La dépêche du Midi a eu accès au rapport d'expertise du cabinet Adhoc conseil, qui a enquêté sur les conditions de travail des 16 000 agents du CHU de Toulouse, touché par une vague de suicides en 2016. L'impact des restructurations sur le personnel est mis fortement en cause.
Le 13 juin 2016, un infirmier à l'hôpital de Rangueil se suicidait sur son lieu de travail. Les conclusions de l'enquête qui a duré deux mois "pour risques graves suite au suicide d'un agent sur son lieu de travail", interne au CHU de Toulouse, ont été remises le 7 novembre 2016 par un cabinet parisien spécialisé, Addhoc conseil. 70 intervenants interrogés décrivent leur quotidien dans différents services. Les mots sont parfois accablants et alarmants face à des situations qui leur échappent, note La Dépêche. L'expertise décortique également le cas de trois autres suicides survenus en cet été 2016 : entre le 21 juin et le 1er juillet, un autre infirmier, une aide-soignante et une auxiliaire de puériculture se sont donné la mort à leur tour. Mais pas sur leur lieu de travail.
"L'hôpital est un rouleau compresseur"
"Il est possible qu'il y ait eu d'autres suicides les années précédentes, mais si ce n'est pas sur le lieu de travail, on n'est pas toujours averti. Nous ne savons pas s'il y en a beaucoup ou pas beaucoup", explique la direction du CHU, manifestement embarrassée par le rapport Addhoc dont elle ne conteste pas tous les points. Mais reconnaît, de fait, l'importance de la prévention des "risques psychosociaux" et s'engage à "construire une politique de qualité de vie au travail". Dans la ligne de mire d'Addhoc, les plans de restructuration qui se multiplient au CHU. "Ceci se traduit par l'élaboration d'une multitude de projets, pour certains interdépendants les uns des autres, qui, par les nombreuses modifications qu'ils engendrent sont sources d'anxiété, voire d'incompréhension pour la majorité des agents rencontrés", notent les enquêteurs qui affirment, en préambule, les difficultés qu'ils ont rencontrées pour mener à bien leur audit (documents non transmis par la direction). Lors des entretiens avec des infirmiers (IDE) ou des chefs de service, agents, Addhoc entend "des propos alarmants". "L'hôpital est un rouleau compresseur" ; "Le suicide, j'y ai déjà pensé…, heureusement il y a mes collègues et ma famille" ; "En 20 ans on a réussi à me faire craquer, il y en a plein qui craque" ; "Je peux comprendre que certaines personnes en arrivent à certains gestes" ; "J'ai fait un burn-out après 10 ans de travail de nuit en cardio, j'ai pensé à me suicider". Les confessions de ce genre fourmillent dans le rapport. À la fin de ce chapitre, Addhoc conclut : "Les verbalisations recueillies lors des entretiens illustrent des situations de travail génératrices de souffrance. Des agents ont fondu en larmes. Une jeune IDE s'inquiète de la fatigue qu'elle accumule au fil du temps et vit de façon anxiogène les sonneries de son téléphone lorsqu'elle est en repos. D'après ses constats, elle serait la moins fatiguée parmi ses jeunes collègues". "Une attention particulière doit être portée aux cadres de santé" À ce stade, les enquêteurs pointent "un contexte politico-économique astreignant pour les personnels". Le poids des réformes qui s'enchaînent : plan hôpital 2007 (nouvelle gouvernance hospitalière, réforme de la tarification à l'activité) ; la loi "Hôpital, patients, santé et territoire" ; nouveau Plan hôpital en 2012 ; loi santé Marisol Touraine de 2016 ; Plan Avenir pour rétablir l'équilibre économique du CHU… "Une attention particulière doit être portée aux cadres de santé, sur lesquels semble avoir pesé jusqu'ici le rôle de détection et de prévention du risque suicidaire. Les cadres doivent être intégrés aux destinataires de ces mesures, au même titre que leurs collègues soignants", préconise Addhoc comme mesure d'urgence. La direction du CHU de Toulouse, assure avoir "examiné avec intérêt les nombreuses pistes préconisées" par les rapports d'enquête interne et d'expertise, mais ne mettra pas un frein aux restructurations, comme le demandent les syndicats. "L'hôpital qui soigne doit prendre soin de ses personnels", affirme néanmoins la direction. "En interne, précise le CHU, un service de santé au travail est ouvert à l'ensemble du personnel (…) Sur le plan collectif, la psychologue du travail peut être amenée à rencontrer les équipes au sein des unités, à la suite d'événements marquants ou choquants". Une attention particulière sera portée aux cadres de santé, et la réactivité du dispositif d'alerte sera améliorée, s'est-elle engagée. [Avec ladepeche.fr]
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