psychiatrie

Urgences psychiatriques : dans ce département, les généralistes ne sont plus démunis

En Gironde, le programme Pégase cherche depuis 2020 à améliorer la gestion des urgences psychiatriques. Une approche qui coordonne l’action des professionnels de la ville et de l’hôpital, et qui a pour ambition de faire tache d’huile dans d’autres territoires.

11/10/2024 Par Adrien Renaud
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Au départ, il y a un constat : la prise en charge préhospitalière des urgences psychiatriques fait intervenir une multitude d’acteurs (hôpital psychiatrique, Samu, pompiers, et parfois même policiers…) qui se connaissent mal, et qui parfois connaissent mal les problématiques de la santé mentale. De ce constat est né le programme Pégase, pour "Programme d’échanges pour améliorer la gestion de l’accès aux soins en interprofessionnalité", porté par le CH Charles Perrens, établissement psychiatrique à Bordeaux (Gironde). Au travers de quatre volets s’attaquant à l’information, la régulation médicale, la formation, et la téléexpertise, les soignants girondins entendent bien faire école.

"Je me souviens très bien du moment où j’ai compris la nécessité de construire une boîte à outils pour la prise en charge des personnes en souffrance sur le plan psychiatrique, raconte le Dr Kevin Rossini, psychiatre à Charles Perrens et coordonnateur médical du programme. Nous étions chez une patiente avec une équipe mobile, cette personne était connue de la psychiatrie, avait besoin d’être hospitalisée mais refusait de nous suivre. Nous avons passé cinq heures à son domicile, car le Samu, les pompiers... ne connaissaient pas bien la procédure. Nous avons dû appeler la police et en cinq minutes elle était dans le camion des pompiers, mais c’était brutal."

Kevin Rossini et ses collègues ont donc commencé à réfléchir aux moyens de "construire une culture commune, des procédures partagées permettant de se coordonner entre personnes qui, malheureusement, n’ont l’habitude de se voir que quand la situation est tendue", explique le psychiatre. C’est ainsi que sont nées "les briques de ce qui allait devenir Pégase", poursuit-il. "Cela s’est joué dans le cadre du PTSM [Plan territorial de santé mentale, NDLR], qui en Gironde avait fait du transport sanitaire l’une de ses priorités, ce qui nous a permis de soumettre notre projet dans le cadre du Fiop [Fonds d’innovations organisationnelles en psychiatrie, NDLR] en 2019, et d’être retenus en 2020", détaille-t-il.

De l’information à la régulation

Le premier volet s’intitule "Questions psy" : c’est une plateforme téléphonique qui permet de répondre aux appels venus de l’entourage des patients ou des professionnels amenés à les rencontrer (soignants, travailleurs sociaux, élus…). "Nous pensions que nous allions juste faire de l’information, du conseil, de l’orientation, et c’est ce que nous faisons, mais nous nous retrouvons également à faire de la coordination de parcours, à passer plusieurs coups de fil au généraliste ou à l’hôpital, etc.", remarque Kevin Rossini. En parallèle, "Pégase Pro" propose également des formations : une vingtaine de sessions ont ainsi été proposées pour 2024 et environ 700 professionnels se sont inscrits : policiers municipaux, travailleurs sociaux ou professionnels des Dispositifs d’appui à la coordination (DAC), souligne le praticien bordelais.

Mais Pégase ne se contente pas de s’adresser aux acteurs agissant hors du secteur de la santé. Le programme comporte deux volets plus directement sanitaires : "Réponse psy" et "Régul’ psy". "Réponse Psy n’a été mis en place qu’il y a quelques mois, c’est un partenariat entre le CH Charles Perrens et la clinique des Pins, un hôpital psychiatrique privé de Gironde, cela permet à des psychiatres libéraux ou hospitaliers de donner un avis rapidement à des généralistes, avec un courrier détaillé et des orientations de traitement, pour les outiller dans leurs prises en charge, détaille le psychiatre. Quant à Régul’ psy, il s’agit d’une infirmière de psychiatrie qui est présente dans la salle de régulation du Samu, et que le régulateur peut solliciter afin de prendre le temps de dégager les informations, de comprendre la demande, de rechercher des éléments auprès de la famille et de proposer des orientations de prise en charge."

Éviter des passages aux urgences

Ce volet concernant la régulation est, d’après le Dr Nicolas Ribaut, président de l’Association des services de soins et urgences médicales de Gironde (Assum 33, qui gère la régulation libérale du département) particulièrement utile pour les patients comme pour le centre 15. "Il y a d’abord une évaluation médicale, qui nous permet en tant que médecin de repérer les signes de gravité, et notamment les risques de passage à l’acte suicidaire, puis nous pouvons nous appuyer sur cette infirmière qui nous apporte son expertise de la santé mentale, qui peut accéder aux antécédents, aux parcours de prise en charge, détaille ce généraliste. Elle peut ensuite nous proposer une orientation vers un psychiatre de ville, une modification du traitement, etc."

Voilà qui permet non seulement d’apporter une réponse médicale au patient, mais aussi d’éviter des passages aux urgences, poursuit le Girondin. "Auparavant, la réponse en cas de problème psychiatrique était souvent d’envoyer aux urgences psy pour évaluation, ce qui était loin d’être idéal", se souvient-il. Ce volet du programme Pégase a d’ailleurs été étendu : alors qu’il fonctionnait au départ du lundi au vendredi de 10h à 17h30, il est désormais disponible le week-end, et jusqu’à 19h, souligne Nicolas Ribaut.

Le succès du programme a été reconnu par son principal financeur, le Fiop, qui en a fait l’une de ses "Pépites". Cela signifie que son financement, initialement prévu pour trois ans, a été prolongé, et que ses porteurs sont appelés à communiquer dans différentes instances pour présenter leur projet et inspirer d’autres soignants. Mais là n’est peut-être pas le plus important. "Ce qui compte, c’est l’acculturation, c’est que nos partenaires comprennent ce qu’on peut faire et ne pas faire en psychiatrie, résume Kévin Rossini. Et pour cela, il faut qu’on parvienne à se parler à froid, car les discussions à chaud, dans le cadre d’une prise en charge d’urgence, ne sont pas toujours les plus constructives."

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