Panique à bord. Les sondes d'échographie endocavitaire seraient mal désinfectées, au point de transmettre le papillomavirus à certaines patientes, alerte un récent rapport. Vraiment ? En 2013, le Dr Dominique Dupagne dégonflait, en un billet de blog et quelques recherches, une polémique identique à celle qui inquiète cette semaine des milliers de femmes. Il nous a paru pertinent de le republier.
Ce billet a initialement été publié le 8 juillet 2013 sur le blog du Dr Dominique Dupagne Atoute.org
"Depuis le début du mois de juin 2013, une peur injustifiée est relayée par de nombreux médias : les sondes d’échographie utilisées pour les examens internes (vagin, rectum) seraient la source de dizaines de milliers de contaminations faute d’une asepsie suffisante. Cette information est heureusement complètement fausse. Ce qui est intéressant, c’est de comprendre comment elle a pu émerger, et qui a intérêt à sa diffusion. Le journal Le Monde est le premier à relayer la conférence de presse où l’info sera relancée1 par la députée écologique Michèle Rivasi, pourtant scientifique de formation et habituellement mieux inspirée.
L’information a été reprise partout pendant un mois, y compris dans des émissions de télévision très écoutées, semant l’anxiété et le doute chez des millions de patientes et de patients.
A en croire la représentante des patients interviewée par France 2, ces derniers devraient donc interpeller les échographistes et gynécologues pour savoir s’ils pratiquent un trempage de leur sonde d’échographie dans une solution de désinfection ou utilisent une machine spéciale permettant de stériliser les sondes aux ultraviolets (le problème ne se pose que pour les échographies endocavitaires, c’est à dire pratiquées dans des organes creux comme le vagin, le rectum ou l’oesophage). Il faut dire que l’information paraît fiable au premier abord : elle est soutenue par des médecins titrés et s’appuie sur des travaux publiés dans des revues scientifiques. D’autres pays ont déjà pris des mesures contre ce qui est présenté comme un risque certain.
Et pourtant, cette histoire de contamination est absurde, voici pourquoi
La désinfection minimale et courante appliquée à l’échographie endocavitaire est la suivante : application d’une solution antiseptique sur la sonde, suivie de la mise en place d’une gaine élastique ressemblant à un préservatif. Il s’agit d’échographies non invasives, c’est à dire sans prélèvement à l’aiguille ni biopsies, soit l’immense majorité des échographies diagnostiques. Si la gaine se rompt pendant l’examen, ou si l’essuyage de la sonde après l’ablation de la gaine à usage unique montre des salissures, la sonde doit subir une désinfection par trempage avant l’examen suivant, qui sera réalisé dans tous les cas avec une nouvelle gaine à usage unique.
Que veut-on nous faire croire ? Que l’enchaînement d’accidents suivant est plausible :
1) Une sonde recouverte de sa gaine est introduite dans le vagin d’une femme contaminée par le virus du sida ou de l’herpès. 2) Cette gaine, dont la paroi est semblable à celle des gants des chirurgiens et plus épaisse que celle des préservatifs à usage sexuel, serait suffisamment poreuse pour laisser passer ces virus qui vont donc contaminer la sonde d’échographie. 3) Une fois la gaine ôtée après l’examen, la solution antiseptique appliquée ne parviendrait pas à éliminer ces virus, bien que la surface de la sonde soit lisse et étanche, contrairement à la peau humaine. 4) Une fois la nouvelle gaine appliquée sur la sonde, les virus résiduels iraient de nouveau la traverser dans l’autre sens, pour finir par contaminer la patiente suivante. Comme vous le concevez, c’est abracadabrant. Cette suite de catastrophes fait irrésistiblement penser au sketch de la chauve-souris enragée de Jean-Marie Bigard... Mais supposons que cet enchaînement tragique soit plausible. Il aurait comme corollaire immédiat que les préservatifs ne protègent pas lors des rapports sexuels, et surtout que ce risque est également présent pour la pratique de l’examen gynécologique manuel, de la chirurgie et des soins dentaires. Or, il est impossible de stériliser aux ultra-violets les pénis humains et les mains des chirurgiens, ni de les faire tremper durablement dans des solutions agressives. Il faudrait donc cesser toute sexualité hors mariage et ne plus se faire ni examiner, ni opérer ni se faire soigner les dents. Vous commencez à comprendre l’absurdité de cette alerte ? Ce risque de contamination est de l’ordre de celui d’être frappé par une météorite en faisant son marché. En fait, les articles inquiétants cités en appui font des projections, des supputations, des déductions à partir de quelques germes retrouvés. Mais les cas réels de contamination sont absents, comme le note le Haut Comité pour la Santé Publique en 2007.
Il y a donc un monde entre les supputations et projections mathématiques, et la réalité qui est simple : le nettoyage de la sonde et le changement de gaine suffisent à empêcher la transmission des infections, bien mieux que le préservatif à usage sexuel. Je ne m’étendrai pas sur la naïveté des politiques, journalistes et représentants de patients qui ont gobé cette fable. Ce qui est plus intéressant, c’est de déterminer qui est à l’origine de cette campagne de communication. Je vous suggère d’essayer de deviner avant de lire la suite. Il existe à la source de cette affaire deux acteurs principaux : Les comités et structures dédiés à la lutte contre les infections hospitalières et les maladies nosocomiales. Ces gens n’existent et ne survivent que par la peur qu’ils entretiennent, et qui dépasse souvent leur mission initiale. C’est un conflit d’intérêt majeur.
Les fabricants de machines de stérilisation pour sonde. Mais ça, vous l’aviez deviné. En effet, le rapport alarmant qui sert de support à cette campagne a été financée par la société Germitec®, qui fabrique les machines promues par cette campagne, dont une est visible dans le service du Pr Frija (émission de France 2 plus haut). J’aimerais d’ailleurs être certain que les "hygiénistes" hospitaliers qui ont appuyé cette campagne ne sont pas sponsorisés d’une façon ou d’une autre par les fabricants de matériels de stérilisation. Il s’agit donc d’une campagne de désinformation non dénuée d’arrières-pensées commerciales, reposant sur des extrapolations hasardeuses, qui ont inquiété des dizaines de millions de patient(e)s et perturbé le travail de milliers d’échographistes et de gynécologues consciencieux. Il faut que ce genre de manipulation stupide et malhonnête cesse, c’est un problème de santé publique : ruiner la confiance du public dans des examens importants et utiles n’est pas un acte anodin. Il ne s’agit pas de faire des remontrances, mais de poursuivre au civil et au pénal les initiateurs de cette désinformation. C’est en tout cas la suggestion que je fais aux associations représentatives des échographistes et gynécologues. Cela permettrait peut-être de mettre à jour les liens d’intérêts plus ou moins cachés qui sous-tendent cette affaire. Ces empilements de "principes de précautions" font mourir notre système de santé et finissent par paralyser la médecine sans apporter la moindre sécurité supplémentaire2. Il faudrait aussi que des acteurs publics respectables comme le Le Lien de Michel Ceretti ou le groupe de Michèle Rivasi soient plus vigilants quand ils s’investissent dans ce type de combat. En 2009, l’Académie de Médecine a mis en garde les associations en réponse à des interrogations du Médiateur de la République : "3. Cette inquiétude a-t-elle été utilisée à des fins mercantiles ? Les actions médiatiques de l’association de patients à l’origine de la lettre du Médiateur se sont fondées sur l’exploitation de l’erreur sémantique expliquée ci-dessus. Elles eussent été mieux venues, si l’une d’entre elles au moins, la conférence de presse du 17 janvier 2009, ne s’était pas accompagnée très étroitement de la promotion d’un appareillage .
Cette manipulation de l’opinion à des fins mercantiles, grâce à l’exploitation d’une méconnaissance des termes scientifiques, est d’autant plus regrettable que l’efficacité de l’appareillage en question n’est pas démontrée, pour ce qui est de la désinfection des DM." La réalité est donc que nettoyage de la sonde et le changement de préservatif à chaque examen constituent des précautions nécessaires et suffisantes pour protéger les patient(e)s lors d’échographies vaginales ou rectales non invasives. Et heureusement, car sinon, c’est toute l’asepsie médicale, chirurgicale et dentaire qui serait remise en cause. Et si l’on soupçonne certains praticiens de ne pas appliquer scrupuleusement la procédure gaine à usage unique + désinfection manuelle, il est inutile d’en imposer une plus complexe. Il est préférable de se donner les moyens de veiller à ce que la procédure actuelle, simple et efficace, soit réellement mise en oeuvre. Je ne pratique pas d’échographies et je n’ai aucun lien d’intérêt dans ce domaine. 1 En fait, c’est un remake d’une affaire identique en 2009, qui avait été désamorcée par le Haut Comité de la Santé Publique et par l’Académie de Médecine. 2 J’ai été confronté à un problème du même type dans mon exercice de médecin généraliste. Je réalisais des points de suture avec du matériel chirurgical robuste en acier inoxydable, que je stérilisais à 120°C à sec. Après l’affaire de la vache folle, nous avons eu l’obligation de stériliser notre matériel dans des autoclaves professionnels, comme les hôpitaux. La dépense étant inenvisageable pour mon activité, je suis passé aux instruments jetables, de mauvaise qualité, et la qualité de mes sutures s’en ressent. Tout cela reposait sur la peur d’un contact potentiel entre mes instruments et le cerveau de mes patients ou leur moelle épinière. Or les généralistes pratiquent rarement la neurochirurgie à leur cabinet... Ce principe de précaution absurde et injustifié a dégradé les soins pratiqués par les généralistes à leur cabinet et poussé nombre d’entre-eux à cesser les actes de petite chirurgie, au détriment des patients."
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