Cigarette électronique : vers une épidémie de pneumopathie toxique ?

04/10/2019 Par Marielle Ammouche
Pneumologie

Alors que l’épidémie continue à croître, avec plus de 1000 cas et 18 décès recensés aux Etats-Unis, une première étude précise la physiopathologie des lésions pulmonaires observées chez les utilisateurs de e-cigarette. Réalisée à partir de biopsies provenant de 17 patients présentant des lésions pulmonaires associées au vapotage, cette étude est en faveur d’une toxicité directe due à des vapeurs chromiques toxiques. Et alors que des lésions de pneumopathie lipidique ont été un temps évoquées, les chercheurs n'ont trouvé aucune preuve de ce type d’anomalie. « Bien que nous ne puissions ignorer le rôle potentiel joué par les lipides, nous n'avons rien constaté qui pourrait suggérer qu’il s'agisse d'un problème causé par l'accumulation de lipides dans les poumons. Au contraire, il semble qu’il s'agit d'une sorte de lésion chimique directe, similaire à celles constatées avec les expositions aux fumées chimiques toxiques, aux gaz toxiques et aux agents toxiques », déclare Brandon Larsen (Mayo Clinic, Arizona, Etats-Unis). Les 17 patients analysés avaient vapoté, et 71 % d’entre eux avec du cannabis ou des huiles de cannabis. Tous présentaient des lésions pulmonaires aiguës, dont une pneumopathie. Deux des patients sont décédés. « Nous n'avons pas été surpris par nos résultats sur la toxicité, a déclaré le Dr Larsen, auteur principal de l'étude. Nous avons vu une poignée de cas, des cas individuels épars, au cours des deux dernières années, durant lesquelles nous avons observé les mêmes choses. Maintenant nous voyons un pic soudain dans les cas ». « Tout le monde devrait reconnaître que le vapotage n’est pas sans risques potentiels, y compris des risques mortels, et je pense que nos recherches le confirment », conclut-il. « D'après nos observations, il semblerait prudent d’explorer des moyens de mieux réglementer ce secteur et de mieux éduquer le grand public, notamment les jeunes, sur les risques associés au vapotage. »   Un rythme rapide Le dernier bilan fait état de 18 morts et 1 080 malades selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). En une semaine, six nouveaux décès et 275 nouveaux cas ont été recensés, selon les critères établis par les autorités sanitaires: la moitié des nouveaux malades correspondait à des cas anciens qui n'avaient pas été reconnus comme tels, et l'autre moitié à des personnes ayant été hospitalisées ces deux dernières semaines, alors que l'alarme est sonnée depuis le mois d'août. « Malheureusement, l'épidémie (...) continue à un rythme rapide », a déclaré Anne Schuchat, haute responsable des CDC, lors d'une conférence téléphonique avec la presse. « Nous n'observons pas de baisse dans l'occurrence de nouveaux cas ». Les premières enquêtes épidémiologiques ont mis en évidence le rôle potentiel de produits contenant du THC, le principal composé psychoactif du cannabis, ou d'autres huiles de cannabis, comme le cannabidiol ou CBD. 78% des malades pour lesquels des informations sont disponibles ont ainsi indiqué avoir consommé des recharges de vapoteuses au THC, l'agent psychoactif du cannabis. « Le marché noir nous préoccupe beaucoup », a déclaré Anne Schuchat. Certains États et ville (Massachusetts, San Francisco...) ont décidé d’interdire la vente de cigarettes électroniques ou les liquides aromatisés utilisés avec celles-ci, dans le but de ne pas attirer les jeunes générations. Les CDC recommandent aux enfants, jeunes adultes, et femmes enceintes de ne pas utiliser de e-cigarette. Et globalement, les autorités déconseillent le vapotage, surtout s'il s'agit de produits au cannabis et achetés à des dealers.   Pas de cause encore identifiée Plus de 400 échantillons sont dans les mains de l'agence fédérale de médicaments, la Food and Drug Administration, qui les analyse dans l'espoir de trouver l'ingrédient ou les ingrédients susceptibles d'avoir causé les lésions pulmonaires, parmi les nombreux additifs, solvants, huiles et arômes ajoutés dans les e-liquides pour couper le cannabis ou la nicotine. « Les échantillons que nous analysons donnent des résultats différents, et aucune substance unique n'a été identifiée », a précisé Judy McMeekin, de la FDA.

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