"On rentre dans la dernière ligne droite" : la Cnam et les médecins libéraux sur le point de conclure un accord?
"Vous savez ce qu'on dit : le désir s'accroît quand l'effet se recule", commente le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, au sortir de la 4e séance plénière de négociations conventionnelles, qui s'est déroulée jeudi matin dans les locaux de l'Assurance maladie. Surprise : lors de cette séance de plus de 4 heures, la question centrale de la revalorisation du tarif de consultation de base du médecin généraliste, et de son calendrier d'application, n'a pas été abordée. La Cnam n'est pas revenue sur la proposition à 30 euros qu'elle avait formulée le 8 février dernier. "Si cela n'a pas été évoqué aujourd'hui, c'est parce que cela pose problème", pressent le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Pour son confrère de l'UFML, si la caisse fait durer le suspense, c'est par stratégie. "Le C, ils vous le vendent pas, ils vous le donnent pas et vous revenez à la séance suivante en espérant que… et vous finissez par le trouver très beau, ce 30 euros en fait !", ironise le président de l'UFML. "Mais c'est ça, provoquer le désir, ça peut être efficace", plaisante Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam, passant par là.
"Copie finale" Face à la presse, le patron de l'Assurance maladie assume : cette séance, que l'on aurait pu espérer déterminante - si ce n'est conclusive, était "complémentaire" à la précédente. Elle visait à "tirer les enseignements" des bilatérales qui se sont déroulées ces dernières semaines. "On n'a pas parlé calendrier, c'est normal, on veut finaliser l'équilibre global et vérifier qu'on a une adhésion, le plus possible, autour des différentes briques" (attractivité, accès aux soins, pertinence et nouveaux modes de rémunération), rassure Thomas Fatôme, estimant que l'on s'approche désormais de "la copie finale". "On rentre dans la dernière ligne droite, affirme le directeur général de la Cnam. On va commencer dans les prochaines semaines à passer des bouts de texte conventionnel." Une autre séance multilatérale est d'ores et déjà prévue "fin mars, début avril". Et ce n'est qu'à ce moment-là que la Cnam abattra toutes ses cartes, en dévoilant le chiffrage de ses propositions. "Je ne sais pas si ce sera la dernière séance, mais on n'est pas reparti pour en refaire des dizaines…", lance Thomas Fatôme. Déception d'AvenirSpé... Pourtant, si l'on en croit le Dr Patrick Gasser, président d'AvenirSpé, coalition majoritaire dans le collège des spécialistes et dont le vote est crucial, les partenaires conventionnels sont pourtant "à des années-lumière" de conclure. Quittant précipitamment la salle à la fin de la séance, le gastro-entérologue n'a pas caché son mécontentement face aux dernières propositions de l'Assurance maladie. "Je me demande si on ne se moque pas un peu de nous", nous confie-t-il, plus tard dans l'après-midi. "Je n'ai entendu dans cette réunion que des choses pour les médecins généralistes", lance le syndicaliste, qui déplore la possibilité offerte aux omnipraticiens de cumuler (à taux plein) consultation et différents types d'actes techniques (spirométrie, infiltrations...). "Quand on veut faire tout, on fait tout mal", lance-t-il. Alors que l'enveloppe de revalorisation offerte aux généralistes approcherait "le milliard d'euros" [dont 700 millions d'euros pour le C à 30 euros en année pleine, NDLR], les autres spécialistes se contenteraient pour l'heure de "300-350 millions", calcule le leader syndical. "Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve [numéro 2 de la Cnam, NDLR] auraient dû se poser la question suivante : pourquoi AvenirSpé n'a pas ouvert la bouche durant cette réunion?" S'il concède quelques "avancées" tarifaires pour les psychiatres, les pédiatres et les gériatres notamment, Patrick Gasser regrette que les "contours" de l'APC n'évoluent pas : la sollicitation préalable du médecin traitant reste nécessaire. Quant aux 5% d'augmentation proposée sur le "coefficient de charges" des actes de CCAM, "je ne vois pas à quoi ça correspond, réagit-il. En tout cas, on est loin des 5% d'augmentation sur ces actes. Nous on ne fera pas grève, mais tout ce qui ne sera plus rentable, on ne le fera plus", met-il en garde. Satisfaction de MG France Côté MG France, en revanche, c'est la satisfaction qui prédomine. "On est dans une période de difficultés financières, ça n'aura échappé à personne, je pense que l'enveloppe financière n'est pas à la hauteur de ce qu'elle aurait pu être dans une période normale, commente la Dre Agnès Giannotti, la présidente. Mais on a clairement été entendus sur ce qu'on voulait faire avancer dans le système de santé." Le syndicat, majoritaire chez les généralistes, salue la création d'une consultation longue (CL) du médecin traitant pour les patients âgés de plus de 80 ans et pour les patients en situation de handicap. "Le périmètre n'est pas à la hauteur de ce qu'on aurait espéré -on avait demandé 4 fois par an pour les plus de 80 ans- mais la proposition est intéressante : les sorties d'hospitalisation, les patients hyperpolymédiqués… ce sont des vrais sujets de santé publique et ça reconnaît la complexité du travail du médecin traitant", commente Agnès Giannotti.
Pour le Dr Luc Duquesnel, chef de file des Généralistes-CSMF, cette proposition est "totalement insuffisante". "L'an dernier, on nous proposait deux consultations par an, là c'est une seule", relève-t-il. Les deux syndicalistes entendent désormais négocier la possibilité de coter cette CL une fois par an et par patient… mais pour chaque situation. Autre point positif salué par MG France : la proposition de "réguler" les soins non programmés, en particulier ceux facturés par les plateformes de téléconsultation. "Les majorations de nuit et de jours fériés vont sauter, se réjouit Agnès Giannotti. On voyait quand même des consultations le soir pour des rhumes cotées 60 euros…" En parallèle, les médecins installés en cabinet "qui accepteraient de travailler de 19 heures à 21 heures pour faire la jonction avec la PDSA auront une petite majoration, se réjouit-elle. On va plutôt dans le sens d'une meilleure organisation de l'ensemble du système, plutôt que dans le sens d'une désorganisation au profit de structures spécialisées qui font des bénéfices sur des soins faciles" et aspirent les forces vives de la profession, commente-t-elle. De son côté, Luc Duquesnel remarque que le forfait pour participer au SAS, qui était de 1400 euros dans l'avenant 9, "passe désormais à 1000 euros". "On le réduit avec, en plus de ça, l'obligation d'être inscrit sur la plateforme alors qu'on sait que cela ne correspond pas forcément aux besoins", relève le généraliste. La revalorisation du forfait de maitre de stage universitaire (+450 euros en ZIP, + 150 euros hors ZIP) est en revanche "une avancée", salue-t-il. Sur les objectifs de pertinence, les syndicats interrogés se montrent sceptiques. "Les objectifs sont pour la plupart totalement inatteignables", lance Jérôme Marty. "Les arrêts de travail, ça ne dépend pas de nous. Rien que ça : si vous avez moins de chômeurs, vous avez plus d'arrêts!", illustre-t-il. "Diminuer de 10% les prescriptions d'antibiotiques dès la première année, alors que la convention elle aura deux mois, c'est inatteignable", renchérit Agnès Giannotti. Des objectifs de pertinence "inatteignables" La caisse propose un mécanisme de "partage des gains" sur trois de ces objectifs : la prescription de biosimilaires, qui fait déjà l'objet d'un dispositif de redistribution des économies, la prescription d'IPP et les initiations d'orthèses d'avancées mandibulaires. "La rétribution se fait uniquement sur l'atteinte de l'objectif (70% pour la caisse, 30% pour les médecins la première année, dégressif ensuite). Alors que la caisse, c'est comme le casino, elle est gagnante à tous les coups", lance Jérôme Marty.
Quant aux objectifs chiffrés d'amélioration de l'accès aux soins (augmenter la patientèle médecin traitant de 2% par an, atteindre 100% de couverture PDSA, etc.), ils divisent les syndicats. "Il a été dit et redit qu'il n'y aurait pas de sanction financière, pas de contrainte, que les médecins ne seraient pas fliqués individuellement", souligne Agnès Giannotti, qui n'en fait pas une ligne rouge. "On ne refait pas le contrat d'engagement territorial de la négociation précédente", insiste le directeur général de la Cnam. Mais les "revalorisations importantes" consenties par la Cnam justifient des "engagements" de la profession, argumente-t-il. Les objectifs seront suivis avec la mise en place d'un "Observatoire de l'accès aux soins". "Deux fois par an, les partenaires conventionnels se mettront autour de la table et si ça ne marche pas, on se demandera pourquoi et qu'est-ce on met en place", explique Thomas Fatôme. Reste désormais à discuter d'un point capital : le calendrier d'application du G à 30 euros. "Soyons clairs, si on n'a pas le 30 euros dans les six mois, on ne signe pas", prévient la présidente de MG France.
"On n'a pas reparlé de la proposition d'une capitation pleine et entière pour les médecins qui le souhaiteraient", a précisé Thomas Fatôme. "Cette proposition, elle fait partie du paquet d'ensemble. Pour l'Assurance maladie, il n'y a pas de signature s'il n'y a pas cette proposition. Mais en tout cas, on n'a pas eu de demande d'y revenir ou de la supprimer."
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