Séropositivité cachée d'un patient : un médecin peut-il en informer son partenaire ?
Si un médecin doit informer son patient de sa séropositivité, il ne peut en informer son ou ses partenaires. Tenu au secret médical, un médecin doit respecter la décision de son patient de ne pas révéler sa sérologie, mais tout mettre en œuvre pour l’inciter à le dire.
Dissimuler sa séropositivité et contaminer un ou plusieurs partenaires constituent des comportements passibles de poursuites et de condamnations pénales ou civiles. Les juridictions pénales condamnent régulièrement des personnes atteintes du VIH lorsque, en toute connaissance de cause, elles ont eu des relations sexuelles non protégées. Elles sont alors condamnées pour "administration volontaire d’une substance nuisible ayant entrainé une infirmité ou une incapacité permanente".
Dernièrement, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 14 mars 2024, a condamné la non-révélation d’une séropositivité, en la considérant comme une faute, génératrice de la contamination du partenaire sexuel. Pour la Cour de Cassation, la contamination subie par la victime est un préjudice réparable imputable à son ancien partenaire, alors qu’est rejetée toute faute de la victime pouvant limiter son droit à réparation car le fait d’avoir des relations sexuelles non-protégées, contrairement aux recommandations des autorités sanitaires, ne peut être constitutif à lui seul d’une faute, lorsque le partenaire a dissimulé sa séropositivité. Si les condamnations sont aujourd’hui plus fréquentes, elles nécessitent d’établir un lien de causalité certain ou suffisamment probable entre la faute (rapport sexuel non protégé) et le préjudice subi par la victime (la contamination).
Dans sa pratique quotidienne, un médecin peut être confronté à un patient porteur du VIH mais qui refuse d’en informer son partenaire. Tenu au secret médical, le médecin doit ainsi s’engager à ce que toutes les informations qui lui sont confiées par son patient, et dont il est le maître, soient strictement protégées "sous le sceau du secret".
Des propositions de la HAS
Même s’il existe des dérogations légales imposant ou autorisant la révélation du secret, énumérées notamment à l’article 226-14 du code pénal, le VIH ne fait pas partie des cas de dérogations légales. Toutefois, en raison du risque de transmission de sa maladie, un médecin doit informer son patient de sa séropositivité et le convaincre d’en informer son partenaire en lui expliquant les précautions à prendre pour éviter toute transmission. La persuasion est parfois insuffisante et le médecin peut se sentir frustré ou impuissant face à une simple incitation, même si celle-ci est pressante, pour que l’un de ses patients, qui vient d’apprendre sa séropositivité, prenne l’engagement d’en informer son partenaire afin qu’il puisse se faire dépister.
En l’absence de dérogation au secret médical en matière de VIH, la Haute autorité de Santé (1) a proposé de modifier la réglementation actuelle, avec le consentement du patient infecté, afin d’autoriser :
- Un tiers (professionnel de santé, association, médiateur…) à notifier au partenaire le risque de transmission, lorsque le patient infecté ne veut pas le faire lui-même pour des raisons qui lui appartiennent.
- Le médecin à remettre une ordonnance au patient au profit de son partenaire sans consultation préalable de ce dernier.
Ces mesures, visant à interrompre la chaîne de transmission, associées à des condamnations de plus en plus sévères des tribunaux, peuvent influer sur la décision d’un patient qui se refuserait à révéler sa sérologie.
(1) HAS, communiqué du 9 mars 2023 : "Notification des IST aux partenaires : des recommandations pour interrompre la chaîne de transmission"
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