Comme il l’avait promis dans les colonnes de Ouest-France, Aurélien Rousseau a envoyé ce mardi 17 octobre au directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie la lettre de cadrage actant la réouverture des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux. Voici ce qu’elle contient. Quatre jours après le début de la grève illimitée des médecins libéraux, le ministère de la Santé acte officiellement la reprise du dialogue entre les partenaires conventionnels. Ce mardi 17 octobre, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo ont envoyé leur lettre de cadrage au directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme. Cette lettre de trois pages fixe les orientations de la future convention médicale. Il y a huit mois, en février 2023, les syndicats de médecins libéraux avaient tous refusé de signer la proposition de convention médicale de la Cnam – la jugeant méprisante. Un échec qui s’était soldé par un règlement arbitral, tout autant décevant pour la profession. "Malgré l’investissement financier important que représente ce règlement arbitral, nous ne pouvons nous résoudre à l’absence de cadre conventionnel signé avec les représentants des médecins libéraux", écrivent les ministres. "A l’heure où notre pays fait face à une pression extrêmement forte sur les professionnels de santé, où le travail quotidien des médecins est parfois marqué par une perte de sens et la volonté de retrouver le temps nécessaire pour le soin, où les enjeux populationnels et territoriaux sont à l’origine d’une mutation accélérée de l’offre de soins, il nous semble nécessaire que les médecins libéraux aient la possibilité de réinventer leur métier, de contribuer aux évolutions structurelles de notre système de santé et ainsi de mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens", ajoutent-ils. Assurant avoir fait le bilan de l’échec de l’hiver dernier avec les représentants des médecins libéraux, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo ont identifié deux points préalables : d’abord, "nous souhaitons que vous puissiez appréhender la question de l’accès aux soins en travaillant prioritairement sur les conditions du rôle du médecin traitant, la structuration des équipes de médecins spécialistes, la pertinence du parcours de soins et le renforcement des liens avec les autres professionnels de santé", écrivent-ils. "Nouvelles modalités de négociation" Les ministres souhaitent par ailleurs mettre en place de "nouvelles modalités de négociation" : "elles devront être marquées par le choix d’une plus grande transparence et de priorités resserrées pour davantage de lisibilité". Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit être examiné en commission dès aujourd’hui, les ministres ont tenté de rassurer : "les discussions autour [du budget 2024 de la Sécu] comme d’autres textes législatifs ne sauraient affecter la procédure conventionnelle". Celle-ci doit être "claire, respectueuse et apaisée". "Nous y veillerons personnellement." Ces principes posés, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo énumèrent les "principales lignes directrices" de ces prochaines négociations. Cette future convention médicale devra redonner de l’attractivité à la médecine libérale "afin que davantage de jeunes médecins s’installent et s’engagent dans le suivi d’une patientèle au long cours". Qui dit attractivité dit rémunération. "Objectif qu’il faudra traiter sans détours", écrivent les ministres, alors que les syndicats ont unanimement dénoncé la hausse de 1,50 euro du tarif de la consultation prévue dans le règlement arbitral. Montant qui entrera en vigueur le 1er novembre. "Nous mesurons pleinement les revendications des parties prenantes en la matière", assurent les ministres qui jugent "nécessaire de travailler à de nouvelles évolutions, au-delà du montant arrêté dans le règlement arbitral, qu’il s’agisse de la rémunération de l’activité clinique et de l’activité technique, dont la nouvelle nomenclature aura été refondue et stabilisée par le Haut Conseil à la nomenclature d’ici fin 2024". Sans donner de montant, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo précisent que ces évolutions tarifaires devront s’étendre "sur toute la durée d’exécution de la convention et pourront être progressives". Autre sujet qui devra faire l’objet de discussions : le développement du travail aidé et des organisations de soins coordonnés. Le défi d'attractivité "repose surtout sur un ensemble de facteurs qu’il faudra apprécier plus globalement", poursuivent-ils, citant notamment "le sens du métier de médecin", "la qualité de vie au travail", "la transition entre les dernières années d’étude et l’entrée dans la vie professionnelle" ou encore "la volonté de certains jeunes médecins d’avoir une activité mixte et diversifiée en ambulatoire" ainsi que "l’accompagnement des médecins seniors pour soutenir la poursuite de leur activité". Les négos devront aussi aborder la question de la "réduction des charges administratives et des consultations évitables", comme celles pour des certificats médicaux, ajoutent les ministres. Pertinence et qualité des soins Alors que les dépenses de santé explosent, les ministres veulent que soient mises sur la table les questions de "la pertinence et la qualité des soins et des prescriptions". "Investir davantage dans la rémunération des professionnels doit avoir pour corollaire d’opérer un tourant dans la manière dont la santé est appréhendée en France", écrivent-ils, indiquant par exemple que la France "se distingue par des niveaux atypiques de consommation de médecins". "Nous souhaitons que la prochaine convention intègre des leviers concrets pour garantir la pertinence des prescriptions, dans une logique de responsabilité partagée", poursuivent-ils. Enfin, les ministres appellent à faire évoluer le "rôle du médecin traitant" et à structurer la "médecine spécialisée". Deux facteurs jugés indispensables par l’avenue de Ségur pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques. "il convient ainsi de construire un système de santé fondé sur des parcours de soins, sans rupture pour les patients". Le rôle "central" du médecin traitant devra être réaffirmé "dans la prise en charge globale du patient". La future convention devra aussi permettre aux spécialistes de "s’organiser territorialement pour assurer partout et de manière pérenne une prise en charge adaptée, pertinente et précoce". Pour cela, il faudra notamment "réduire certains déséquilibres de rémunération entre spécialités médicales". "Pour répondre à l’ensemble de ces objectifs, il convient d’ouvrir la discussion afin de faciliter l’évolution des modalités de rémunération des médecins", écrivent les ministres à Thomas Fatôme. "Repenser nos modèles de financement" devra passer par de "nouvelles formes de rémunération" et "une simplification importante des différentes rémunérations forfaitaires actuelles".
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