Plus de "tire-au-flanc" qu'avant à l'hôpital : face à la polémique, le Pr Peyromaure défend un propos "brutal" mais "juste"
"L’intervention du Pr Michaël Peyromaure est malhabile, injuste et contreproductive." Dans un communiqué intitulé "Primum non nocere" diffusé lundi 4 juillet, la Conférence nationale des doyens de facultés de médecine condamne les propos tenus par le chef de service parisien, dans une interview publiée par Le Figaro vendredi dernier. Le chirurgien urologue n'y va pas de main morte, fustigeant aussi bien les infirmières, les aides-soignantes que les brancardiers ou les internes. Même les médecins libéraux en prennent pour leur grade. Alors que l'hôpital public est confronté à une pénurie de personnels qui trouve sa source dans une crise des vocations, le spécialiste dénonce quant à lui un désengagement. "L’hôpital n’échappe pas aux phénomènes qui minent toute la société. Nous sommes entrés dans l’ère des loisirs", déplore-t-il. Illustration du phénomène, selon lui : les entretiens d'embauche. "Les trois questions posées prioritairement par les candidates sont : 'à quelle heure serai-je rentrée chez moi' ; 'vais-je choisir mes dates de vacances' ; 'aurai-je droit à toutes mes vacances la première année?' Ce qui est relatif au métier lui-même est secondaire." "Les internes risquent de devenir des gratte-papier qui ne connaissent que la théorie" Le chef de service se montre également critique envers la réglementation européenne qui plafonne à 48 heures le temps de travail des internes (comme des médecins séniors… en théorie). "Nous avons longtemps eu en France un système qui repose sur le compagnonnage, notamment en chirurgie. Les internes sont des apprentis, pas des étudiants, considère le Pr Peyromaure. Jusqu’à récemment, ils travaillaient jusqu’à cent heures par semaine. Ils étaient épuisés mais remarquablement formés. Le monde entier nous enviait ce système. Avec les nouvelles règles, ils risquent de devenir des gratte-papier qui connaissent la théorie, mais pas la pratique." Globalement, le chef de service déplore le fait que le nombre de "gens exceptionnels qui ne comptent pas leurs heures (…) baisse dangereusement". " À mes débuts à l’hôpital, il y avait peut-être un tire-au-flanc pour dix agents. Aujourd’hui, il y en a quatre ou cinq. Ceux qui restent impliqués compensent en permanence les carences des autres", dénonce-t-il. Quant aux jeunes médecins libéraux, ils s'installent "préférentiellement en groupe, avec des horaires de fonctionnaires", tacle Michaël Peyromaure, jugeant "incompréhensible" que les généralistes ne prennent plus de nouveaux patients. "ça devrait être interdit", lance-t-il. Il concède toutefois que ces derniers sont "infantilisés" par les tutelles, sous-payés et accablés de paperasse. "Il y a de quoi démotiver les meilleurs." Des propos mal vécus par les professions visées, qui durant tout le week-end ont multiplié les réactions indignées sur les réseaux sociaux.
Mr Peyromaure… rien ne va dans vos propos, du « les abus sur les internes ça forge le caractère » au « patient cancéreux qui choisi ses dates d’interventions pour ne pas louper ses vacances ». L’hôpital, n’a pas besoin de cela en ce moment. Nous n’avons pas besoin de vous pic.twitter.com/bBYU4QXtep
— Alexandre Bras (@AlexandreBras8) July 1, 2022
On souhaite au Pr Peyromaure d'être irréprochable dans le respect de la loi, la gestion de son service et son activité privée. Il ne faudrait pas qu'il tombe dans la catégorie qu'il dénonce. https://t.co/H3BVectATK
— ISNI - InterSyndicale Nationale des Internes (@ISNItwit) July 1, 2022
Infirmière « tire-au-flan », j’invite tous les collègues de @HopitalCochin à refuser de travailler avec ce médecin qui depuis plusieurs mois part complètement à la dérive. #peyromaurestop https://t.co/CjcWk7zMvy
— Julie Devictor (@DevictorJulie) July 1, 2022
« Il arrive qu’un interne se permette d’aller aux toilettes sur son temps de travail, incapable de se retenir pendant sa garde de 48 heures. Voilà où en en l’hôpital » assène Miguel Pyromane, chef de service d’urologie à l’APHP.
— Ubu (@ubu___ubu) July 2, 2022
https://t.co/MVmcIZ80tA pic.twitter.com/tR5h3BDJQL
"Nous ne devons pas tenir de propos blessants et injustes", insistent les doyens L'interview a fait réagir jusqu'à... la Conférence nationale des doyens de facultés de médecine. Dans leur communiqué, les Pr Didier Samuel, président, et Benoît Veber, vice-président, prennent la défense des jeunes médecins et soignants qui "s‘engagent avec un grand sens du devoir, tout particulièrement dans la crise sanitaire". "Les études médicales et soignantes sont difficiles et celles et ceux qui les font deviennent des professionnels de grande qualité que nous devons respecter", insistent-ils. "En tant que responsables de formation et aussi de services hospitalo-universitaires, nous ne devons pas, dans cette période de crise, tenir ce type de propos blessants et injustes", lancent les doyens, qui regrette "cette prise de position qui n’apporte rien si ce n’est de la confusion et plus de difficultés". "Je regrette d'avoir été inélégant" Contacté par Egora.fr, le Pr Michaël Peyromaure reconnaît des propos effectivement "malhabiles". "Je regrette d'avoir été inélégant, je regrette les termes utilisés dans l'article, c'était sans doute un peu trop franc, un peu brutal mais néanmoins il ne faut pas cacher la vérité, si on veut que l'hôpital s'en sorte il faut corriger tout ce qui ne va pas ", insiste-t-il, se défendant d'avoir été "injuste", "au contraire". "Ça fait des années que je défends les infirmières, les aides-soignants et les internes qui sont sous-payés, qui travaillent dans des conditions difficiles, avec une déstructuration des équipes", développe-t-il… tout en déplorant "l'injustice qui se creuse dans les services" : "avec le temps, il y a de moins en moins de gens investis dans les services et ceux qui travaillent, travaillent pour les autres", pointe le chef de service. "A cause de ce climat de rareté de personnels, certains pratiquent des abus. Il y en a certains qui sont devenus tellement rares qu'on ne peut plus rien leur dire, y compris de se mettre au travail. Si on veut que ça marche, il faut dénoncer tous les dysfonctionnements." "J'ai quand même énormément d'infirmières, d'aides-soignants, de cadres, de collègues chirurgiens qui m'ont dit 'bravo, merci, enfin quelqu'un qui le dit'", assure l'urologue.
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