En novembre 2019, l’Express révélait une enquête accablante sur le centre de don des corps (CDC) de la faculté Paris-Descartes. “Nus. Démembrés. Les yeux ouverts. Amoncelés sur un brancard. Des cadavres par dizaines, au milieu d'un fatras indescriptible. Ici, un bras pend, décomposé. Là, un autre est abîmé, noirci, troué après avoir été grignoté par les souris”, citait par exemple le magazine pour qui le centre avait des allures de “charnier”. Suite à ces révélations, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête pour “atteinte à l’intégrité d’un cadavre” et 67 familles ont décidé de porter plainte. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avait également ordonné sa fermeture administrative, tout en mandatant l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'éducation du sport et de la recherche (Igésr) de faire la lumière sur les conditions indécentes de conservation des dépouilles.
Leur rapport, rendu samedi 13 juin, conclut donc que "de graves manquements éthiques ont perduré pendant plusieurs années dans une de nos plus prestigieuses facultés". Pour la mission, "la responsabilité de l'université est établie car ces faits graves ont bien eu lieu, les alertes ont été adressées aux différentes autorités de l'université et il ne leur a pas été durablement apporté de correction avant 2018". Parmi les causes, le rapport pointe une dilution des responsabilités, des rivalités de pouvoir, l'absence d'instance de régulations ainsi qu'une "course au développement de l'activité avec des partenaires de formation privés et industriels prestigieux" destinée à pallier des problèmes de financement. "Au plan individuel, la mission (...) n'a identifié ni intention, ni volonté de nuire ou de...
porter atteinte aux cadavres, en dehors du cas particulier de certains préparateurs" qui "aurait dû être traité au niveau disciplinaire à plusieurs reprises". Les inspecteurs pointent là encore un "défaut d'action, imputable à la direction de l'université et du CDC". "Les articles de L'Express (...) ont permis de mettre en lumière le faible encadrement de cette activité" qui "s'exerce aujourd'hui dans un environnement juridique minimal" très ancien, reconnaissent-ils. Le rapport réclame donc la création d'un "cadre éthique national" pour le don des corps, jusqu'ici "absent de toutes les lois de bioéthique", et son inscription dans le code de santé publique. Dans un communiqué, la ministre Frédérique Vidal a annoncé qu'elle ferait des propositions en ce sens.
Les inspecteurs jugent "souhaitable" la réouverture du centre, mais pas avant six mois, le temps des travaux nécessaires pour la "sécurisation des conditions de conservation des corps dans les chambres froides", avant une rénovation complète. L'Express avait aussi pointé le rôle joué par le Pr Guy Vallancien, ancien chargé de mission auprès de plusieurs ministres de la Santé, et par sa société anonyme - l'Ecole européenne de chirurgie -, créée en 2001 au sein de l'Université. Celle-ci revendait des corps notamment aux industriels pour leurs propres tests, comme des crash-tests automobiles, selon l'hebdomadaire. "Le fait que des usagers, en aval, aient pu déployer une activité lucrative au sein du CDC (...) peut être considéré comme illégal et engageant la responsabilité de l'université", faute d'avoir mis en oeuvre des contrôles, conclut le rapport. L'inspection n'a en revanche pas trouvé de preuves de ventes monnayées sous le manteau, sans néanmoins écarter cette possibilité : "plusieurs personnes y ont fait allusion, comme des faits toutefois anciens".
[avec AFP et Le Point]
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