Hospitalisation à domicile : une pratique à développer en pédiatrie

02/06/2017 Par Corinne Tutin
Pédiatrie

Congrès de la société française de pédiatrie -  "La pédiatrie au pluriel et l’enfant au singulier", tel a été le thème de l’édition 2017 du Congrès de la Société française de pédiatrie, qui était organisé à Marseille du 17 au 19 mai dernier. Quel avenir promettons-nous aux enfants ? se sont ainsi interrogés les spécialistes. "Nous ne savons pas si nos enfants vivront mieux que nous, mais c’est notre engagement", affirment les organisateurs de cette réunion annuelle, qui se voulait donc transversale et éclectique. De nombreux sujets pratiques ont été abordés, visant l’amélioration de la prise en charge des jeunes patients, comme les durées optimales d’antibiothérapie, le traitement de l’inconfort des accès fébriles, ou encore les besoins des enfants en vitamine A. En outre, la place de l’hospitalisation à domicile (HAD) pédiatrique a été abordée. En effet, elle est utile dans de multiples situations, et notamment en période de bronchiolites. Pourtant, elle ne représente aujourd’hui que 5 % de l’activité globale. Malgré bien des avantages, le développement de l’hospitalisation à domicile est freiné par des problèmes de confiance, économiques, et un manque d’engagement politique, affirme le Dr Édith Gatbois, pédiatre responsable du pôle mère-enfant de l’unité d’HAD de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris.   Egora : Où en est-on actuellement en matière de HAD en pédiatrie ? Dr Édith Gatbois : Sur les plus de 300 établissements HAD en France, environ la moitié prennent en charge des enfants. Néanmoins, moins d’une vingtaine de ces structures le font avec du personnel dédié à la pédiatrie : pédiatres, puéricultrices. Au final, l’activité de la pédiatrie en HAD ne représente que 5 % de l’activité nationale globale. Il persiste des freins au développement de cette activité. Son financement par la T2A est construit sur un modèle de forfait journalier conçu pour l’activité adulte et parfois non complètement adapté à la pédiatrie. Certains services pédiatriques sont aussi encore réticents à confier des enfants à la HAD, ce à la fois car le lien de confiance doit être au préalable établi et qu’il n’est pas dans la culture de tous d’organiser un relais pour les soins, mais aussi dans le souci de maintenir l’activité des services. L’opportunité de créer des filières en HAD est facilitée, quand les services ne sont plus en mesure de répondre à la demande d’hospitalisation (épidémie ou fermeture de lits). Nous avons pu élaborer un circuit de transfert rapide en HAD pédiatrique, nommé "Epiver", avec initialement le service de pédiatrie général de l’hôpital Robert Debré de Paris, pour assurer la prise en charge de nourrissons atteints d’infections aiguës comme des bronchiolites en période d’épidémie hivernale. Cette organisation "Epiver" se développe dans d’autres régions comme celles de Bordeaux, Clermont-Ferrand, Marseille. La pratique encore très minoritaire de l’HAD pédiatrique pourrait rapidement prendre de l’ampleur, si le choix politique était fait de la promouvoir.   Quel intérêt y a-t-il d’hospitaliser les enfants en HAD ? Les avantages offerts par cette pratique sont nombreux. L’HAD évite des transferts d’enfants à distance en période d’épidémie et prévient leur contamination par des infections courantes, comme des gastro-entérites. Pour ce motif, elle a probablement un intérêt épidémiologique. Ce mode d’hospitalisation est aussi plus confortable pour les familles. Enfin, elle est infiniment moins coûteuse qu’une hospitalisation classique.   Quelles sont les pathologies concernées ? L’HAD concerne des enfants porteurs de pathologies nécessitant des soins de niveau hospitalier et est utilisée soit en alternative à l’hospitalisation conventionnelle, soit pour assurer la coordination de plusieurs professionnels. Une grande part de l’activité pédiatrique concerne la néonatologie. Dans ce cas, les équipes HAD ont, en plus de leur fonction de surveillance clinique et de mise en place des traitements, un rôle préventif avec réassurance des parents sur leur compétence parentale et conseils de puériculture. L’HAD peut également assurer des soins thérapeutiques ou palliatifs dans de nombreuses affections aiguës ou chroniques de l’enfant. Actuellement, dans notre structure, un tiers de la HAD pédiatrique concerne la néonatologie (surveillance clinique d’enfants prématurés), un autre tiers l’onco-hématologie (surveillance de chimiothérapie, soins de cathéter…) et le dernier tiers toutes sortes de pathologies pédiatriques : troubles de l’alimentation nécessitant une assistance nutritionnelle,  problèmes nécessitant une antibiothérapie au long cours après chirurgie (comme une infection sur prothèse..,), poursuite d’une antibiothérapie après hospitalisation pour pyélonéphrite. L’HAD peut être aussi sollicitée pour des problèmes de compliance au traitement avec rupture du suivi chez des adolescents atteints de pathologie chronique : drépanocytose, diabète. Les médecins généralistes ou les pédiatres de ville peuvent faire une demande d’HAD directement sans forcément passer par une hospitalisation conventionnelle en amont. L’HAD permet un regard global sur la situation de l’enfant dans sa famille avec la mise en place des aides nécessaires. Elle permet d’dévaluer ce qui ne fonctionne plus dans un traitement, d’améliorer la prise en charge chez un enfant, un adolescent.
Comment fonctionne Epiver ? Epiver a initialement été créé en 2012 à l’hôpital Robert Debré de Paris, puis étendu à d’autres hôpitaux de l’AP-HP pour améliorer le parcours des nourrissons durant la période d’épidémie hivernale, notamment de bronchiolite. Ceci permet de fluidifier les mouvements au niveau des services hospitaliers et d’éviter des transferts des nourrissons dans des hôpitaux loin de leur domicile. Un autre objectif est de prévenir des réhospitalisations. Nous organisons, grâce à des professionnels dédiés : pédiatres, infirmières, puéricultrices..., le retour à domicile de nourrissons atteints de bronchiolite en phase de stabilisation de leur maladie. A Paris, la moitié des 393 enfants pris en charge depuis 2012 ont moins de 3 mois et 30 % moins d’1 mois ; et ils ont été hospitalisés 3 jours en moyenne auparavant. Cette cellule permet d’administrer au domicile le traitement : oxygénothérapie nasale, bronchodilateurs ou corticoïdes inhalés par aérosols, de mettre en place éventuellement une kinésithérapie au domicile. La durée moyenne de séjour est de 4,5 jours. Mais, certains nourrissons nécessitant une oxygénothérapie ont été hospitalisés jusque 3 semaines en HAD. Ce mode d’hospitalisation rassure les parents, avec un taux de satisfaction de 95 %.   Le Dr Edith Gtbois déclare n’avoir aucun lien d’intérête concernant les donées présentées dans cet article.

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