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Rémunération des maisons de santé : ce que la Cnam met sur la table

Lors de la 5e séance des négos ACI-MSP, hier matin, la Caisse nationale d'Assurance maladie (Cnam) a mis sur la table plusieurs éléments visant à "simplifier" le modèle de rémunération, à mieux prendre en compte les réalités de terrain, et à inciter les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) à répondre à des enjeux prioritaires. Si le document de travail a été dévoilé “en live” pendant la session de travail, plusieurs participants relèvent la complexité de certains dossiers.

 
04/04/2025 Par Karen Ramsay
Assurance maladie / Mutuelles
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Article initialement publié sur Concourspluripro.fr

La séance des négociations ACI-MSP qui s'est déroulée hier matin devait être celle de clôture, mais elle s'inscrit finalement dans le calendrier comme la cinquième de ces discussions entre la Cnam et les 49 organisations représentatives des professionnels de santé. "Jusqu'à présent, on a parlé de simplification des indicateurs, de la reconnaissance du pluripro, des collaborations… et ce matin, on a enfin approché la question des sous", précise Patrick Vuattoux, coprésident d'AVECsanté, observateur, pour la première fois, de ces négos conventionnelles. Comme convenu, lors de la 4e séance début mars, trois sujets ont été évoqués ce matin : déclinaison de l'expérimentation Ipep, proposition de révision des indicateurs de l’ACI et nouveau modèle de rémunération pour les maisons de santé, détaille le document de travail que Concours pluripro a pu consulter.

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Repenser la rémunération

Dans le prochain avenant de l'ACI-MSP, l'Assurance maladie souhaite "simplifier le modèle de rémunération" afin d'apporter plus de "lisibilité", renforcer la structuration des équipes et la coordination, tenir compte des "effets induits par un grand nombre d'associés" et inciter les maisons de santé à répondre à des enjeux prioritaires.

Ce nouveau modèle conserve la partie "socle" de la rémunération (avec un montant fixe de 14.000 euros) et introduit des "modulateurs" regroupés en trois grandes familles : composition de l'équipe (nombre de professionnels de santé et leur diversité) ; composition de la patientèle (patientèle médecin traitant, part des nouveaux patients ALD parmi nouveaux patients médecins traitant et taux de patients C2S et AME de la structure comparé au nationaux) ; intégration de l'équipe (taux de file active d'équipe parmi les patients en ALD et professionnalisation de la fonction de coordination).

 

Ces modulateurs, appliqués "automatiquement", permettront de multiplier le montant du socle "jusqu'à 15,45 fois" note le document de travail, qui détaille la rémunération d'une MSP :

 

Les missions optionnelles, quant à elles, proposent des valorisations fixes et indépendantes les unes des autres. Ainsi, l'accueil de stagiaires (de 2 à 4) et d'étudiants en service sanitaire représenterait 3.150 euros pour 2 stages puis 1.750 par stage pour le 3e et le 4e. A cela s'ajoutent 420 euros pour 3 stagiaires en service sanitaire. Parmi les autres thématiques : implication des usagers (4.000 euros), démarche qualité (1.900 euros et 6.250 euros pour les 2 niveaux), MRTC (700 euros), engagement environnemental (entre 850 et 2.500 euros), mission de santé publique (4.000 euros), Protocoles pluriprofessionnels (3.000 euros) et déclenchement crise sanitaire (2.000 euros).

Sur la brique qualité – que la Cnam renforce –, la rémunération forfaitaire concernera tous les patients ayant effectué au moins deux visites dans la MSP et sera conditionnée à l'atteinte ou au dépassement de l'objectif fixé par l’indicateur correspondant. Onze indicateurs répondent à 2 thématiques de santé publique (dépistage et vaccination) et intègrent plusieurs professionnels de santé. Chaque indicateur peut rapporter entre 1.500 et 16.500 euros.

Ainsi, dans le cas d'une MSP comptant 15 professionnels associés (5 MG, 2 IPA, 3 IDE, 1 SF, 2 MK, 1 pédiatre, 1 PP et 4 vacataires), et donc la PMT totale est de 10.000 et son taux CS2 de 10% et qui comprend une fonction de coordination professionnalisée, la rémunération se déclinera ainsi :

 

crédit : Cnam

Globalement, avec ce nouveau modèle de rémunération, la Cnam estime une augmentation globale de 18% des montants versés, et que "3 MSP sur 4" (sur la base de leurs paramètres actuels) seront gagnantes. "25% de maisons de santé perdantes, on s'en doutait bien un peu, avoue Luc Duquesnel (Les Généralistes-CMSF). Parce que la Cnam nous avait dit que des MSP bénéficiaient de l'ACI mais c'était plutôt par effet d'aubaine… Donc il faut analyser les raisons de cette situation." La Cnam prévoit d'ailleurs "pour toutes les MSP et notamment les MSP désavantagées par le nouveau modèle, des leviers d’organisation permettent de bénéficier pleinement du nouveau modèle". Les MSP perdantes seront, quant à elles, accompagnées lors d'"une phase transitoire" pendant laquelle une "compensation de rémunération serait proposée".
 

Amélioration de la qualité

En 2023, la Cnam recensait 30 groupements expérimentateurs d'Ipep, dans 14 régions, ainsi que 485 médecins traitants participants et 550.000 patients concernés par cette expérimentation d'incitation à une prise en charge partagée. Hier matin, la Cnam a détaillé les objectifs de cette expérimentation nationale lancée en juillet 2019, qui propose un financement complémentaire aux professionnels et structures volontaires : une meilleure qualité et efficience des soins, une approche populationnelle "à l’échelle d’une patientèle médecin-traitant commune", une rémunération collective, la possibilité pour les MSP de dégager des marges de manœuvre supplémentaires "dès lors qu’elles obtiennent des résultats, au profit de projets collectifs"… À terme, rappelle la Cnam, "des résultats sont visibles à l'échelle du système".

Lors de la 2e séance des négos-conventionnelles le 16 janvier dernier, la Cnam avait indiqué qu'en moyenne, les MSP participantes ont été rémunérées 8,10 euros par patient en 2021, 2022 et 2023, (hors garantie budgétaire, bonus expérience patient et après application des plafonds). Une rémunération "très variable", note la Cnam car "la moitié des MSP [pouvait] gagner moins de 5 euros par patient une année et atteindre le plafond de 20 euros une autre année", avait-elle précisé.

Pour transposer le modèle économique Ipep dans le prochain avenant de l'ACI-MSP, la Cnam propose de s'appuyer sur deux éléments clés : l'amélioration de la qualité (dont le score serait calculé en fonction du taux d’atteinte sur 7 indicateurs qualité) et la maîtrise des dépenses (écart entre la dépense réelle de la patientèle MT de la MSP et celle estimée au niveau national, et différence d’évolution entre les dépenses réelles de la MSP et les dépenses nationales sur trois ans).
 

Ces 7 indicateurs qualité, "inchangés par rapport au modèle tel que testé durant l’expérimentation", concernent la part des usagers domiciliés sur le territoire du groupement qui ont déclaré un médecin traitant, le taux de passages aux urgences non suivis d’hospitalisation, la part des admissions directes en hospitalisation de médecine, le taux de réhospitalisation à 30 jours, le taux d’hospitalisations potentiellement évitables, la part des hospitalisations en médecine et psychiatrie avec une consultation (de médecin ou d'infirmière) dans le mois suivant la sortie, ainsi que la part des patients du groupement en polyprescription continue. En complément, note le document de travail, il serait possible "de réactiver un indicateur abandonné en cours d’expérimentation faute d’usage, relatif à l’usage du DMP".

Le score sera défini sur 100 points, avec une valorisation à partir de 40 points et un point qualité valorisé à 0,20 euros, précise la Cnam, ajoutant qu'un plafonnement de la composante qualité est fixé à 10 euros par patient. Ce qui "correspond à une revalorisation du point qualité par rapport à l’expérimentation dans l’objectif de rééquilibrer la part relative qu’elle occupe dans le montant total de l’intéressement", ajoute le document.

Sur les dépenses, la Cnam propose un calcul de la maîtrise des dépenses, basée sur la comparaison entre les dépenses observées auprès des patients de la MSP et les dépenses estimées au niveau national. Ce qui se déclinerait comme suit :

 

Des critères d'éligibilité à Ipep sont envisagés "parce que le but n'est pas que 100% des MSP vont dans Ipep", explique Guillaume Rall, président du SNMKR, contacté par Concours pluripro, ajoutant que pour la Cnam, "vu les critères qu'ils vont poser, Ipep auraient une cible d'environ 25% des MSP". Cinq conditions ont donc été mises sur la table par la Cnam pour pouvoir se porter candidat au modèle Ipep : le dépôt d'un projet Ipep et sa validation par la CPAM et l'ARS, au moins 5.000 patients médecins traitants au sien de la patientèle, l'atteinte des indicateurs socles de l'ACI, une MSP implantée depuis au moins 4 ans, et une part minimum de 10 ou 20% de file active commune, afin de garantir "la coordination des professionnels et la mise en œuvre d’un projet Ipep sur une patientèle commune" ainsi que "la cohérence du calcul des résultats, basés sur la patientèle médecins-traitants de la structure", précise la Cnam.
 
Celle-ci envisage un plafonnement des intéressements Ipep afin, détaille le document de travailTrois plafonds seraient ainsi proposés : par patient (15 euros), par structure (plafonné au montant annuel perçu dans le cadre de l’ACI-MSP) et au global (si dans le cadre l’ACI-MSP, le montant global attribué à Ipep est atteint, un principe de proratisation sera appliqué pour rester dans le cadre de l’enveloppe dédiée – soit 10 millions d'euros par an). Cet intéressement sera "annuel", précise la Cnam, et constitue "un paiement rétrospectif qui s’appuie sur les données des années précédentes (N-1 à N-3)". Ainsi, le calcul de l’intéressement de l’année N est réalisé et versé en N+2.

La période transitoire de l'expérimentation Ipep se clôturant fin 2025, un "relais" sera nécessaire pour ces MSP expérimentatrices "à fin 2026". Un cahier des charges doit être mis en place pour préciser les conditions de fonctionnement d'Ipep ainsi que les modalités de calcul des intéressements. Et la Cnam prévoit une clause de revoyure à N+3 "afin de partager les effets et le bon calibrage" de ces intéressements.

Évolution des indicateurs

En ce qui concerne les horaires d'ouverture (la structure doit être ouverte du lundi au vendredi "et au moins deux samedis matin par mois", ouverte "sur une amplitude de 8h par jour minimum", sans exiger que l’ensemble des professionnels soient présents durant toute l’amplitude horaire. Mais "une organisation doit être mise en place au sein de la structure pour qu’un médecin puisse intervenir, si besoin") et les protocoles pluriprofessionnels (allégés). Deux nouveaux indicateurs sont ajoutés : "Patients en ALD" et "Professionnels de santé".

Pour soutenir les MSP en difficulté, la Cnam propose de maintenir une rémunération pour celles passant à 1 seul médecin associé et d'instaurer un maintien dégressif de la patientèle médecin traitant sur 3 ans. "Dans le cas où la MSP perdrait son dernier médecin, la rémunération serait maintenue pendant 1 an. Au-delà, une sortie de l’ACI sera actée", précise le document.

Les indicateurs visant à renforcer l'accès aux soins devraient également évoluer. Pour les soins non programmés, 1 seul indicateur "renforcé" sera présent : les professionnels s’organisent pour recevoir, chaque jour ouvré, les patients (suivis ou non par la structure) ayant besoin de soins non programmés : disponibilité pour une régulation des demandes (physique ou téléphonique), possibilité de consultations dans la journée (plages horaires dédiées pour chaque professionnel), journées dédiées ou plages horaires assurées à tour de rôle par chacun des médecins ; organisation pour répondre aux demandes du SAS. La question de la participation à la PDSA comme partie intégrante de cet indicateur doit encore être discutée.

Pour l'implication des usagers, les deux niveaux de réalisation sont supprimés. L'indicateur amendé précise simplement que leur implication "peut prendre différentes formes afin notamment de permettre d’évaluer la satisfaction et les besoins exprimés par les patients ou encore d’aboutir dans une forme de codécision. Pour cela, la structure met en place des outils ou des actions visant à sensibiliser, informer ou coconstruire." Pour remplir l'indicateur "Misions de santé publique", les MSP doivent réaliser "au-moins une" mission de santé publique dans une liste qui "sera actualisée au regard des indicateurs de la rémunération de santé publique". Deux nouveaux indicateurs sont ajoutés : "Patientèle médecin traitant" et "Précarité". Les indicateurs "Coordination externe" et "CTSM" sont, quant à eux, supprimés et "Réponse aux crises sanitaires" ne comporte aucune modification si ce n'est que la trame sanitaire doit être mise à disposition de la caisse à sa demande.

Plusieurs évolutions sont à noter dans les indicateurs visant à valoriser le travail en équipe. Pour la "Fonction de coordination", celle-ci "doit être assurée par des personnes formées spécifiquement dans un délai de deux ans à compter de la signature du contrat ACI" et qu'elle "est présente à hauteur de 0,2 ETP minimum (salariat ou contrat de prestation)". Pour MRTC, l’inclusion des patients et leur prise en charge est valorisée. Un nouvel indicateur "File active d'équipe" concerne les patients ALD ayant consommé des soins médicaux (toutes spécialités) et d’une autre profession de santé dans l’année (hors MG). Et "face aux enjeux de santé environnementale et de transition écologique du secteur de la santé, la structure peut s’engager à son niveau dans des actions soit au travers de la thématique 'décarbonner' et/ou 'santé environnementale'", précise la Cnam qui introduit un nouvel indicateur "Santé environnementale".

Toutes ces discussions montrent qu'"on veut que pluripro soit boosté, que l'exercice coordonné pluripro de proximité doit être favorisé…", retient Patrick Vuattoux. Si le coprésident d'AVECsanté avoue "quelques réticences et crispations sur quelques sujets" pendant les échanges, notamment sur l'infirmière de parcours et de coordination, le médecin installé à la MSP Saint-Claude (Besançon) s'interroge sur "l'après" : "Si ça bloque vraiment à un moment donné, est-ce que les syndicats auront la sagesse de prendre du recul par rapport à leur défense monoprofessionnelle pour aborder l'équipe toute entière ? Est-ce qu'on ne sera pas dans une situation de blocage et finalement les MSP ne pourront pas avancer à cause de ce système conventionnel… ".  Ce qui l'amène à se demander si on n'arrive pas "au bout" du modèle conventionnel… "On verra ! C'est une sorte de crash-test!"

La prochaine séance aura lieu le 5 juin prochain. Au programme : l'assistant médical et l'infirmière de parcours et de coordination.

Photo de profil de Eric Bernard
1,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 8 jours
ça me semble bien compliqué tout cela, mais il y en a qui vont trouver des biais pour se faire un max d'argent en faisant le tri entre les "bons" et "mauvais" patients. Je ne me rappelle plus à cause
Photo de profil de Romain L
15,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 8 jours
Il faut être aveugle pour ne pas immédiatement qualifier tout cela d'usine à gaz. En pratique, celui qui se lance dans ce genre de délire doit totalement soumettre sa pratique médicale au bon vouloir
Photo de profil de Claude Lamer
55 points
Médecine générale
il y a 8 jours
C'est vrai que c'est simple !! Il ne manque plus que des médecins ! Est ce que les honoraires du cabinet d'expert comptable qui va gérer tout cela seront pris en charge par Catherine Vautrin ?
Vignette
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