En bordure d'une autoroute, au milieu du vacarme des véhicules, trois urgentistes s'affairent autour d'une patiente allongée au sol, en arrêt cardiaque. Intubation, massages cardiaques... Derrière la barrière de sécurité, les soignants font tout pour ranimer la jeune femme, victime d'un accident de la route. Quelques minutes plus tard, elle est sauvée, l'intervention s'achève. Le bruit du trafic se dissipe, la lumière se rallume, l'autoroute disparaît, révélant des mur blancs : bienvenue dans la nouvelle "salle immersive" de l'hôpital de Mulhouse. La patiente ? Un mannequin en latex au réalisme troublant conçu dans les studios britanniques Elstree. L'autoroute? Un film projeté à 270 degrés sur les murs par trois projecteurs. Dans une pièce attenante, un cadre de santé a méticuleusement observé la scène derrière une glace sans tain et surveillé sur ses tablettes l'exercice dont il avait choisi le scénario. En fonction depuis quelques mois, cette étonnante "salle immersive" vient d'être inaugurée au sein du Centre d'enseignement des soins d'urgence (Cesu) du Samu 68, une unité de formation pour les soignants du Haut-Rhin. "Un incontournable dans la formation" Patron des urgences mulhousiennes, le Dr Marc Noizet ne tarit pas d'éloges sur ce nouvel outil pédagogique : "L'effet est bluffant, tout le monde est renversé par la réalité dans laquelle il chemine, j'ai vu des gens sortir avec les larmes aux yeux!" "Jusqu'alors, on était sur des outils relativement rudimentaires avec des mannequins que l'on mettait au sol", poursuit-il. Mais "pour améliorer la qualité de formation, il faut se rapprocher au plus près de la réalité", analyse le Dr Noizet. A ses yeux, la simulation est désormais "un incontournable dans la formation" médicale, notamment en raison du principe qui dit "jamais la première fois sur le patient". C'est "comme si on créait de la vraie expérience pour nos apprenants. La première fois (qu'ils) voient les mannequins, ils sont bluffés" par leur réalisme, ils ont "l'impression de toucher de vraies personnes", poursuit la jeune responsable du Cesu 68, la docteure Nina Mangiapane, 29 ans."On peut produire n'importe quel environnement possible" : une salle de déchocage, une forêt, un immeuble en feu, les rues de Rome ou encore des sommets enneigés, prolonge Alexandre Sery, cadre de santé au Cesu.Et pour ajouter au réalisme, l'outil, commercialisé en France par la société alsacienne Life Support Distribution, permet de générer fumée, odeurs et même des... "murs tactiles", par exemple pour sortir un dossier médical d'un tiroir ou pour actionner à la volée une sonnette d'urgence, détaille-t-il.Chaque session est filmée et donne lieu à un débriefing. "C'est très immersif, on plonge dedans et on en sort souvent en nage", témoigne Alexandre Etienne, interne de 28 ans. Avant d'opter pour cet outil, une équipe de l'hôpital s'était rendue aux Pays-Bas, où il est déjà présent, pour le voir fonctionner. En France, Mulhouse est le premier établissement hospitalier à en être pourvu, mais "il y en aura sûrement d'autres" qui suivront, estime Marc Noizet.Son coût : 206.000 euros, entièrement financés par une enveloppe accordée par le programme européen React-EU, consacré au Covid-19. Un choix qui ne doit rien au hasard : début 2020, alors que l'épidémie déferlait sur la France, l'hôpital alsacien s'est en effet rapidement retrouvéaux avant-postes et a dû lutter comme il a pu pour prendre en charge les malades qui ne cessaient d'affluer. Un service d'urgences plus "attractif" pour les jeunes La réflexion sur la nécessité de faire évoluer la formation des gestes d'urgence avait débuté avant le Covid, mais elle "s'est précisée avec" la maladie, "lorsqu'on a mis en oeuvre des techniques spécifiques de ventilation" et "de travail en équipe dans de circonstances compliquées. On a vu qu'on avait besoin (...) d'être beaucoup plus performants" dans ces domaines, analyse M. Noizet. Mais un outil aussi innovant, c'est aussi le gage d'un service d'urgences plus "attractif" pour les jeunes soignants, à l'heure où la profession connaît une vraie crise des vocations et que de nombreuses structures hospitalières manquent de personnels, estime-t-il.
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