Loi de santé : Thomas Mesnier désamorce les craintes des médecins libéraux

13/03/2019 Par Fanny Napolier
Politique de santé
Médecins isolés, capacité de formation des universités, certificats médicaux absurdes… A la veille de l'examen par l'Assemblée nationale de la loi de Santé, le député et rapporteur Thomas Mesnier revient sur les sujets qui ont marqué l'actualité des médecins. L'urgentiste entend rassurer ses confrères et les incite à s'emparer des nouveaux outils mis à leur disposition sur les territoires.

  Egora.fr : Vous avez fait bondir de nombreux médecins en disant que "l'exercice isolé du médecin est fini". Qu'entendez-vous par exercice isolé ? Aujourd'hui les médecins, même seuls en cabinet, exercent en réseau… Dr Thomas Mesnier : Je reprenais les termes du président de la République quand il a fait les annonces du plan "Ma Santé 2022", en septembre dernier. L'idée est de dire : il y a encore des médecins, soit en cabinet seul, soit à deux ou trois, mais qui ne parlent pas ou ne se coordonnent pas avec les professionnels qui sont à 300 ou 400 mètres. L'évolution des pratiques tend vers plus de soins coordonnés, plus de travail en équipe et l'impulsion que l'on souhaite donner, c'est la mise en réseau des professionnels de santé de ville via les CPTS. C'est vers ce modèle-là que l'on souhaite aller.   Vous ne ciblez pas particulièrement le médecin seul en cabinet, qui exerce en réseau sur son territoire ? Absolument pas. La volonté, c'est vraiment d'aller vers plus de soins coordonnés pour gagner des marges de manœuvre, gagner du temps médical. Le but, c'est la mise en réseau des professionnels.   Concernant les CPTS, mais aussi ce qui se dessine pour les assistants médicaux ou la part de paiement au forfait, certains médecins redoutent ce qu'ils appellent une fonctionnarisation, ou en tout cas un contrôle accru de leur exercice libéral. Comment les rassurer ? La diversification des modes de rémunération est dans l'air du temps. C'est quelque chose qui est demandé plutôt par les jeunes. Pour autant, il n'est pas du tout question de supprimer le paiement à l'acte et ce modèle de tarification. Bien sûr, nous ne voulons changer de modèle. Il est important de conserver la médecine libérale telle qu'elle existe. Simplement, nous voulons évoluer vers des pratiques en équipe, en laissant par ailleurs toutes les modalités de l'exercice pratique. Avec les CPTS, on ouvre un cadre dans lequel on souhaite que les professionnels de santé s'engagent pour travailler plus en équipe. Mais il n'est pas question de dire aux professionnels comment ils doivent s'organiser à l'intérieur de ces CPTS. On les invite à s'emparer de ce cadre, qui est une structure associative type loi 1901 assez souple, et on leur demande de s'organiser. L'organisation de la CPTS A en Charente n'aura pas la même organisation que la CPTS B qui sera dans le Rhône. C'est vraiment à l'initiative des professionnels, en fonction des forces en présence sur le territoire et des besoins de la population.   Votre groupe a déposé un amendement qui propose une "coercition à titre expérimental". Quelle est votre positon sur le sujet ? Ce n'est pas mon groupe, mais certains députés du groupe. C'est différent. Ça me donne l'occasion de vous répéter qu'on repoussera de façon systématique tout amendement coercitif. Il faut au contraire soutenir la médecine libérale : mettre en place des mesures coercitive serait contre-productif pour l'accès aux soins, et contre-productif pour l'attractivité de la médecine libérale. Ce sont de mauvaises idées.   Concernant la formation, vous anticipez une hausse de 20 % des effectifs en médecine. Comment augmenter le nombre de médecins formés sans augmenter les capacités de formation ? Ce chiffre de 20 % est revenu après les auditions et vient essentiellement de la part des doyens. Ils considèrent qu'on pourrait déjà augmenter de 20 % les effectifs au regard de leurs capacités d'encadrement à la faculté et en stage.   Plus de 10 000 médecins ont signé une pétition contre "l'abattage en médecine". Avez-vous eu des échanges avec eux ? Que pensez-vous de leurs propositions ? J'ai eu quelques échanges avec certains d'entre eux via Twitter.  J'ai lu la pétition, j'ai lu les propositions qu'ils font. Certaines trouvent un écho chez moi. Mais il se trouve que beaucoup ne sont pas d'ordre législatif mais réglementaire. Ça peut paraître obscur vu de l'extérieur, mais cela veut dire que le parlementaire n'a pas de moyen d'action, hormis le fait d'en discuter avec le cabinet ministériel – ce que je m'emploie à faire notamment pour ce qui est des mesures de simplification administrative. La surcharge administrative est montrée du doigt, notamment pour les certificats cités par la pétition. Je me souviens que l'Ordre a fait des rappels concernant les certificats, pour autant les médecins sont encore contraints de rédiger des certificats pour des compétitions d'échecs. Ce qui me semble déraisonnable. Il faut que l'on parvienne à résoudre ce problème.   Au-delà des compétitions d'échecs, ils proposaient de supprimer l'obligation d'un certificat médical pour les arrêts de travail de moins de deux ou trois jours. Qu'en pensez-vous ? Sur ce sujet comme sur les autres, il faut voir la proposition mais aussi les conséquences qu'elle pourrait engendrer. Je n'ai pas de tabou. Je suis prêt à regarder tous les sujets. Pour autant, il est un peu prématuré d'envisager cette solution pour le moment.   Un chirurgien urologue s'est suicidé la semaine dernière. La profession médicale est plus à risque de burn-out et de suicide que d'autres professions. Que faites-vous sur ce sujet ? C'est un travail de longue haleine qu'il faut faire avec les professionnels de santé. Je pense que la réorganisation du système va contribuer à améliorer son efficience et à diminuer la pression sur les professionnels. Il y a aussi tout ce qui est réforme du financement à l’hôpital, avec moins de tarification à l'activité, ce qui va permettre de diminuer la pression sur les équipes. Il y a des travaux à mener. Agnès Buzyn s'est emparée des dossiers pour améliorer la qualité de vie à l'hôpital mais pas seulement. Le travail en équipe sur les territoires participe aussi d'un soutien. La réforme, par ses différents mécanismes, peut permettre d'améliorer le système et donc la qualité de vie au travail.   Si Agnès Buzyn est nommée tête de liste aux européennes, vous serez nommé ministre ? Agnès Buzyn est ministre de la Santé. C'est une excellente ministre de la Santé. Je suis absolument ravi de travailler cette loi avec elle depuis plusieurs mois. Elle sera à côté de moi en commission des Affaires sociales, puis dans l'Hémicycle la semaine prochaine.                                           Pour la seconde lecture aussi, après les européennes… ? Je suis pleinement engagé sur ce projet de loi avec elle, et je suis ravi qu'il en soit ainsi.

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