
Origines du Covid : un rapport de l'Académie de médecine suscite la polémique
Un rapport sur les origines du Covid publié mercredi 2 avril par l'Académie de médecine suscite la polémique. Deux pistes sont évoquées dans le document : celle de l'origine naturelle opposée à celle d'un accident de laboratoire à Wuhan, en Chine. Le rapport semble pencher en faveur de la seconde hypothèse pour laquelle "il y a plus d'arguments" selon les académiciens. Une position jugée "indigne" par des scientifiques.

"On risque de ne jamais connaître l'origine de la pandémie [du Covid]", admet l'Académie dans un rapport publié ce mercredi. Cinq ans plus tard, l’hypothèse de l'origine naturelle est opposée à celle d'un virus manipulé dans un laboratoire à Wuhan, en Chine, point de départ de la pandémie.
"Connaître l’histoire de la pandémie permet une analyse des risques. Les risques zoonotiques restent majeurs et persistent voire augmentent ; il est donc nécessaire d’établir des recommandations en matière de surveillance épidémiologique", estime le rapport, ajoutant que "les risques liés aux manipulations génétiques de virus sont également croissants". L'Académie plaide donc pour une sensibilisation des chercheurs "face aux risques d’accidents/incidents de laboratoire".
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Si l'Académie de médecine n'apporte pas de nouveaux éléments sur les potentielles origines du Covid, elle synthétise celles déjà connues et semble pencher en faveur de la manipulation du virus en laboratoire. Cette hypothèse est, selon l'institution, "soutenue par un faisceau de faits et d'arguments". L'Académie n'emploie pas ces termes pour l'hypothèse naturelle, se contentant de souligner qu'il n'y pas d'élément permettant de conclure définitivement en sa faveur, pointe l'AFP.
Ce déséquilibre apparaît aussi dans les recommandations formulées par l'Académie. Si certaines visent à mieux surveiller l'émergence de pathogènes dangereux chez les animaux, l'institution insiste bien plus longuement sur la nécessité de mieux encadrer les recherches en laboratoire. Implicite dans le rapport, la préférence pour la thèse du laboratoire a été plus ouvertement assumée par les auteurs du rapport lors d'une conférence de presse mercredi.
"Effectivement, il y a plus d'arguments" pour cette thèse, a déclaré la virologue Christine Rouzioux, professeure émérite en virologie à l'hôpital Necker, tout en assurant qu'il ne fallait pas y voir une "prise de position" en faveur de l'hypothèse du laboratoire.
Le rapport a néanmoins suscité un vif rejet chez des scientifiques favorables à l'hypothèse de l'origine naturelle, telle la chercheuse du CNRS Florence Débarre, qui a supervisé l'étude évoquant les chiens viverrins [des petits carnivores connus aussi sous le nom japonais de tanuki qui ont pu servir d'intermédiaire entre la chauve-souris et l'humain]. "Ce rapport est indigent scientifiquement", a-t-elle jugé dans une réaction à l'AFP et d'autres médias, l'estimant proche du "propos de comptoir complotiste" et "indigne de l'institution qui le publie". Elle dit avoir décelé des erreurs factuelles et juge que certaines affirmations viennent d'articles de presse mal étayés, notamment sur l'existence de failles de sécurité dans le laboratoire de Wuhan.
Rejetant ces accusations, les auteurs du rapport ont préféré insister sur les recommandations développées dans le document. "Les deux hypothèses nous permettent d'émettre un double jeu de recommandations", a pointé Christine Rouzioux.
La coordination de la surveillance des émergences est donc une priorité pour l'Académie de médecine, qui souhaite renforcer les différents réseaux de surveillance existants en leur donnant des moyens financiers et humains.
L'Académie recommande également "de définir un cadre et des limites, du fait de manipulations à risque" en laboratoires et de "responsabiliser les équipes de recherche sur les risques inhérents à leurs travaux". Elle préconise la mise en place d’un comité éthique et scientifique dédié, au sein de chaque institution. Dans chaque laboratoire, un guide des bonnes pratiques doit inclure les procédures adaptées afin de renforcer les règles de biosécurité et de bioprotection. Elle appelle à "créer des conditions incitant, voire obligeant, à déclarer des incidents/accidents de laboratoires à risque pour la santé humaine".
[Avec AFP]
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