver sur le marché. Il s’agit du vaccin bivalent Wuhan-Omicron BA.1 de Moderna m1273.214, des vaccins monovalent Omicron BA.1 voire bivalent Wuhan-BA.1 de Pfizer, qui devraient être disponibles en octobre ou novembre 2022. Le vaccin Sanofi à base de protéine recombinante devrait aussi être disponible à la même date. "Ces nouveaux vaccins ont une efficacité comparable aux précédents et peut-être mieux conservée sur les nouveaux variants Omicron", précise le CS.  

"On est confiants dans la capacité des vaccins à couvrir les variants existants. Il faudrait un variant extrêmement disruptif pour qu’il échappe complètement aux vaccins existants", déclare Arnaud Fontanet.  

 

Des points de vigilance 

Pour ce dernier travail, le CS a tenu à mettre en évidence des points de vigilance. Cela concerne tout d’abord les personnes immunodéprimées "qui ont été particulièrement invisibles et qui concernent pourtant 200.000 personnes", rappelle l’anthropologue Laetitia Atlani-Duault. Elles sont à haut risque de décès, et représenteraient 40% des malades hospitalisés pour Covid. Or la vaccination est peu ou pas efficace chez elles. En outre, ces personnes bénéficient trop peu de la prévention par Evusheld (seules 30.000 doses utilisées depuis décembre 2021). "Le CS appelle à une bulle de solidarité et de protection pour ces personnes, qui pour l’instant se terrent, ainsi qu’à une meilleure prise en charge dans les filières de soins", ajoute Laetitia Atlani-Duault.

La situation dans en Outre-mer, le Covid long, l’impact de l’infection chez les enfants, en particulier concernant leur santé mentale, et les populations les plus précaires, doivent aussi faire l’objet d’une attention renforcée, souligne le CS. Le Pr Delfraissy a aussi partagé son inquiétude concernant la "fragilité du système hospitalier".

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