Non, l'aide-soignante empoisonneuse n'est "pas un tueur en série"

11/05/2017 Par Aveline Marques
Faits divers / Justice

Ludivine Chambet, 34 ans, est jugée par la cour d'assises de Savoie pour avoir tué 10 des 13 personnes âgées auxquelles elle a administré des cocktails de psychotropes en 2012 et 2013. Mercredi, les experts-psychiatres se sont succédé à la barre pour tenter de cerner sa personnalité.

"Fragile", "dépressive", "démunie" face aux difficultés de la vie. Ludivine Chambet, aide-soignante jugée pour des empoisonnements en série dans une maison de retraite, a été dépeinte mercredi comme un être "complexe" qui a passé à l'acte lors de la maladie d'une mère omniprésente. Devant la cour d'assises de Savoie les experts-psychiatres sont tombés d'accord : la jeune femme n'est pas atteinte d'une maladie mentale. Elle n'est ni psychotique, ni psychopathe. De l'avis du Dr Patrick Blachère, elle tient plutôt "du pyromane ou de l'incendiaire... sauf que c'était des êtres humains". Daniel Zagury, qui a expertisé Guy Georges, Michel Fourniret ou Patrice Alègre, l'affirme : elle n'était "pas un tueur en série même si ses actes sont une série de crimes". "On a tendance à vouloir que les crimes ressemblent au criminel : que des actes épouvantables ne puissent être que l'œuvre d'un monstre pervers." Or, l'accusée était "une femme sans histoires", née dans une famille modeste au sein d'un couple uni près de Chambéry. Atteinte cependant d'une maladie génétique rare, qui engendre une forme de gigantisme et des malformations dont elle sera opérée. Dépressive aussi, depuis l'âge de 18 ans. Objet de moqueries, elle sera surprotégée par sa mère toute sa vie, restant dans une relation "immature et dépendante", sans jamais se rebeller. Quand ce "bouclier" ou cette "béquille", selon les termes des médecins, vient à vaciller puis disparaître, avec la leucémie fatale à sa mère, c'est tout l'équilibre d'une personne "renfermée mais pas associable" qui risque de sombrer. "Son rituel d'empoisonnement", avec "les mêmes produits, les mêmes gobelets, lui permettait de garder un équilibre psychique", avance prudemment le Dr Blachère, qui a trouvé la jeune femme "ensuquée" à l'audience. Placée en hôpital-prison depuis mi-avril, elle prend actuellement un traitement lourd associant antidépresseur, anxiolytique et hypnotique. Ludivine Chambet a toujours parlé d'"apaiser" les personnes âgées, reconnaissant un empoisonnement pour onze d'entre elles mais sans jamais évoquer leur "mort". Sans jamais parler non plus de vengeance ou d'euthanasie après le décès de sa mère. Mais qui voulait-elle vraiment apaiser ? Ces patients, dont elle se souvient distinctement et sur lesquels elle projetait une souffrance supposée ? Ou elle-même ? Face à une personnalité "complexe", les experts en sont réduits à émettre des hypothèses car l'accusée "vit les choses sans les percevoir, ni être capable de les verbaliser", certaines émotions étant reléguées "dans une zone psychique en jachère". Elle a pu accumuler une "colère sourde" et "quand elle est agressée par la vie, ça monte en tension et comme un condensateur plein, elle doit décharger : soit elle crie (comme l'ont rapporté des collègues, NDLR), soit elle met en place son rituel", estime le Dr Blachère. Et dans ce cas fatidique, "il n'y a pas forcément de logique, les victimes sont le fait du hasard, de la porte de chambre devant laquelle elle se trouve". "Il est vain de vouloir fournir une logique claire du passage à l'acte", abonde son confrère. Après plus de trois ans en détention provisoire, "c'est toujours un questionnement pour moi, cet enchaînement. J'espère vraiment avancer cette semaine pour apporter des réponses", assure celle qui encourt la perpétuité. [avec AFP]

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