50 euros la consultation, ce n'est pas "extravagant" : l'UFML a fait les calculs
"Avec le Covid, on a pris des risques, on n'a jamais baissé la garde. Et on est remerciés pour ça à 26.5 euros", lance, amer, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML. Lors d'une conférence de presse organisée quelques heures avant sa séance de négociation "bilatérale" avec la Cnam, le syndicat a présenté dans un rapport sa proposition pour un nouveau modèle économique de la médecine libérale mettant fin au "stakhanovisme" actuel qui pousse à multiplier les actes pour obtenir une rémunération satisfaisante. Le fruit d'un "travail de 3 mois", sourcé avec des données de l'Insee, de la Carmf ou de la Drees (faute d'obtenir celles de l'Assurance maladie), analysées avec le concours de l'économiste Frédéric Bizard.
Non seulement les dernières conventions n'ont pas amélioré l'accès aux soins, poussant un nombre croissant de médecins vers le salariat, mais elles ont conduit à une "perte d'indépendance" des médecins libéraux, de plus en plus "subventionnés en contrepartie de tarifs déconnectés des réalités économiques", pointe ainsi l'UFML. "Les dépenses des médecins généralistes ont crû de 1,1% par an lors de la dernière décennie, soit 2,5 fois moins vite que la hausse des dépenses totales de soins (2,8%). Cette croissance est due principalement à la hausse des forfaits et aides diverses (+528 %) sachant que les dépenses liées aux honoraires ont baissé de 6 % en 10 ans. La part des forfaits dans les dépenses de médecins généralistes est passée de 3% en 2011 à 17% en 2021."
Dans le même temps, la valeur réelle de l'acte s'est effondrée avec l'inflation. "La valeur du C a perdu 14% en valeur réelle depuis 2017, pour valoir en 21,5 euros en 2023 en euros constants (base 2017)."
Conséquence, les revenus réels des 95% de généralistes en secteur 1 ont baissé de 2,1% de 2017 à 2020 et ceux des spécialistes ont stagné à 0.2%, grâce au secteur 2.
Un C à 30 ne vaudrait plus que 26 euros constants (de 2023) en 2028, alerte l'UFML. "Toute revalorisation du C à 30 euros n’apporterait donc aucune hausse réelle de la rémunération aux médecins libéraux", et ne "dégagerait aucun moyen supplémentaire pour améliorer les conditions d'exercice", juge le syndicat, qui plaide pour un "choc d'attractivité" pour la médecine libérale afin de susciter des installations et d'améliorer l'accès aux soins. "La médecine de ville est la seule à même de mailler le territoire, et la seule à même de sauver l'hôpital public", martèle Jérôme Marty.
Le syndicat propose ainsi de porter progressivement, sur la durée de la convention, le tarif de la consultation à 50 euros, et de l'indexer sur l'inflation dès 2023. Une revendication qui n'a rien d'"extravagante", rétorque Jérôme Marty, répondant aux propos du directeur de la Cnam dans Le Figaro, lundi. "Nommer indécent le fait qu'une profession demande à ce que ses représentants soient valorisés à hauteur de la moyenne européenne nous montre bien que le Gouvernement actuel n'entend pas miser sur la médecine libérale", lance-t-il.
Pour soutenir la valeur de l'acte à 50 euros, l'UFML propose de prendre sur les contrats, forfaits et autres aides qui sont jugés inutiles et s'apparentent à des "usines à gaz". "Les 265 millions d’euros en 2021 (6580 euros par médecin) consacrés à la Rosp seraient mieux utilisés comme ressources pour revaloriser l’acte (+1.3 euro/acte)", estime le syndicat. Même chose pour le forfait structure, pour les dépenses liées aux CPTS, aux dispositifs d'aide à la coordination (DAC), aux plateformes territoriales d'appui (PTA) … Des contrats et forfaits actuels, seul le forfait patientèle médecin traitant devait être conservé, juge l'UFML, qui veut doubler son montant et ajouter une prime de 50% pour les patients venant d'un désert médical. Le syndicat prône également une simplification de la nomenclature, "qui peut aller jusqu’à la suppression de la valorisation spécifique des consultations complexes".
Au total, le syndicat calcule que, selon les scénarios, ces mesures d'économies permettraient de dégager entre 1.2 et 3.1 milliards d'euros courants en 2027.
"La revalorisation de la consultation à 50 euros est la seule voie qui conduira à intégrer dans une consultation la composante prévention qui doit être systématisée dans toute consultation" et d'aller vers une forme de "sobriété sanitaire", développe l'UFML. Une meilleure qualité des soins doit conduire à réduire les dépenses liées aux pathologies chroniques ou encore aux addictions, escompte le syndicat. "Si on prend l’hypothèse qu’une meilleure qualité de prise en charge des patients en soins primaires peut faire baisser l’évolution naturelle de ces dépenses ALD et de soins liés aux addictions de 5% sur 5 ans, le retour sur investissement est compris entre 160% et 550%, soit une moyenne de 400%. Pour 1 euro de revalorisation, le retour sur investissement (ROI) est compris entre 2.6 euros et 6.5 euros soit en moyenne de 5 euros", calcule l'UFML.
Organisées par l'UFML les 3 et 4 mars à Paris, les "Assises du déconventionnement" affichent complet, avec 700 participants attendus en présentiel et plusieurs milliers en ligne, annonce Jérôme Marty. "Cela traduit un profond ras-le-bol, pour ne pas dire la colère", dont le directeur de la Cnam devrait "tenir compte", avertit le généraliste, qui s'est senti visé par la tribune de Thomas Fatôme. Le président du syndicat se défend d'inciter les médecins libéraux au déconventionnement. "Nous, on n'a pas envie de sortir du système de santé solidaire", mais "on ne peut pas laisser les confrères partir seuls, avec tous les dangers que ça représente". L'UFML annonce qu'il collectera les "lettres de promesses de déconventionnement", afin d'alerter les pouvoirs publics. A charge pour eux de bâtir une convention à la hauteur des attentes des médecins.
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