Financiarisation et indépendance des médecins : bataille juridique au Conseil d'Etat
Par une ordonnance du 12 septembre 2024, le juge des référés du Conseil d’Etat a apporté d’utiles précisions sur la notion de "contrôle effectif" qui doit être exercé par les médecins associés au sein de sociétés d’exercice libéral de médecins. Le Conseil d’Etat se prononcera, dans les prochains mois, sur le fond de cette affaire, à l'heure où la financiarisation de la santé fait débat.
Comme pour de nombreuses professions réglementées, les sociétés d’exercice de la profession de médecin sont soumises à des conditions strictes énoncées par la loi du 31 décembre 1990 (aujourd’hui abrogée et reprise par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023). Les médecins associés à une société doivent notamment en conserver le contrôle effectif, sous peine que la structure ne soit pas inscrite au tableau de l’ordre, ou qu’elle en soit radiée.
Constituée en 2011 sous la forme d’une société d’exercice libéral (SEL) à responsabilité limitée, la société Imapole regroupait uniquement des médecins radiologues. En 2020, ses associés ont décidé de la transformer en société d’exercice libéral par actions simplifiée et de céder un quart de son capital à la société ImaOne.
Radiation suspendue
Contrairement à Imapole, ImaOne n’est pas exclusivement composée de médecins, puisque des investisseurs financiers détiennent 16,8 % de son capital et 14,8 % de ses droits de vote.
Or, le conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône a, lors de son examen de ces modifications statutaires, considéré que les stipulations des statuts d’Imapole et du pacte conclu par ses associés entraînaient la perte du contrôle effectif de cette société par les médecins exerçant en son sein. Il a, par suite, radié cette société du tableau de l’ordre.
Après avoir estimé que la condition d’urgence était remplie, le juge des référés a toutefois jugé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de cette décision de radiation et que les médecins paraissent bien détenir le contrôle effectif d’Imapole.
Pour ce faire, il a estimé que les stipulations statutaires qui prévoient un quorum de 80 % sur première convocation et 20 % sur seconde convocation pour les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’existence de ce contrôle, pas plus que celles prévoyant l’attribution de 99,90 % des dividendes à ImaOne.
En outre, il n’existait, pour le juge des référés, aucun élément démontrant que le médecin dirigeant la société Imapole agissait de concert avec les investisseurs financiers d’ImaOne dans l’optique de privilégier la recherche du profit.
Il a de même été considéré que, si l’article R. 4113-12 du code de la santé publique autorise la détention du quart au plus du capital d’une SEL par une personne morale ne répondant pas aux qualités énoncées par le B du I de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990, cette disposition n’impose pas le contrôle effectif de cet associé minoritaire par les médecins exerçant au sein de la SEL.
Il convient enfin de préciser que le Conseil d’Etat se prononcera, dans les prochains mois, sur le fond de cette affaire et, qu’à cette occasion, il pourrait encore affiner son appréciation de la notion de contrôle effectif.
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