La prise en charge pluriprofessionnelle des maladies chroniques a été au cœur d'un colloque* qui s'est tenu à l’Académie nationale de médecine, en clôture des InterPros de la Santé, une série de rencontres nationales et régionales qui se sont déroulées durant 18 mois, organisées par Le Concours médical sous l’égide d’un comité scientifique et pédagogique.
Le système de santé français reste parmi les meilleurs du monde, au moins dans les apparences, notamment du fait de l’excellence de la prise en charge des situations aiguës graves dans des établissements, publics ou privés, où exercent des professionnels aguerris disposant des moyens les plus sophistiqués. A l’autre bout de la chaîne, les situations aiguës bénignes sont tout aussi remarquablement prises en charge par la médecine ambulatoire de premier recours. Mais entre les deux se développe un besoin croissant, celui des maladies chroniques, auquel notre système de santé répond mal du fait d’une organisation inadaptée. C’est sur ce constat que le Pr André Grimaldi a ouvert le colloque "les soins primaires à l’heure des évolutions organisationnelles" organisé par le magazine professionnel Le Concours médical, avec le soutien institutionnel de MSD – Parcours de santé. Organisé à l’Académie nationale de médecine, ce colloque venait clore un ensemble de réunions nationales et régionales, Les InterPros de la Santé, organisées par Le Concours médical sous l’égide d’un comité scientifique et pédagogique représentatif de cette pluriprofessionnalité appelée à relever les défis des maladies chroniques. Car sous le double effet du progrès thérapeutique et du vieillissement de la population, le nombre de patients chroniques croît de façon exponentielle : 16 millions actuellement, sans doute plus de 20 millions en 2020 selon les projections de la CNAM, dont la moitié relevant du régime des affections de longue durée (ALD). Et ces patients chroniques seront de plus en plus complexes car avec le vieillissement apparaissent davantage de comorbidités chez une même personne comme cela avait été bien illustré par Barnett et coll. (Lancet, 2012) montrant par exemple que dans la tranche d’âge 70-74 ans, 30 à 40% de la population présente deux pathologies ou plus. Que faire pour que ces patients puissent suivre un parcours de santé optimal, faisant appel à des compétences diverses mais organisées les unes par rapport aux autres ? La réponse s’impose d’elle-même par son évidence : faire en sorte que les professionnels de santé requis par les besoins de santé d’un patient chronique se coordonnent et agissent de concert. Mais pour évidente qu’elle soit, cette réponse reste difficile à mettre en œuvre tant notre système de santé a pris ses habitudes en fonction des besoins passés, avec une organisation qui tient plus des tuyaux d’orgue que d’une vision horizontale et transversale adaptée au parcours de santé du patient chronique. Un livre blanc édité à 20.000 exemplaires C’est sur cette thématique que se sont multipliés durant 18 mois les réunions des InterPros de la Santé, révélant un foisonnement d’initiatives sur le terrain. Cette richesse se heurte malheureusement à la pauvreté des soutiens reçus d’en haut, du système de santé lui-même, pour lequel le politique ne manque pas d’ardeur pour concevoir des lois programmatiques (loi HPST en 2009, loi de modernisation de notre système de santé en 2016) mais peine à faciliter les évolutions organisationnelles que devraient pourtant imposer les besoins de santé actuels. Si bien qu’Elisabeth Hubert, présidente de la FNEHAD (fédération nationale de l’hospitalisation à domicile) et ancienne ministre de la santé encourage Agnès Buzyn à ne pas se laisser tenter à son tour par une nouvelle loi programmatique mais à se concentrer sur ces évolutions organisationnelles tant nécessaires. Les InterPros de la Santé ont ainsi rédigé un Livre Blanc qui, au fil de ses 112 pages, retrace l’évolution récente des besoins de santé et fait quelques recommandations devant permettre au système de santé de s’adapter au virage ambulatoire. Tiré à 20.000 exemplaires, cet ouvrage présenté par le Dr Jean-Bernard Rottier (ophtalmologiste, ex-Président du SNOF) sera diffusé cet automne par Le Concours médical et par les délégués de MSD – Parcours de santé. Parmi les recommandations que porte cet ouvrage, le recentrage du médecin sur ses compétences, ce qui suppose l’émergence de nouveaux métiers à l’exemple du coordonnateur du parcours de santé des patients. C’est aussi une évolution des modes de rémunération, le paiement à l’acte ayant montré ses limites dans la prise en charge du patient chronique. Une dizaine de recommandations de cette nature sont faites et le lecteur appréciera certainement de pouvoir prendre connaissance d’initiatives mises en œuvre, en France ou à l’étranger, et qui sont autant de sources d’inspiration. Parmi les initiatives menées sur notre territoire national, Les InterPros de la Santé ont voulu en promouvoir certaines pour leur exemplarité. C’est ainsi que les Trophées des InterPros ont été lancés en 2016 et parmi la cinquantaine de dossiers de candidature, 4 initiatives ont été retenues par le comité scientifique et pédagogique des InterPros :
- L’association Espace Vie (Essonne) qui reçoit le Trophée du travail en équipe pluriprofessionnelle, notamment pour sa plateforme de coordination de soins primaires.
- La Place Santé (Saint-Denis) qui se voit décerner le Trophée des nouveaux métiers de la santé pour les médiatrices qui assurent le lien entre une population souvent précaire et l’offre médicosociale.
- E-Care (Strasbourg) distingué par le Trophée de l’innovation au service de la coordination, E-Care étant un service de télésurveillance médicalisée et intelligente de patients insuffisants cardiaque.
- MoiPatient.fr (association Renaloo) reçoit le Trophée du patient actif en raison de sa capacité à impliquer davantage le patient dans la gestion de sa maladie rénale.
L’optimisme de la nouvelle génération Le retard à mettre en œuvre les évolutions organisationnelles évoquées dans ce Livre Blanc et lors du colloque explique sans aucun doute autant le désenchantement d’acteurs du premier recours épuisés par un système désormais inadapté, que le manque d’attractivité de l’ambulatoire pour les jeunes diplômés. Mais certains savent devancer ces évolutions comme a pu en témoigner le Dr Juliette Pinot, médecin généraliste récemment installée à Suresnes. Avec deux autres généralistes, une sage-femme, une psychologue clinicienne, une infirmière, une orthophoniste et deux pédicures-pédologues, sans oublier un patient-expert, Jean-Luc Plavis, Juliette Pinot a porté ce projet de maison de santé pluridisciplinaire, un mode d’exercice lui permettant de répondre de manière adaptée à des besoins de santé complexes, de conserver un mode de travail collaboratif permettant de progresser en équipe de soins primaires. Tout cela en pouvant organiser aussi sa vie universitaire, Juliette est chef de clinique au département de médecine générale de Paris-Descartes, sans pour autant mettre sa vie familiale entre parenthèses ! *D’après le colloque Les Interpros de la Santé – Les soins primaires à l’heure des évolutions organisationnelles, à l’Académie de médecine le 29 juin 2017 organisé par le magazine professionnel Le Concours médical, avec le soutien institutionnel de MSD – Parcours de santé.
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