Outre les cas pédiatriques, la fréquence des hospitalisations et de l’admission en soins intensifs pour pneumonie communautaire augmente avec l’âge. Par ailleurs, ces deux chiffres tendent à augmenter ces dernières années en Europe, sous l’influence de plusieurs tendances de fond : vieillissement de la population, augmentation de la prévalence du diabète de type 2, du surpoids et de l’obésité, du tabagisme, des multimorbidités. Aux Etats-Unis, jusqu’à un tiers des patients atteints de pneumonie communautaire seraient immunodéprimés. La principale étiologie des pneumopathies aigues communautaires (CAP) est bactérienne (Streptococcus pneumoniae) puis virale. Cependant, la pandémie de Covid-19 a bouleversé les chiffres : l’étude Pneumo conduite entre février 2020 et juillet 2023 auprès d’une trentaine de sites européens et qui a inclus tous les adultes ayant une CAP confirmée par radiologie a montré lors du congrès que le Sars-CoV-2 a été la principale étiologie sur toute cette période (20%) devant le pneumocoque (13%). S’il a été à l’origine de 40 % des hospitalisations pour pneumonies au début de cette période d’analyse, contre 8% pour S. pneumoniae, l’équilibre s’est inversé, le virus ne représentant plus que 8 % de ces hospitalisations contre 20% pour le pathogène bactérien. Progressivement, ces derniers mois ont montré que les autres origines virales et bactériennes étaient en recrudescence, ainsi que le taux de sujets immunodéprimés touchés, des sujets qui sont souvent âgés et pour lesquels le pronostic est moins bon que parmi les immunocompétents. « C’est souvent sur les dommages créés par une infection virale préalable que les bactéries deviennent invasives », a commenté le Dr Scott Evans (Houston, États-Unis). D’ailleurs, une étude hospitalière menée chez plus de 4 000 cas de pneumonies communautaires a montré que le sepsis viral était présent chez 3% des patients hospitalisés pour pneumonie, et même 19% de ceux admis en unités de soins intensifs. Vers de nouveaux vaccins Malgré les efforts de maîtrise, l’antibiorésistance continue à augmenter, principalement parmi les bactéries à gram négatif. Une étude internationale a d’ailleurs décrit que les pneumopathies constituent l’infection bactérienne dans laquelle le nombre de décès attribuables ou associés à l’antibiorésistance était le plus élevé en 2019, devant les bactériémies et les infections intra-abdominales. La vaccination reste l’une des approches les plus efficaces, et pourtant toujours insuffisamment pratiquée, pour prévenir les complications - respiratoires ou autres- liées aux pneumocoques, virus influenza, Sars-CoV-2 ou VRS.
Concernant la couverture antipneumoccique, « de nouveaux vaccins sont développés à partir de technologies qui devraient non seulement augmenter le nombre de sérotypes visés mais aussi permettre d’avoir une réponse immunitaire plus intense et prolongée que la technologie actuelle », a commenté Jessica Rademacher (Hanovre, Allemagne) : vaccin PCV-24 valent (avec sérotype 3, problématique chez les sujets âgés), vaccin conjugué 15-valent... (PCV13 + sérotypes 22F et 33F) et vaccin PCV 21-valent (V116, avec polysaccharides pneumococciques). Les nouvelles formulations pour la vaccination influenza devraient, elles, réduire les taux d’infection et d’hospitalisation : il s’agit du vaccin avec adjuvant MF59 et du vaccin à haute dose d’antigènes hémagglutinine (60μg au lieu de 15) pour les sujets âgés (qui réduit également le taux de pneumonie). Des études cliniques sont en cours, dont certaines en phase 3, qui visent à proposer des vaccins influenza de nouvelle génération utilisant des techniques basées sur l’ARNm. Effet de la vaccination sur le risque cardiovasculaire Selon une étude de 2022, la combinaison des deux vaccinations -influenza et pneumocoque- chez des patients BPCO conduit à une réduction du taux d’exacerbations, de pneumonie ou d’hospitalisations associées qui était supérieur à celle apportée par la vaccination pneumococcique ou la vaccination antigrippale prises isolément. De nombreuses études ont désormais bien établi le risque cardiovasculaire associé à ces maladies, probablement du fait de l’inflammation : une étude écossaise a, par exemple, montré que le rapport des taux d’incidence de l'infarctus du myocarde était très élevé dans la semaine suivant l'infection par S. pneumoniae ou par le virus de la grippe par rapport à un groupe contrôle (entre 6 et 10), tout comme celui relatif aux taux d'AVC dans le premier mois suivant l’infection (compris entre 7 et 12). Parallèlement, une étude de registre britannique compilant les données de près de 200 000 patients en situation de prévention primaire montre que le risque d'événement cardiovasculaire aigu est réduit de façon significative dans les 4 premiers mois suivant la vaccination, avec un effet maximal au cours du premier mois (rapport des taux d’incidence de 0,72 entre J15 et J28), et ce quel que soit le niveau de risque initial ou l’âge. Les vaccins anti-VRS (virus respiratoire syncytial), plus récents, ne doivent pas être négligés : « Leur rôle chez le sujet âgé a été mis en évidence avec la généralisation des méthodes diagnostiques par PCR alors qu’il était auparavant négligé. Son rôle dans la survenue des pneumonies communautaire pourrait avoisiner celui attribué à influenza », a rappelé le Pr Tobias Welte (Hanovre, Allemagne). Le vaccin RSVPreF3 a obtenu une AMM européenne en juin dernier chez les 60 ans et plus. Une analyse post hoc de l’étude pivot AreSVi-006, qui avait confirmé l’efficacité et la sécurité du vaccin dans cette population, a été présentée lors du congrès : elle a confirmé que l’efficacité du vaccin sur la prévention des formes aigues, des infections touchant les voies aériennes inférieures et des formes sévères (estimées à 71 %, 82,5 % et 94,1 % respectivement) était comparable chez ceux qui avaient au moins une pathologie chronique pouvant favoriser la survenue d’une forme sévère de la maladie, par rapport à des sujets de même âge sans comorbidité. Cette efficacité était conservée quel que soit le nombre de pathologies cardiorespiratoires à risque. En juin 2023, le comité consultatif sur les vaccinations de la Food and Drug Administration (Advisory Committee on Immunization Practices) a recommandé que les patients de 60 ans ou plus reçoivent désormais une dose de vaccin VRS, dans le cadre d’une décision médicale partagée. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) va mettre sur pied un groupe de travail pour déterminer la stratégie à adopter dans cette population : réponse à la rentrée 2024. Entre temps, elle livrera au printemps ses conclusions concernant la vaccination anti-VRS des femmes enceintes. Une stratégie supplémentaire pour renforcer la protection des nouveau-nés. Au sommaire de ce dossier :
-Changement climatique, prise en charge de l'asthme, HTAP… Que retenir du congrès européen de pneumologie
-Asthme et allergies : comment pollution et changement climatique vont bouleverser l'épidémiologie
-Asthme : les recommandations européennes affinent la place de l'association fixe CSI/formotérol à la demande
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