Par un vote solennel, les députés viennent d'adopter le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Au terme d’un marathon de débats, souvent houleux, le texte original a été étoffé par plus de 160 amendements… dont les médecins se seraient parfois bien passés.
*Erratum : Au point "numérique en santé", nous avons indiqué par erreur le remplacement de l'Irdes par la plateforme de données de santé. Il s'agit en fait de l'INDS (modification du 3 avril 2019). Le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée
Le projet de loi #MaSanté2022 est adopté en première lecture @AssembleeNat par 349 voix contre 172 !
— Thomas MESNIER (@MESNIERThomas) 26 mars 201
- Fin de la Paces et du numerus clausus
C’est la mesure phare du projet de loi de santé, celle qui justifie le recours à une procédure d’examen accélérée. L'article 1er rénove l'accès aux études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et maïeutiques, en supprimant le numerus clausus et en ouvrant plusieurs passerelles vers la 2e et la 3e année afin de diversifier les profils. Il ne sera plus possible, en revanche, de redoubler cette 1re année. Le nombre d'étudiants admis en deuxième année sera déterminé par chaque université, en fonction des capacités de formation et des besoins de santé du territoire (numerus apertus). Des objectifs nationaux pluriannuels seront établis par l'Etat. Agnès Buzyn a annoncé viser une augmentation globale d'environ 20 % du nombre d'étudiants en médecine formés, soit près de 10 000 par an. De source interne au ministère, le nombre d'étudiants formés dépendra des capacités de chaque université, et les 20 % annoncés sont plus à comprendre comme un maximum par université qu'un objectif ferme. Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités d'admission, de réorientation et de sélection des étudiants.
La réforme s'appliquera à la rentrée 2020 ; des dispositifs transitoires seront prévus pour les "primants" Paces de l'année 2019-2020 ayant échoué, afin qu'ils puissent exceptionnellement présenter une seconde candidature. Un amendement du Gouvernement vise par ailleurs à développer les expériences de formations interprofessionnelles.
- Suppression des ECN et réforme de l'accès au 3e cycle des études de médecine
L'article 2 réforme les modalités d'accès au 3e cycle des études de médecine : exit le couperet des épreuves classantes nationales (ECN), tombant après trois années de bachotage intensif. Pour accéder à l'internat, les externes devront d'une part, avoir validé leur 2e cycle, et d'autre part obtenu une note minimale aux épreuves finales, qui restent nationales. Un décret déterminera notamment les modalités d'affectation des postes d'internat, en prenant en compte non seulement les résultats aux épreuves mais aussi le parcours de formation (stages, doubles cursus, etc.) ainsi que le projet professionnel. Un autre décret devra définir les modalités "permettant une adéquation optimale" entre les postes d'internat ouverts et les postes effectivement pourvus. "Le choix du lieu du 3e cycle conditionne généralement le choix du lieu d’installation et d’exercice des futurs professionnel", souligne la co-rapporteur du projet de loi et auteure de cet amendement, le Dr Stéphanie Rist.
Prévue initialement à la rentrée 2019, la mise en application de la réforme a finalement été décalée d'un an afin de laisser plus de temps aux universités et d'éviter un téléscopage avec la réforme du 2e cycle. Elle concernera les étudiants débutant leur externat à la rentrée 2020.
- Certification-recertification des professionnels de santé
C'est l'une des zones d'ombre du projet de loi de santé. L'article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances pour mettre en place une procédure de certification périodique des compétences et connaissances des médecins, suivant les recommandations du rapport Uzan. Ces ordonnances devront déterminer "les conditions de sa mise en œuvre et de son contrôle, les organismes qui en sont chargés, les conséquences de la méconnaissance de cette procédure ou de l’échec à celle-ci". Les médecins n'ayant pas été certifiés pourraient ainsi être obligés de réaliser des stages, a précisé Agnès Buzyn devant l'Assemblée. La procédure concernera les nouveaux diplômés, ainsi que les médecins déjà installés qui seraient volontaires.
Prévu dans un premier temps pour les seuls médecins, ce dispositif a finalement été élargi par amendement à six autres professions de santé disposant d'un ordre : chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues. La mise en oeuvre effective devrait s'échelonner sur les deux prochaines années.
- Praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)
Le projet de loi ouvre l'accès aux contrats d'engagement de service public (CESP) aux praticiens à diplôme hors Union européenne, tandis que l'article 21 rénove la procédure d'autorisation d'exercice de ces derniers, en créant un statut unique de "praticien associé en intégration", en remplacement des trois statuts existants de contractuels associés. Quant aux Padhue en poste dans un établissement de santé au 31 octobre 2018 (et non au 31 décembre comme initialement prévu, ce qui permet d'inclure tous les Padhue en poste en 2018), ils pourront solliciter l'accès au plein exercice après examen de leur dossier auprès d'une commission régionale de spécialité créée pour la circonstance, puis de la commision nationale d'autorisation d'exercice. Un amendement prévoit qu'ils pourront faire valoir toute expérience salariée en établissement de santé, et pas seulement une fonction médicale.
- Les internes et médecins retraités autorisés à établir les certificats de décès
Un amendement LREM prévoit que "dans les zones où le manque de médecin ne permet pas d’établir un tel certificat dans des délais décents", les médecins retraités volontaires et inscrits à l'Ordre pourront être sollicités, moyennant rémunération. Les internes en phase d'approfondissement seront également autorisés à rédiger les certificats, notamment à l'hôpital, dès lors d'un maitre de stage valide cette capacité.
- Zones sous-denses
Le dispositif de médecin adjoint, qui permet à un interne en dernière année d'assister un médecin généraliste en cas d'afflux saisonnier ou exceptionnel de population, jusqu'ici réservé aux zones touristiques, est étendu par l'article 5 à l'ensemble des zones sous-denses "ou lorsqu'il est constaté une carence particulière par l'Ordre". Un amendement du Gouvernement prévoit de réviser "tous les deux ans" les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante, notamment en vue de l'attribution des CESP. Parce qu'"une zone bien dotée en médecins généralistes peut être par exemple dépourvue en ophtalmologues", le député LREM Olivier Véran a par ailleurs fait voter un article additionnel visant à réformer le maillage des zones sous-denses, qui conditionnent les dispositifs incitatifs à l'installation, afin de prendre en compte la densité par spécialité et non plus seulement celle de la médecine générale. D'après le ministère, les premiers travaux devraient porter sur la mise au point d'un zonage propre aux ophtalmologistes et gynécologues.
- Statut de praticien hospitalier et de consultant
L'article 6 habilite le Gouvernement à créer par ordonnance un statut unique de praticien hospitalier (fin de la dichotomie temps plein/temps partiel) et à supprimer le concours d'accès à ce statut. Objectif : faciliter l'entrée dans la carrière, diversifier les parcours professionnels et développer l'exercice mixte hôpital-ville. "C'est une volonté des jeunes médecins, qui ne veulent plus faire toute leur carrière uniquement à l'hôpital", assure le ministère de la Santé. Plébiscitant le statut unique, le SNPHARE s'inquiète des conséquences de la suppression du concours avec nomination nationale. "Voulez-vous vraiment que désormais, sous couvert de modernisation et de souplesse, les praticiens soient nommés localement, par une gouvernance à laquelle ils seront aux ordres, nommables et révocables, et sous influence ?", interpelle le syndicat de praticiens dans un communiqué, appelant à "redonner de l'attractivité" au métier plutôt que d'inciter à exercer dans le privé. Le projet de loi de santé prévoit en outre la révision des conditions de recours à l'emploi contractuel par un contrat unique, qui pourra permettre à des médecins libéraux d'intervenir à l'hôpital "dans des conditions beaucoup plus attractives", notamment en matière de rémunération. En conséquence, le recours aux médecins intérimaires pourrait être réduit. Par ailleurs, un amendement conditionne la prorogation d'exercice des PU-PH après l'âge de la mise à la retraite d'office (période de consultanat) à un exercice partiel dans un hôpital non universitaire. Ces médecins "à forte renommée", accompagnées de leurs étudiants et internes, renforceront l'attractivité de ces établissements périphériques.
- Territoire de santé
Un amendement grave dans le marbre le principe de responsabilité collective d'un territoire de santé : "L’ensemble des acteurs de santé d’un territoire est responsable de l’amélioration de la santé de la population de ce territoire, ainsi que de la prise en charge optimale des patients de ce territoire". L'article 7 créé quant à lui "le projet territorial de santé", qui réunira les projets de santé des CPTS et de l'ensemble des établissements de santé du territoire. La CSMF redoute à ce titre que les médecins libéraux se retrouvent "noyés dans une technostructure", "aux ordres des GHT dirigés par l'hôpital de référence".
- Vaccination par les sages-femmes
Depuis 2016, les sages-femmes peuvent vacciner les femmes enceintes, les nouveau-nés ainsi que leur entourage. Un amendement vient élargir encore cette compétence en autorisant les maïeuticiennes à prescrire et pratiquer des vaccinations auprès des enfants dans des conditions définies par décret. "Dans la logique de simplification du parcours vaccinal, j'ai saisi la Haute autorité de santé d'un avis sur l'élargissement des capacités vaccinales des professionnels de santé, dont les sages-femmes. Son avis doit être rendu courant 2019 mais cet amendement permet d'ouvrir la voie, même s'il reviendra à la HAS de se prononcer et à un arrêté de fixer les vaccins autorisés", a précisé Agnès Buzyn.
- Nouvelles compétences des infirmières
Un article additionnel, issu de deux amendements LREM, étend les marges de manœuvre des infirmières en les autorisant à adapter la posologie de certains traitements sur la base d'analyses biologiques (sauf indication contraire du médecin et avec obligation d'en informer le médecin traitant) et à prescrire des produits antiseptiques et du sérum physiologique.
- Montée en puissance des pharmaciens
Les députés ont voté plusieurs amendements octroyant de nouvelles missions aux pharmaciens. Malgré l'opposition des syndicats de médecins libéraux, ils ont notamment créé un article additionnel autorisant les pharmaciens, à compter du 1er janvier 2020, à délivrer sans ordonnance des médicaments normalement soumis à prescription pour traiter des pathologies simples mais qui nécessitent un traitement rapide : cystites aiguës, angines, conjonctivite…
Un autre amendement consacre le statut de pharmacien "correspondant" du patient chronique, dont il pourra renouveler le traitement, voire adapter la posologie. Outre la grippe, les pharmaciens seront par ailleurs autorisés à pratiquer d'autres vaccinations et à prescrire certains vaccins dont la liste sera fixée par arrêté. Enfin, le pharmacien est également autorisé à remplacer un médicament prescrit en cas de rupture d'approvisionnement susceptible de mettre en jeu le pronostic vital du patient ou d’entrainer une perte de chance importante et ce, "sans l'accord exprès et préalable du prescripteur", mais en suivant les recommandations de l'ANSM.
- Labellisation et missions des hôpitaux de proximité
C'est la première étape de la refonte de la carte hospitalière voulue par le Gouvernement. Ces hôpitaux de proximité "assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent, conformément au principe de pertinence des soins, vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins", précise l'article 8 du projet de loi. Les missions de ces établissements devaient initialement être définies par ordonnances. Mais face aux inquiétudes soulevées par cette procédure, le Gouvernement a finalement déposé un amendement comblant les blancs et ouvrant grand les portes de ces établissements à la médecine de ville. Les hôpitaux de proximité auront pour mission d'apporter "un appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l'offre de soins pour répondre aux besoins de la population, notamment le cadre hospitalier nécessaire à ces acteurs pour y poursuivre la prise en charge de leurs patients lorsque leur état le nécessite", stipule le texte, permettant le cas échéant aux libéraux d'y exercer. Les hôpitaux de proximité "favorisent la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité et leur maintien dans leur lieu de vie, en liaison avec leur médecin traitant" et "participent à la prévention et la mise en place d’actions de promotion de la santé sur le territoire". Ces établissements – 500 à 600 – "exercent une activité de médecine, offrent des consultations de diverses spécialités, disposent de ou donnent accès à des plateaux techniques d’imagerie et de biologie médicale" mais "n’exercent pas d’activité de chirurgie ni d’obstétrique". En fonction des besoins de la population et "de l'offre de soins", ils peuvent néanmoins être amenés à assurer des urgences, des activités prénatales et postnatales et des SSR, ainsi que des soins palliatifs. "A titre exceptionnel", ils pourront proposer de la chirurgie, prévoit un amendement voté in extremis. Cette autorisation sera strictement encadrée : la ministre de la Santé fixera par arrêté la liste des actes concernés, après avis de la HAS, et le directeur général de l'ARS accordera les dérogations aux établissements "au cas par cas". Les modalités de gouvernance de ces établissements seront définies par ordonnances. De même, l'article 9 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnances le régime d'autorisation des activités.
- Des GHT tout-puissants
L'article 10 du projet de loi de santé rend obligatoire au 1er janvier 2021 la création de "commissions médicales de groupement" au sein des GHT et mutualise les ressources humaines médicales. Il ouvre par ailleurs, par le biais d'un droit d'option, la possibilité de mutualiser des fonctions supplémentaires, comme la trésorerie, pour les GHT volontaires.
- Numérique en santé
Une plateforme de données de santé, créée en remplacement de l'INDS (article 11)*, rassemblera en une seule base sécurisée l'essentiel des données générées par des actes médicaux remboursés. Ce "Health data hub", plébiscité par le rapport Villani, sera notamment exploité par des chercheurs et nourrira les méthodes d'intelligence artificielle. A compter du 1er janvier 2022, tous les patients pourront créer un "espace numérique de santé", un compte personnel en ligne pour accéder notamment au dossier médical partagé. Automatiquement ouvert pour les enfants nés après cette date, l'espace numérique permettra aussi à l'usager de fournir des renseignements sur la personne de confiance, des données relatives au don d'organe, voire des constantes de santé produites par des applications (rythme cardiaque, activité physique...). Il permettra aussi d'accéder aux données relatives au remboursement de ses dépenses de santé, grâce à l'intégration du service Améli.fr. Le coût de la mise en œuvre de l'espace numérique de santé est estimé à 50 millions d'euros pour la période 2019-2022.
- Télésoin
Pour aller au-delà de la télémédecine et ouvrir la pratique aux autres professionnels, le texte (article 13) autorise une activité à distance pour les paramédicaux et les pharmaciens.
- Prescription dématérialisée
L'article 14 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure favorisant le développement des ordonnances dématérialisées. "Les arrêts de travail sont prescrits, sauf exception, de manière dématérialisée par l’intermédiaire d’un service mis à la disposition des professionnels de santé par les organismes d’assurance maladie", complète un amendement.
- Assistants médicaux
Alors que les négociations conventionnelles se poursuivent, un amendement du rapporteur général Thomas Mesnier sécurise la pratique de ces futurs professionnels, à mi-chemin entre la secrétaire et l'infirmière, en les autorisant à accomplir des gestes soignants (prise de constantes, réalisation d'examens simples) "dans la limite de leur formation".
- Prévention des conflits d'intérêts
Un amendement du Gouvernement à l'article 23 "vise à interdire l’offre de tout avantage aux étudiants en santé pour mettre un terme à des pratiques d’influence qui perdurent dans les lieux de formation". Jusqu'ici, des dérogations existaient, notamment en matière d'hospitalité pour des congrès.
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus