"C'est avec stupeur et consternation que j'apprends que les médecins remplaçants n'ont plus accès aux financements de leur formation via l'ANDPC et qu'ils n'auraient jamais dû y avoir accès selon [le président du Haut Conseil du DPC] le Dr Ortolan dans son entretien du 3 novembre 2021 au magazine Egora. Je suis absolument scandalisée de cette décision et du non-sens des arguments invoqués. Premièrement, selon le Dr Ortolan 'la formation du DPC est réservée aux professionnels de santé conventionnés. Or, pour être conventionné, il faut être installé. Quand un médecin remplaçant remplace, il épouse effectivement le statut du remplacé. Mais c’est temporaire. Il n’est pas conventionné pour autant.' Il est affligeant de constater une fois de plus que les autorités administratives choisissent d’appliquer les termes du contrat qui les arrangent. Les médecins remplaçants appliquent les tarifs conventionnés, se soumettent à ces contraintes et règlent une rétrocession au médecin remplacé. En contrepartie, ils bénéficient justement des allègements des cotisations sociales mais n'auraient pas accès à la DPC. Ce raisonnement est ubuesque. Deuxièmement, toujours selon le Dr Ortolan, 'certes, les médecins remplaçants ont besoin d’entretenir les connaissances et leurs compétences mais, théoriquement, ce sont des professionnels de santé assez jeunes, qui sortent de la faculté, et qui sont donc “au top de la science”. Ils remplacent pour compléter leur formation.' Il est illusoire de penser que les études de médecine dispensées par les facultés, si bonnes soient elles, sont complètes. L’ANDPC, par la voix du Dr Ortolan, reproche ainsi à des médecins, dès le début de leur carrière, de vouloir poursuivre et compléter leur formation, d’approfondir certains sujets et d’entretenir leurs connaissances, et les sanctionne pour cela. De plus, tout médecin a l’obligation de se former de façon continue tout au long de sa carrière. Cet impératif de formation est explicité dans l’article 11 du code de déontologie médicale : 'Le code de déontologie médicale exige du médecin qu'il donne des soins "conformes aux données acquises de la science" : le médecin a le devoir de s’informer des progrès de la médecine nécessaires à son activité' et repris dans l’article R.4127-11 du code de la santé publique 'tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu.' Il n’est jamais fait mention du statut de médecin remplaçant comme exception qui permettrait de se soustraire à cette obligation.
"Il s’agit une fois de plus de contraindre de façon déguisée les médecins à une installation" Troisièmement, le Dr Ortolan affirme que les médecins remplaçants 'ne sont pas destinés à devenir des remplaçants professionnels' et que 'le statut de remplaçant est un statut provisoire, fait pour encourager les médecins à s’installer, pas pour les encourager à faire des remplacements toute leur vie sans jamais avoir de frais ni d’obligations professionnelles'. Comme beaucoup de confrères et d’institutions publiques, le Dr Ortolan conteste, par ses propos, l’indépendance professionnelle des médecins remplaçants et s’arroge le droit...
de définir pour eux leur mode d’exercice et leur choix de carrière. Il s’agit une fois de plus de contraindre de façon déguisée les médecins à une installation. Je ne parlerais pas de la représentation erronée du Dr Ortolan de l’activité des médecins remplaçants qui affirme que ceux-ci n’auraient aucun frais ni aucunes obligations professionnelles. Ces propos sont aberrants, les médecins remplaçants exercent le même métier que les médecins installés et sont soumis aux mêmes obligations réglementaires, déontologiques et éthiques. Leurs frais professionnels sont différents, souvent moindre que les médecins installés mais sûrement pas inexistants comme l’affirme le Dr Ortolan. Par ailleurs, il est important de rappeler que les médecins remplaçants reversent aux médecins remplacés une rétrocession, en partie pour couvrir les frais professionnels des cabinets médicaux, desquels ils sont donc solidaires. Quatrièmement, 'quand ils remplacent, ils travaillent, et quand ils ne travaillent pas, ils peuvent se former mais cela n’implique pas des pertes...' Le Dr Ortolan nie les contraintes d’une activité libérale. Pour rappel, quand un libéral (qu’il soit médecin, infirmier ou avocat) ne travaille pas, il n’a pas de recettes. Tout temps non travaillé implique donc mécaniquement une perte de revenus. Il ne s’agit en aucun cas d’un 'temps de repos' qu’invoquerait le Dr Ortolan ou d’équivalent de congés payés. Les médecins remplaçants doivent se ménager des temps sans travail et donc sans revenus pour permettre ces formations, comme tous libéraux. Il est intéressant de faire un parallèle avec le salariat : l’affirmation du Dr Ortolan équivaudrait à ce que chaque salarié se forme exclusivement durant ses congés payés, ce qui n’est évidemment pas le cas. Sachant que, malgré tout, un salarié continue à percevoir un revenu durant ses congés payés, ce qui n’est pas le cas d’un libéral. Cinquièmement, le Dr Ortolan évoque le manque de budget de l’ANDPC 'pour valoriser l’ANDPC, nous ne pouvons que constater que l’enveloppe de [près de] 200 millions d’euros accordée chaque année est consommée très vite. […] Bien sûr, on dira que ce n’est pas suffisant… Ce n’est jamais suffisant. La preuve, c’est que l’enveloppe est consommée trop vite. Et c’est bien pour cela qu’il faut s’assurer que cet argent soit bien utilisé'. D’une part le manque de budget n’est pas le fait des médecins remplaçants qui n’ont pas à en supporter les conséquences, d’autre part la formation des médecins remplaçants ne sauraient être assimilée à une 'mauvaise utilisation' des crédits de l’ANDPC. En définitive, je vous sollicite afin que les droits ANDPC soient ouverts aux médecins remplaçants, comme ils auraient toujours dû l’être. Ils y cotisent en se soumettant à une activité conventionnée et donc y ont le droit. Comme précité, les arguments invoqués par le [président du Haut Conseil du DPC] le Dr Ortolan sont injustifiés et infondés."
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