Selon un rapport publié mi-avril par le Shift Project, think tank d’experts spécialisés dans la décarbonation de l’économie, le secteur de la santé est à l’origine de 8% des émissions françaises de gaz à effet de serre. Soit 49 millions de tonnes équivalent CO2, réparties entre hôpitaux (38%), médecine de ville (23%), établissements et services pour personnes âgées (21%), établissements pour enfants et adultes handicapés (17%). Au-delà des émissions carbonées, le secteur de la santé a un impact non négligeable sur d’autres volets environnementaux. Par exemple les déchets, dont les établissements de santé génèrent 700 000 tonnes par an (3,5% de la production nationale). Ou encore sur l’eau, dont ils consomment entre 400 et 1 200 litres par jour et par patient hospitalisé. Sans oublier les repas (1,5 milliard par an) et les transports (87 millions de trajets annuels). Selon la déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), Zaynab Riet, "il est urgent d’agir, la transition écologique ne peut pas attendre. C’est aussi une opportunité en termes de collectif d’équipe, d’attractivité, de cohérence, de sens donné à notre métier". D’où les "50 propositions à l’usage de tous les acteurs de la transition écologique en santé", émises fin novembre par la FHF, qui abordent l’ensemble des leviers d’action pour décarboner le secteur. Une transition nécessaire, mais coûteuse Parmi eux, la rénovation des bâtiments et la consommation d’énergie. Problème : les établissements de santé n’y parviendront pas seuls. Pour cela, la FHF demande à l’Etat la création d’un ‘Fonds vert’, calqué sur le Fonds d’accélération pour la transition écologique dans les territoires, destiné aux collectivités locales. Son champ d’action : la rénovation et la construction de bâtiments performants, l’efficacité énergétique, la production d’énergies renouvelables, la végétalisation des établissements. Dédié à l’ensemble des bâtiments publics (pas seulement hospitaliers), ce fonds vert devrait être doté d’un milliard d’euros par an sur une durée de cinq ans -un montant très en-deçà des besoins réels, admet toutefois la FHF. De même, la fédération demande à l’Etat de l’aider à remplir ses nouvelles obligations en matière d’alimentation. En vertu de la loi EGAlim (Etats généraux de l’alimentation) de novembre 2018 et de la loi Climat et résilience d’août 2021, les établissements doivent depuis janvier 2022 servir au moins 50% de produits labellisés (IGP, AOP...), dont 20% de bio. Une mesure, qui selon Rudy Chouvel, chargé de mission transition écologique en santé pour la FHF, aurait entraîné une hausse d’environ 30% du budget achat des denrées alimentaires. Au 1er janvier 2024, la part de produits labellisés devra atteindre 100% pour les poissons et les viandes. "Les établissements de santé sont tout à fait d’accord avec ces mesures, mais quand on sert des millions de repas, financièrement c’est très compliqué", estime Rudy Chouvel. D’autres ont pris les devants : en septembre, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a réduit de 50% la part de produits carnés, en passant au plateau végétarien en soirée, et a supprimé la viande rouge de ses menus. Une mesure également préconisée par la FHF, qui appelle à "favoriser les repas végétariens et à limiter la viande rouge à l’hôpital". Médicaments et dispositifs médicaux aussi concernés La transition écologique pourrait aussi s’appliquer aux soins et à la prescription médicamenteuse. Chaque année, l’éco-organisme Cyclamed récupère et incinère 14 000 tonnes de médicaments non utilisés, sur un total estimé à 23 000 tonnes, rappelle la FHF, qui prône l’écoresponsabilité dans les achats hospitaliers comme dans les prescriptions. Autre source de déchets, les dispositifs médicaux à usage unique, dont la FHF propose d’"envisager le remplacement par du réutilisable dès lors que les ACV [analyses du cycle de vie] ont montré un impact écologique et social favorable sans compromettre la sécurité des patients". Si de nombreux établissements de santé mènent déjà des actions de transition écologique, partagées en réseau via le Collectif écoresponsabilité en santé (Ceres) ou le Comité pour le développement durable en santé (CD2S), l’engagement de l’Etat s’est longtemps fait attendre. Jusqu’en mai, lorsque la ministre déléguée à l'Organisation territoriale et aux Professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo, a instauré un comité de pilotage de la planification écologique pour le secteur de la santé. Ce ‘copil’ a planché durant l’année sur une convention de planification écologique, une première en France dans le secteur de la santé. Sa publication est attendue pour cette fin d’année.
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