Le jour où j'ai fait atterrir un avion

13/08/2020 Par Petitbobo
Témoignage
"Pas moyen d'échapper à ce métier!". Médecin ou carabin, vous êtes nombreux à avoir dû ressortir le stétho alors que vous profitiez de vacances bien méritées. Sur la plage, à la montagne ou dans l'avion : vous nous avez confié vos aventures.

  "Il y a une vingtaine d'années, à l'issue d'un passage en Afrique de l'Ouest, je suis victime d'un surbooking et on me "greffe" sur un vol Dakar-Marseille (environ 5 heures). Il s'agit d'un charter, classe économique unique, plein comme un oeuf. D'emblée je suis frappé par l'odeur d'haleines éthyliques. Il s'agit d'un vol retour, de nuit, d'un village de vacances à petits prix, pratiquant le All Inclusive ! Et de fait, les passagers ont bien profité du all inclusive en attendant l'heure de quitter leur lieu de vacances en pleine nuit. Il devait être 4 h du matin. Ils étaient tous ivres morts, affalés, endormis. L'avion se remplit. Je remarque l'embarquement difficile d'une dame forte et vraiment très âgée, accompagnée d'une jeune femme. Je suis surpris de la trouver là, au milieu de tous ces pochtrons. On décolle. Une ou deux heures après le décollage, l'équipage demande s'il y a un médecin dans l'avion. J'y vais avec ma carte, sans entrain, craignant d'être appelé pour un ivrogne restituant sa bouffe de village de vacances. C'était pour la vieille dame, qui n'allait pas bien du tout. Son accompagnatrice ne la connaissait pas, elle était juste payée pour prendre l'avion avec elle.   Détresse respiratoire extrême La vieille dame habitait Dakar, fatiguée elle rentrait en France pour rejoindre ses enfants. L'accompagnatrice m'assure qu'elle a pris froid en se baignant et c'est pour ça qu'elle a une bronchite et qu'elle respire mal ! En fait elle était en détresse respiratoire extrême. Je demande la "boite à outils" du bord censée contenir de quoi l'examiner et des médications d'urgences. Il n'y en avait pas. Me voilà la tête entre son pauvre dos glacé et le dossier du siège économique dont on ne peut la bouger... C'était un OAP énorme. Elle était en train de mourir, pâleur, sueurs, yeux révulsés. J'annonce à l'équipage la nécessité de la faire hospitaliser d'urgence. Dans le sac à main de la dame, je trouve une boite de Lasilix, je lui en fait avaler 4 comprimés ! On me fait entrer dans la cabine de pilotage (ça se faisait à l'époque...) et je convaincs facilement le pilote de se poser dès que possible. J'assiste alors à la discussion entre les pilotes. Où se poser ? On est au-dessus de la Mauritanie, ce serait imprudent. L'équipage opte et contacte Casablanca. J'indique au pilote ce qu'il faut dire à l'aéroport de l'état de santé de la passagère. "On" a l'accord pour se poser. À part les passagers voisins de la malade que j'ai "dérangés" dans leur état comateux, le reste de l'avion dort la bouche ouverte. L'avion se pose au tout petit matin. Une ambulance genre SAMU nous attend. Et là problème ! il est trop tôt, le personnel de l'aéroport chargé d'installer l'escalier n'est pas encore arrivé ! Comment la descendre ? S'ensuit une conversation, en hurlant, entre le médecin du samu en marocain et moi en tunisien (c'est pas pareil!), sur l'état de la malade, et toutes ces choses sur elle que j'ignore... et ça tarde... l'attente est interminable...on meuble... Je suggère qu'ils me jettent de quoi la traiter, mais ils veulent la voir, (ce que je conçois à postériori). Les alcooliques se réveillent, entendent parler arabe, se demandent où ils sont et commencent à râler. L'équipage veut repartir. Je sens que si la dame se réveille miraculeusement en pleine forme, je vais me faire lyncher ! Le personnel de l'aéroport finit par "embaucher", tranquille, et la dame est évacuée. À mon avis elle est décédée là-bas. Je n'ai jamais pu savoir, pas seulement à cause du secret médical mais parce que la compagnie d'aviation à fait faillite. À cause de moi ?"

Une autre (plus courte !)

"C'était sur un long vol vers l'Asie. L'équipage demande s'il y a un médecin dans l'avion. Le temps de prendre ma carte professionnelle j'y vais. Une dame âgée était allongée sur le sol tout à l'arrière "dans les vap" un confrère (encore plus vieux que moi !) agenouillé à ses côtés. J'attends respectueux. Il me sent à ses côtés, se tourne vers moi, il a l'air inquiet. Il me demande ma spécialité. Et se lève comme un ressort en me disant " à vous...moi je suis gyneco !". Il aurait eu son heure de gloire s'il c'était agi d'un accouchement. Moi j'ai hérité d'une dame qui m'a dit qu'elle faisait de la tétanie, c'est moins glorieux..."

Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?

Stéphanie Beaujouan

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