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L'accès aux essais cliniques, un nouveau droit du patient ?

La nouvelle place des essais cliniques dans le parcours de soins, en tant qu'option thérapeutique, pose des questions en termes d’éthique, d'égalité d’accès et de responsabilité médicale.  

04/04/2025 Par Muriel Pulicani
Cancérologie
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Avec son système dérogatoire d’accès et de prise en charge de médicaments bénéficiant d’une autorisation (ATU) ou d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), via les dispositifs d’accès précoce et d’accès compassionnel, la France fait partie des pays les plus en avance en matière de mise à disposition précoce d’innovations thérapeutiques. Cependant, l’accès aux études cliniques reste insuffisant. "5% des patientes sont incluses dans des essais alors que 70% seraient d’accord pour l’être", a estimé Claude Coutier, présidente du Collectif Triplettes Roses, représentant les femmes atteintes de cancer du sein triple négatif, lors du premier colloque organisé par le Comité éthique et cancer et la Ligue contre le cancer, le 20 mars. 

 

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Informer patients et médecins

La participation à la recherche se heurte à plusieurs freins, à commencer par le manque d’information des professionnels de santé et des patients. Ceux-ci ont le droit de demander un deuxième avis médical, afin d’"avoir accès à toutes les informations pour faire un choix éclairé", a rappelé Claude Coutier. "Le patient n’est pas au centre des soins, mais fait partie de l’équipe de soins." Parmi les outils disponibles, la plateforme Klineo.fr répertorie l’ensemble des essais ouverts en cancérologie, en prenant en compte l’histoire médicale du patient. "Elle ne se substitue pas à l’oncologue mais constitue une porte ouverte à un dialogue avec celui-ci", selon Claude Coutier. 

 

Lutter contre les inégalités

Autre obstacle à lever : les inégalités dans l’accès aux essais, selon le sexe (au détriment des femmes), le parcours de soins (diagnostic réalisé dans ou hors d’un centre de recherche), les données géographiques, le niveau socio-économique ou encore l’âge. L’analyse de ces inégalités répond à des "enjeux éthiques (autonomie et droits des patients), scientifiques (assurer la représentativité des populations et l’accessibilité des traitements) et de santé publique", a prôné Sylvain Besle, chargé de recherche en sociologie au Cermes3 (Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale et société) du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Côté professionnels de santé, certains pratiquent une forme d’autocensure quand il s’agit de proposer au patient d’intégrer un essai. "L’accès compassionnel engage la responsabilité pénale du médecin", a rappelé le Pr Christophe Massard, professeur des universités à l’Université Paris-Saclay, chef du département d’innovation thérapeutique et essais précoces (Ditep) de Gustave Roussy (Villejuif, Val-de-Marne). Qui signale également le manque d’études menées en France. "Sur 100 personnes qui demandent à intégrer un essai, nous répondons à 1/4 d’entre elles", a témoigné l’oncologue. 

 

Inclure les essais dans le parcours de soins

Améliorer l’accès à la recherche clinique appelle des changements organisationnels et culturels au sein d’un parcours de soins en évolution. "La frontière entre soins et recherche devient très poreuse en pratique. Aujourd’hui, les essais sont une option de prise en charge thérapeutique", a observé Philippe Amiel, président du Comité éthique et cancer. "Dans le cas d’une maladie rare, la participation à un essai revêt une notion d’urgence et de chance immédiate. Quand il s’agit d’un cancer fréquent avec un traitement disponible, on n’y pense que quand on atteint les limites de l’éligibilité, à un stade avancé de la maladie. Il faudrait s’intéresser à cette option dès la phase amont, au stade pré-métastasique", a plaidé Fabrice Bossaert, patient expert, vice-président de l’association CerHom sur les cancers masculins. 

 

Evaluer la balance bénéfice/risque

Dans ce cadre, la balance bénéfice/risque doit être évaluée. "L’essai est potentiellement dangereux. Il n’a pas le même degré de certitude que le soin", a pointé Philippe Amiel. "On veut le droit d’essayer mais que ce soit hyper-cadré, pas en dehors de votre sécurité", a répondu Claude Coutier. Les associations souhaitent notamment une meilleure prise en compte de l’avis des patients dans la conception des protocoles de recherche, avec par exemple l’organisation d’essais à domicile.

La recherche bénéficie aussi aux investigateurs. "On ne gagne pas d’argent en faisant des essais cliniques", a indiqué le Pr Massard. "C’est un investissement dans le futur. On prend de l’avance, pour être au plus près des innovations en cancérologie."

Références :

D’après les interventions du Pr Christophe Massard (Gustave Roussy) et de Philippe Amiel (Comité éthique et cancer), Sylvain Besle (Cermes3), Fabrice Bossaert (association CerHom) et Claude Coutier (Collectif Triplettes Roses), au colloque "Innovation et cancer : une question d’éthique", organisé par le Comité éthique et cancer et la Ligue contre le cancer, le 20 mars. 

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