12% des Français vivent dans une commune sous-dense en médecins généralistes. Un phénomène qui touche aussi bien les territoires ruraux que les territoires urbains. En partenariat avec Egora, Le Guide Santé publie ce jeudi 5 novembre une carte inédite et interactive des difficultés d’accès aux soins de premier recours en France. Alors que les initiatives se multiplient partout pour lutter contre les déserts médicaux, cette enquête en propose un prisme nouveau. Sur la base des indicateurs de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), trois marqueurs ont été retenus pour caractériser un désert médical : le nombre de consultations en médecine générale par an pour un patient, la proximité de la première pharmacie en voiture et la proximité avec un service d’urgence.
Ainsi, pour qu’un espace soit considéré comme un véritable désert médical dans ce dossier, le nombre de consultations d’un MG doit être inférieure à 2,5 par an et par habitant*, la pharmacie la plus proche doit être située à plus de 10 minutes de route et le premier effecteur de médecine d’urgence, à plus de 30 minutes de transport. “La seule difficulté d’accès aux médecins généralistes ne permet pas de qualifier une zone de ‘désert médical’. C’est le cumul de mauvaises accessibilités à différents services”, considère Le Guide Santé.
Plus de 35.000 communes ont été analysées en détail à travers ce prisme. Résultat : 18% des Français sont confrontés à au moins une difficulté et 0,55% des personnes sont concernées par les trois problèmes d’accès combinés. Ces personnes se situent, selon les données de cette étude, dans des communes de petites tailles, dans des territoires à dominante rurale et montagneux. D’après les chiffres du Guide Santé, à l’échelle nationale, les personnes ayant une faible accessibilité aux médecins généralistes ont dans 8% des cas un accès “non critique” aux urgences autant qu’aux pharmacies. “Enfin, dans les territoires avec une accessibilité aux médecins généralistes et un accès non critique aux urgences, la difficulté de ne pas disposer d’une pharmacie à proximité ne concerne que 1,39% de la population”, analyse le Guide santé.
Si l’on se penche sur le département de la Mayenne dans la cartographie, le territoire apparaît complètement partagé. Près de la moitié des communes sont considérées comme “sans difficultés”, tandis que six autres sont effectivement référencées comme désert médical. En zoomant sur...
le village de Cossé-en-Champagne, il est précisé, par exemple, qu’aucun généraliste n’est installé sur la commune et que le nombre de consultations par an par habitant est de 1,9. La première pharmacie se trouve à 11 minutes de voiture et le premier service d’urgence, à 36 minutes. Plus au nord, la commune de Saint-Aubin-du-Désert voit ses indicateurs dans le rouge : une consultation moyenne d’1,5 par an par habitant, 40 minutes de trajet pour un service d’urgence et 12 minutes de voiture pour une pharmacie. Le reste du département, lui, compte une difficulté d’accès en moyenne parmi les trois critères retenus.
Dans l’Yonne, qui a pris la décision l’an dernier de salarier des MG dans un centre de Santé, le département comptabilise entre une et deux difficultés d’accès en moyenne. Si les communes situées autour des villes majeures du département (Sens, Auxerre, Avallon) ne présentent pas de frein d’accès majeur aux soins, celles étant à la frontière du département sont éloignées parfois jusqu’à une cinquantaine de minutes d’un service d’urgence. Très peu de cabinets de généralistes y sont ouverts. Enfin, dans le département du Loiret, l'un des premiers déserts médicaux français, la cartographie du Guide Santé indique que la majorité du territoire n’est concernée que par une difficulté d’accès, concernant principalement l’éloignement d’un service d’urgence ou d’habiter à plus de 10 minutes en voiture d’une pharmacie.
La télémédecine, une solution pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins ?
Afin de lutter contre les problèmes d’accès aux soins, de nombreuses solutions ont été déployées au fil des ans. A commencer par l’exercice regroupé-coordonné dans des ESP, CTPS, des centres de santé ou des MSP, mais également le déploiement d’infirmières en pratique avancée (IPA) sur tout le territoire. Dans le département du Loiret, c’est sur la télémédecine que le député Les Républicains Jean-Pierre Door a voulu miser pour réduire la désertification. Depuis trois ans, cet élu met en place des cabinets...
de téléconsultation dans lequels il est possible de consulter un généraliste à distance en vidéo, en étant reçu et accompagné physiquement par une infirmière formée à cette pratique. Huit cabinets ont déjà été créés, les cinq premiers ayant été subventionnés par la Région à hauteur de 25.000 euros. “Ce sont des vrais cabinets avec un lit d’examen, du matériel informatique de télémédecine. On a des outils connectés comme des otoscopes, un petit doppler. On a aussi de quoi gérer la dermato. S’il y a une lésion cutanée, il y a une caméra qui montre ce que c'est au médecin à distance. L'infirmière peut prendre la carte vitale”, explique Jean-Pierre Door. Ainsi, l’infirmière, en relation avec le praticien, prend la tension, la prise d’oxygène, la glycémie et les constantes habituelles des patients. A la fin de la consultation, le médecin lui télétransmet ses ordonnances, qu’elle distribue ensuite.
Le député en est convaincu, c’est la solution pour résoudre les problèmes d’accès aux soins. En témoignent les données locales : avant l’instauration des premières cabines, le nombre d’entrées aux urgences est passé de 15.000 à 70.000 par an. Rien que pendant les mois de février à juin 2020, plus de 3.000 téléconsultations ont été effectuées dans ces cabinets, boostés par la crise Covid. Et désormais, le délai d’attente pour un rendez-vous est de deux demi-journées en moyenne. “On peut répondre à pas loin de 60% de symptomatologies. De cette manière, nous pouvons réduire l’engorgement des urgences locales”, estime Jean-Pierre Door. Les motifs de consultation dans ces cabinets concernent principalement les renouvellements d’ordonnances, les ALD, les patients qui n’ont plus de généralistes, des maux de gorge ou des “petites urgences” telles qu’un mal de dos ou mal aux oreilles.
Tout est pris en charge par l’Assurance maladie. Les médecins, qui pratiquent depuis diverses régions de France, exercent dans le cadre classique de la téléconsultation pour 25 euros. Les infirmières, elles, ont la possibilité d’avoir un acte de télémédecine rémunéré par la Sécu à hauteur “d’environ 12 à 13 euros par acte”. Jean-Pierre Door ne le cache pas, en 2017 lorsque tout a commencé, “il a fallu galérer” pour trouver patients et praticiens. Mais très vite, les habitants sont venus, de même que les médecins. La startup Healphi, partenaire technologique des cabinets, se charge de prendre les rendez-vous et d’établir le tableau de gardes. Le succès est tel qu’un “neuvième cabinet de consultation est en cours de lancement”, se satisfait le député.
Cependant, la téléconsultation est limitée dans les zones de déserts numérique. Aussi, d’autres initiatives ont émergé pour pallier les difficultés d’accès aux soins. Dans l’Orne (Normandie), un “Médicobus” va au-devant des patients isolés. Ici, un habitant sur neuf n’a plus de médecin traitant. Dirigé par quatre médecins à la retraite avec sept médecins libéraux et deux assistantes médicales, ce bus permet donc de soulager les dizaines de milliers d’habitants de ce territoire. Pour pouvoir consulter, le patient devra contacter un professionnel de santé comme le pharmacien de son village, qui transmettra ses données vers une plateforme. Une fois les informations entrées, le patient sera dirigé vers le Médicobus s’il se situe à proximité, un cabinet médical partenaire ou encore une téléconsultation.
Dans le Rhône, c’est sur un “médecin dans un camion” qu’a misé le député LREM Jean-Louis Touraine. Lié au centre de santé de Givors, ce cabinet ambulant, considéré comme une “extension” de l’établissement, se déplace...
dans les communes environnantes. Des consultations sur rendez-vous y sont assurées par des généralistes salariés, avec les mêmes conditions de remboursement que dans un cabinet classique.
La liberté d’installation en question
Quid de la liberté d’installation des médecins ? “Il est aujourd’hui dérisoire de fonder une stratégie d’amélioration de l’accès aux soins et à la santé en zone mal desservie uniquement en s’intéressant à l’offre et en essayant de motiver ou forcer les médecins à s’installer dans les zones désertées. Avec l’accélération du développement de la télémédecine dans ce contexte de crise sanitaire, le critère géographique devrait de plus en plus s’estomper au profit de l’accessibilité selon un critère de temps et de réactivité par rapport au besoin exprimé, à condition que le système de santé apporte une réponse de qualité et puisse organiser une intervention médicale ‘physique’ rapidement si nécessaire”, estime le Pr Guy Vallancien, membre de l’Académie nationale de médecine et président de Convention on Health Analysis and Management, auprès du Guide Santé.
Estimant le développement de la télémédecine “très important”, le chirurgien urologue plaide pour que le système de santé se “réorganise” pour “être réactif et permettre un accès à une expertise médicale ou paramédicale le plus rapidement possible”. “Aujourd’hui en France, nous sommes encore dans une logique d’établissement de santé qui traite les besoins urgents et les maladies chroniques à des moments ponctuels tout en laissant, dans la majorité des cas, l’organisation du parcours à la charge du patient ou de sa famille, et créant de ce fait des inégalités, poursuit le Pr Vallancien. L’établissement de santé, hospitalier ou digital, devrait lui-même organiser ce suivi et l’optimiser via des outils numériques et la télémédecine, en suivant sa cohorte de patients avec l’aide de tableaux de bord pour déterminer combien de patients ont été ou non ‘perdus’, leur envoyer des alertes si besoin, identifier lesquels ont fait leurs tests, leurs examens…. Le modèle de financement des hôpitaux n’est pas adapté à une telle prise en charge. Heureusement, certaines expérimentations sont en cours mais elles nécessiteraient d’être déployées plus rapidement sur tout l’Hexagone, à condition de lever les freins et d’introduire plus de libertés dans la réorganisation du système”, conclut-il.
*La Drees a introduit en 2017 cet indicateur appelé “Indicateur d’accessibilité aux soins (APL) qui tient compte de l’accessibilité et de la disponibilité des médecins de soins primaires.
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