100 actes par jour, 3 millions d'euros de chiffre d'affaires… les chiffres hallucinants du procès des mutilations dentaires

03/03/2022 Par Sandy Bonin
Faits divers / Justice
Ce lundi 28 février s'est ouvert le procès de dentistes marseillais, père et fils, accusés de s'être enrichis sur le dos de la Sécurité sociale en pratiquant des opérations injustifiées et bâclées. 322 anciens patients, mutilés à vie pour certains, se sont portés parties civiles. L'expertise de l'Assurance-maladie vient d'accabler les deux prévenus. 
 

Lionel Guedj, 41 ans, et Carnot Guedj, son père, 70 ans, sont poursuivis pour "escroquerie" et "violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente". Une médecin de l'Assurance maladie a dressé un portrait accablant du "système" mis en place par deux dentistes marseillais jugés depuis lundi 28 février pour s'être enrichis en mutilant des centaines de patients. 

"Compte-tenu de l'ampleur du phénomène, on peut parler d'un problème de santé publique", a expliqué Sophie Ruggieri, cheffe du service contentieux des Bouches-du-Rhône à l'époque des faits ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Marseille,. Selon elle, le "système Guedj" consistait à "pratiquer de très nombreuses dévitalisations de dents qui n'étaient pas malades, dans le but de poser un grand nombre de prothèses qui n'avaient pas de tarifs limitatifs et de facturer ainsi des honoraires élevés". 

"Le cabinet Guedj facturait 28 fois plus de couronnes que la moyenne de ses confrères, avec des honoraires 14 fois supérieurs à la moyenne départementale", avait souligné la dentiste-conseil, Isabelle Ferrari, aujourd'hui décédée, après un audit du cabinet sur les années 2008 à 2010. "En 2010, le chiffre d'affaires (du cabinet), de près de 3 millions d'euros, contre 150.000 à 200.000 euros pour un cabinet moyen, l'avait placé en tête au niveau national, loin devant le second, qui totalisait 1,6 million d'euros", a précisé Sophie Ruggieri. 

Le volume d'activité du cabinet a également surpris les enquêteurs de la"Sécu" : "En 2009, le cabinet a facturé de 30 à 50 actes quotidiens sur 68 jours, de 50 à 90 actes quotidiens sur 95 jours et de 100 à 180 actes quotidiens sur 16 jours". En se fondant sur le temps minimal nécessaire à chaque acte, et sans compter 500 consultations simples, "il aurait fallu 41 heures par jour en 2009 et 52 heures en 2010 au dentiste pour y arriver. Tout simplement impossible". 

"Ce qui interpelle, c'est la prise de risque", a expliqué Sophie Ruggieri. "Quand on enchaîne ainsi les actes, à un tel rythme, sur un grand nombre de patients et sur une durée aussi longue, on renonce à la rigueur et à l'obligation de moyens", a-t-elle résumé. Lors d'une première enquête sur 84 cas, 250 anomalies avaient été relevées, sur 30 dossiers. Loin de faire amende honorable, Lionel Guedj, sûr de lui, avait affirmé n'avoir rien à craindre, menaçant même de porter plainte contre les dentistes-conseils. "Convaincue de la dangerosité des pratiques du dentiste", l'Assurance maladie avait alors décidé de mettre les dentistes sous accord préalable. Sur 1074 factures contrôlées, 307 avaient été retoquées, dont 57 pour des raisons médicales. 

Selon Sophie Ruggeri, le travail d'enquête a été compliqué par l'absence de documents justificatifs : les premières radios, censées montrer l'état des dents avant les opérations, étaient inexistantes, souvent inexploitables et, pour cinq d'entre elles, clairement falsifiées.  

Lionel et Carnot Guedj risquent dix ans d'emprisonnement. Le procès est prévu jusqu'au 8 avril. 

[Avec lefigaro.fr et AFP] 

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