Dermatite atopique : favoriser l’accès aux nouvelles thérapies

07/06/2022 Par Muriel Pulicani
Dermatologie
L’arsenal thérapeutique, longtemps limité à des traitements locaux, s’enrichit de molécules ciblant le système immunitaire, avec l’espoir d’améliorer 100% des patients. Mais leur disponibilité en milieu hospitalier constitue un frein. Le point avec le Dr Marc Perrussel*, dermatologue et vénéréologue au CHU de Rennes. 
 

  Egora-le Panorama du Médecin : Quelle est la prévalence de la dermatite atopique en France ?

Dr Marc Perrussel : Elle touche environ 2 millions d’adultes. Chez les enfants, le terrain atopique devient généralement moins expressif avec le temps, tandis que certains sujets continuent dans une marche atopique : conjonctivite, allergies alimentaires, allergies respiratoires s’exprimant sous forme d’asthme, rhinite allergique ou toux spasmodique. La dermatite atopique n’est pas qu’une maladie de peau. Elle a un retentissement majeur sur la qualité de vie : insomnie liée au prurit sévère, saignements au niveau des plaques, lichénification…   Quelles sont les innovations thérapeutiques disponibles ? Jusqu’à présent, les traitements de base étaient des traitements locaux : émollients et dermocorticoïdes. La gravité de la dermatite est évaluée par différents scores : EASI et Scorad pour l’analyse clinique des lésions (présence de scoriations, d’érythème, de vésiculation), score de prurit, score d’insomnie. Plus les scores s’élèvent, plus on a recours à des traitements systémiques pour calmer le système immunitaire : la ciclosporine et le méthotrexate – qui a une autorisation de mise sur le marché (AMM) seulement dans le psoriasis. Aujourd’hui, on dispose en outre des biothérapies anti-interleukine (anti-IL) et anti-Janus kinases (anti-JAK), qui représentent une révolution.   Quel est leur mode d’action ? Plusieurs facteurs interviennent dans le développement de la dermatite atopique : le contexte génétique (hérédité), l’environnement, l’anomalie de la protéine qui doit assurer l’imperméabilité de la peau et qui laisse passer les allergènes, stimulant un système immunitaire hyperactif. L’axe de nouvelles thérapies est de restituer l’imperméabilité de la peau. Le dupilumab (Dupixent, Sanofi), anti IL-4 et IL-13, permet 60 % d’amélioration chez 70 % des patients. Les anti-IL améliorent aussi les manifestations asthmatiques. Le tralokinumab, (Adtralza LEO Pharma), anti IL-13, offre également de bons résultats. Les anti-JAK 1 et 2 (chez Lilly, AbbVie et Pfizer) agissent sur les récepteurs situés à la surface des cellules immunitaires.   Ces molécules sont-elles bien tolérées ? Les anti-IL4 et IL-13 entraînent un risque de conjonctivite et d’augmentation de l’éosinophilie, ce qui ne représente pas une contre-indication à la poursuite du traitement. Avec Adtralza, l’atteinte oculaire semble moins sévère. En revanche, avec les anti-JAK, il y a un risque de thrombose, d’embolie pulmonaire, de cytolyse et de troubles lipidiques. Une alerte quant à une probable augmentation du risque de cancer chez des patients polyarthritiques doit être confirmée par une étude en cours. La mise sous anti-JAK nécessite une surveillance biologique.   Quel est le schéma thérapeutique actuel ? Tout dépend de la gravité de la dermatite. Pour de petites plaques, l’hydratation et des traitements locaux suffisent. En cas d’eczéma sévère ne répondant pas aux traitements bien suivis, on pourra passer à un traitement systémique. La cyclosporine est prescrite en 1e intention à l’hôpital. Elle est renouvelable tous les six mois avec une surveillance de la tension et de la fonction rénale. En 2e intention, s’il n’y a pas de contre-indication, on peut prescrire un traitement systémique anti-IL. Les anti-JAK viennent en 3e intention.   Quelles sont les autres molécules à l’étude ? Il y a tout un arsenal de biothérapies dans le pipeline : anti-IL31 dans le prurit, anti IL-22… Nous visons 100 % d’amélioration. Aujourd’hui, le problème majeur est la non-accessibilité des patients à l’innovation auprès des dermatologues de proximité. Il leur faut aller en milieu hospitalier, ce qui représente un frein. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) doit revoir sa copie pour certaines molécules.   Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge des patients ? La consultation ne doit pas se réduire à la prescription. Le médecin doit délivrer un conseil adapté et vérifier l’observance tout en gérant les quantités prescrites. Il évalue le retentissement de la maladie sur la qualité de vie. Il adresse au dermatologue qui pourra donner des traitements complémentaires et, le cas échéant, établir d’autres diagnostics ou éliminer les facteurs aggravants.   En plus de l’observance médicamenteuse, quels conseils le médecin peut-il donner ? Il faut éviter les facteurs aggravant le contexte inflammatoire : porter des vêtements larges, utiliser des produits lavants doux, éviter les parfums, faire du sport en faisant attention à la sudation. Surtout, l’élément majeur de protection est l’hydratation de la peau.

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