
"Nous sommes un entonnoir qui facilite la vie du médecin" : les assistants médicaux en quête de reconnaissance
Emmanuel Macron voulait atteindre les 10 000 assistants médicaux fin 2024, ils sont finalement plus de 7 000* à avoir signé un contrat avec l'Assurance maladie. Encore trop peu connu des médecins eux-mêmes, mais aussi de la patientèle, ce nouveau métier semble avoir tout pour plaire. Mais il reste "sous-exploité".

"J'exerce dans un département à très faible densité de médecin généralistes. C'est un sac à dos qui est très lourd à porter. Mais nous sommes désormais deux à se le partager avec mon assistante médicale, donc il est moitié moins lourd", confie le Dr Luc Duquesnel, généraliste en Mayenne, président des Généralistes-CSMF.
Lancé en 2019 par l'Assurance maladie, le dispositif d’aide à l’emploi d’un assistant médical a pour objectif de permettre à un médecin de se faire aider au quotidien dans sa pratique. Les missions confiées à l’assistant médical peuvent ainsi relever de trois domaines d’intervention : des tâches de nature administrative, des missions en lien avec la préparation et le déroulement de la consultation et des missions d’organisation et de coordination. "Dans les faits, chaque praticien établit une fiche de poste en fonction de ses besoins et du référentiel de la Cnam qui est très limité", commente le Dr Richard Talbot, généraliste dans la Manche et trésorier de la FMF.
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Jérôme Bidau
Non
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Je suis une sorte d'entonnoir
"Je suis une sorte d'entonnoir, avec un abord plus sympathique pour le patient", résume Mélanie Hosanski qui aimerait devenir une des porte-paroles du métier. La quinquagénaire, anciennement dans le textile, a décidé de se former dès le lancement de ce nouveau métier pour assister son mari, ancien praticien de SOS Médecins désormais installé comme généraliste en cabinet aux abords de Lyon. Cette mère de quatre enfants est enchantée par ce métier qu'elle juge "bénéfique pour le médecin et le patient".
"Quand les patients arrivent je les accueille, je vérifie que le dossier est bien complet, je fais de la prévention, je regarde si les vaccinations des enfants sont à jour", décrit l'assistante médicale, qui n'a pas encore de bureau fermé mais qui reçoit les patients derrière un paravent et prend soin de chuchoter si d'autres malades sont présents au même moment. "Quand je prends la tension, je mets une main sur l'épaule, certaines patientes ont déjà fondu en larmes dans mes bras", poursuit Mélanie Hosanski, qui aimerait que son métier soit plus reconnu.
Sans mon assistante médicale, j'aurais déjà pris ma retraite
"C'est une véritable plus-value pour les patients", s'enchante Luc Duquesnel. "Mon assistante médicale commence et termine toutes les consultations. Elle surveille tous les messages des patients, ce qui fluidifie leur prises en charge. Elle travaille en équipe avec mon IPA. Elle prépare les bons de transport, analyse les résultats complémentaires. Elle fait également le lien avec les infirmières de l'Ehpad quand il y a un problème. Chaque soir elle regarde toutes les biologies qui sont tombées et me mets de côté celles qui ont des anomalies ou nécessitent d'être vues", liste-il. "C'est un confort de travail pour le médecin et beaucoup de coups de téléphone en moins", abonde le Dr Richard Talbot qui "ne reviendrait jamais en arrière".
Si ce travail en équipe est pour le Dr Duquesnel "que du bonheur" sans "aucun point négatif", il admet ne pas tenir de "comptabilité pour savoir si elle est rentable". "Sans elle j'aurais déjà pris ma retraite alors que je vis mes plus belles années d'exercice", s'enthousiasme le généraliste mayennais.
La rentabilité des assistants médicaux est pourtant un point de friction de certains médecins avec l'Assurance maladie. "Il n’est plus à démontrer que l’assistant médical est la principale solution à l’amélioration de l’accès aux soins. Toutes les statistiques le montrent. Encore faut-il ne pas décourager ceux qui ont fait ce choix, en contractualisant avec l’Assurance maladie. Plusieurs consœurs et confrères, dans différentes régions, nous font remonter des difficultés avec les CPAM pour les contrats signés avant 2023 et qui relèvent de l’avenant 7", écrivent les Généralistes-CSMF dans leur lettre hebdo du 2 avril dernier.
Dans les faits, en contrepartie de l’aide à l’emploi d’un assistant médical, le médecin s’engage à consacrer une partie du temps dégagé par ce dernier pour accueillir et assurer la prise en charge de davantage de patients. Cet engagement porte sur la file active (pour toutes les spécialités) et sur la patientèle médecin traitant adulte et enfant (uniquement pour les médecins généralistes et les pédiatres). Les objectifs chiffrés individuels, à atteindre dans un délai de 3 ans après l’emploi de l’assistant médical, sont définis par un taux de progression à atteindre pour chacun des deux indicateurs, établi selon la valeur exacte de patientèle MT ou de file active du médecin et la quotité de travail de l’assistant médical. Le montant de la subvention a été revalorisé de 5 % dans la convention 2024.
Mais certains praticiens rencontrent des problèmes pour augmenter (ou stabiliser dans certains cas) leur patientèle médecin traitant, ainsi que leur file active. "Ces objectifs sont incompatibles, pointe le Dr Talbot. Quand on signe pour un nouveau patient médecin traitant, on flingue sa file active. Ceux qui ont une file active importante sont ceux qui font du soins non programmé", constate-t-il.
"Les deux premières année, l'aide est versée sans condition. Après, il ne faut pas baisser par rapport à la situation de départ. Si on atteint que 50% de la cible, même sur les deux files, on aura que 50 % de l'aide", relève le trésorier de la FMF qui de toute façon payait déjà sa secrétaire avant que cette dernière ne se forme pour devenir assistante médicale. "L'aide financière n'a jamais été mon moteur principal", admet le médecin qui a plutôt misé sur la formation de sa salariée "payée par l'Assurance maladie".
"Les médecins doivent apprendre à déléguer et à former leurs assistantes médicale. Il ne faut pas hésiter à débriefer certaines situations, à leur dire que le secret médical s'applique aussi pour elles", conseille le Dr Richard Talbot. "On protège un peu les médecins, après c'est à eux de jouer le jeu et de transmettre un peu de leur savoir", estime Mélanie Hosansky. L'assistante médicale qui a déjà rencontré "en visio" un conseiller au ministère de la Santé souhaite désormais rencontrer Yannick Neuder "pour parler des assistants médicaux". "Les assistants médicaux ne sont pas de simples secrétaires. Nous sommes le lien entre les patients et les médecins. Nous sommes LA solution pour sauver la médecine de ville. Et pourtant, ce métier reste sous-exploité, mal structuré et sans reconnaissance officielle à la hauteur de son rôle", déplore Mélanie Hosansky.
L'enjeu est notamment de faire évoluer les missions confiées aux assistants médicaux, en particulier ceux qui ont un profil d'aide-soignant ou d'infirmier. La question sera sur la table dans le cadre de la concertation lancée au ministère, a indiqué Yannick Neuder.
*A fin octobre 2024, la Cnam dénombre 7 240 contrats signés par des médecins dont 5 283 pour des médecins généralistes et 1 957 pour des médecins spécialistes
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